Le Contrôleur des prisons dresse un implacable « portrait de la France captive »

Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté a dressé mercredi un panorama sans concession de « l’arbitraire » que subit « la France captive » dans les 5.800 lieux d’enfermement de l’Hexagone.
Nommé en juin 2008 pour exercer un contrôle indépendant sur les prisons, locaux de garde à vue, dépôts de palais de justice ou hôpitaux psychiatriques, Jean-Marie Delarue a rendu public son premier rapport annuel.
Ce conseiller d’Etat, connu pour ses engagements contre les abus de la détention provisoire, a pris d’emblée à coeur sa nouvelle mission en multipliant les contrôles, inopinés pour certains.

En tout, 52 établissements ont reçu la visite de contrôleurs sur les quatre derniers mois de 2008, de quoi brosser le premier « portrait de la France captive » et « la description froide d’une réalité qui ne se laisse pas voir », selon les mots de M. Delarue au cours d’une conférence de presse à Paris.
Cet état des lieux opéré par une équipe de vingt contrôleurs a permis de constater « un déséquilibre entre les besoins de sécurité et les droits de la personne » enfermée, source de « tensions, souffrances, rapports de force et violences ».
Jean-Marie Delarue a comparé la sécurité à « un ogre jamais rassasié (qui) mange trop les droits de la personne ».
Ce « sentiment d’arbitraire », on le ressent en garde à vue, où on retire  lunettes ou soutien-gorge de toute personne arrivant (578.000 en 2008), où aucun budget n’est prévu pour acheter des médicaments en cas de besoin et où les locaux sont « exigus et mal entretenus ». « Ce n’est pas digne de la France de 2009 », a jugé le Contrôleur Delarue.

Dans les centres de rétention pour étrangers en situation irrégulière, « le port d’armes par les fonctionnaires (…) ne s’impose pas d’évidence ». Plus ubuesque, « on vous retire tout instrument pour écrire ». En revanche, « quand on arrive en prison, on vous remet de quoi écrire »…     Dans les établissements pénitentiaires, justement, dominent « les tensions, les menaces, les rackets ». Un paradoxe dans des « lieux où la règle est omniprésente, où la puissance publique est sur votre dos 24 heures sur 24 mais où tout peut arriver ».
Jean-Marie Delarue égrène les suicides (115 en 2008), les tentatives, dix fois plus nombreuses (1.200), les automutilations « jamais décomptées, pas plus que l’angoisse ou le désespoir » qui saisissent les détenus entassés les uns sur les autres.

Il y avait au 1er mars, 62.700 détenus pour 52.535 places dans les 200 prisons françaises. « Le surpeuplement, ce n’est pas seulement les matelas par terre », insiste le Contrôleur. C’est aussi « la croissance de la pauvreté » avec des accès aux activités et au travail « chichement mesurés. C’est encore « la diminution des parloirs avec les familles » et enfin un accès difficile aux soins .
Les dépôts de tribunaux, les hôpitaux psychiatriques qui manquent de lits et de personnel… Aucun type de structure n’a échappé aux premiers contrôles. Ceux-ci vont s’intensifier avec un objectif de 150 par an. Ils seront de plus en plus inopinés et le Contrôleur veillera à ce que soit préservée la sécurité des personnes qui se confient à lui.
Jean-Marie Delarue, au « travail objectif » pour la CGT-pénitentiaire et « pertinent » aux yeux de Christine Boutin, a jugé la situation « mauvaise, grave ». Il attend désormais « des réponses » du gouvernement.