Trump se cherche une posture de transition

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Le tombeur d’Hillary Clinton lors de la présidentielle américaine du 8 novembre tente de calmer son parti et ses détracteurs.

Le compte Twitter @realDonaldTrump a à nouveau tonné, deux jours après la victoire de son propriétaire. Jeudi 10 novembre au soir, à son retour de Washington où il avait rencontré Barack Obama et les responsables républicains du Congrès, le futur 45e président des Etats-Unis a pesté contre « les manifestants professionnels incités par les médias » à contester sa victoire. Mais, quelques heures plus tard, le nouveau champion de l’unité américaine se ravisait : « J’apprécie le fait que les petits groupes de protestataires, la nuit dernière, aient la passion de notre grand pays. Nous allons nous rassembler et en être fiers ! »

Les premiers jours du tombeur d’Hillary Clinton sont marqués par le va-et-vient entre les postures de campagne, et celles de président élu. La journée de vendredi en a apporté la preuve. Le magnat de l’immobilier a en effet remanié l’équipe chargée de la transition qui doit faire en sorte que sa future administration puisse prendre ses fonctions dès son intronisation, le 20 janvier 2017.

Le gouverneur du New Jersey, Chris Christie, le premier poids lourd républicain à avoir rallié M. Trump, recule d’un cran au profit du vice-président Mike Pence, propulsé à la tête de l’équipe de transition. M. Christie paie sans doute des ennuis judiciaires, à savoir la condamnation de deux de ses proches conseillers dans un scandale tragicomique dans son Etat, le Bridgegate (l’organisation d’un gigantesque embouteillage pour sanctionner un opposant politique). Quant à M. Pence, il est choisi à la fois pour ses lettres de créances conservatrices et sa bonne connaissance du Congrès, où il a siégé pendant plus d’une décennie et où il a présidé pendant deux ans une haute instance républicaine.

Equipe étoffée

Les autres proches conseillers de M. Trump, le sénateur Jeff Sessions (Alabama), l’ancien maire de New York Rudolph Giuliani, l’ancien speaker (président) de la Chambre Newt Gingrich et le général Michael Flynn, ancien directeur du renseignement, sont rejoints par un ancien outsider de la course à l’investiture, l’ultra­conservateur Ben Carson, neurochirurgien à la retraite. Tous peuvent espérer des postes éminents dans la prochaine administration.

L’équipe de transition, étoffée, hésite cependant entre l’ancien candidat et le futur président. On y retrouve désormais les principaux membres du commando sur lesquels il s’est appuyé : ses trois premiers enfants, Donald Jr, Ivanka, Eric, ainsi que son gendre, Jared Kushner, mais aussi ses deux responsables de campagne, la stratège Kellyanne Conway et l’ancien dirigeant du site d’information radical Breitbart News, Stephen ­Bannon, ainsi que Rebekah Mercer, la fille du milliardaire Robert Mercer, très liée aux deux précédents, ou encore David Bossie, un militant républicain ultra à l’origine de l’arrêt de la Cour suprême qui a supprimé en 2010 les plafonds aux dépenses de campagne.

L’équipe de transition compte également des parlementaires : Devin Nunes (Californie), climato­sceptique et conservateur fiscal, Marsha Blackburn (Tennessee), conservatrice sociale, Chris Collins (New York), l’un des premiers élus de la Chambre des représentants à avoir rejoint M. Trump, comme Lou Barletta (Pennsylvanie), connu pour ses positions très dures sur l’immigration. La procureure générale de Floride Pam Bondi, une proche du milliardaire qui a soutenu financièrement ses campagnes par le biais de sa fondation, y figure également.

Entorse à sa promesse

Ce cercle élargi reste cependant bien insuffisant pour répondre aux exigences de la transition, à savoir la nomination d’environ quatre mille noms à des postes-clés qui suivent les alternances politiques. Selon le New York ­Times (qui a soutenu l’adversaire démocrate de M. Trump, Hillary Clinton), des lobbyistes liés à de grands groupes énergétiques et alimentaires auraient déjà rejoint l’entourage du président élu. Leur présence constituerait une entorse à la promesse du candidat « d’assécher le marigot », à savoir de couper les ponts entre les groupes d’intérêts et l’administration.

Une autre hésitation a été révélée au cours d’un entretien accordé par Donald Trump au Wall Street Journal dans lequel il s’exprime sur la réforme de santé instaurée par Barack Obama et que le Parti républicain a symboliquement supprimée à la Chambre des représentants à soixante reprises. Au lendemain de son entretien avec le président, M. Trump a semblé partagé. « Obamacare sera soit amendée, soit abrogée, soit remplacée », a-t-il assuré. M. Obama l’a-t-il convaincu pendant leur entretien d’y réfléchir à deux fois ? Toujours est-il que M. Trump « aime beaucoup », désormais, certaines de ses dispositions.

Ces signaux contradictoires pourraient commencer à se dissiper lorsque viendra l’heure des premiers choix. Une indication sera donnée avec le nom retenu pour le poste de chief of staff de la Maison Blanche, une fonction qui tient à la fois du poste de premier ministre et de directeur de cabinet. Celui du plus haut-responsable du Parti républicain, Reince Priebus, est avancé, de même que celui, beaucoup plus surprenant, de M. Bannon. M. Trump devra compter de toute façon sur la vigilance de l’aile droite du Grand Old Party. « Les républicains disposent d’un monopole à Washington, nous voulons nos victoires », a exigé ainsi vendredi le polémiste ultraconservateur Mark Levin.

Gilles Paris

Source Le Monde 12/11/2016

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