Bien entendu, on peut contester le choix et s’abstenir. On peut aussi dénigrer le facile, honnir les couleurs et les paillettes de fin d’année et s’y rendre… On peut se réjouir en peaufinant sa tenue de soirée face au miroir du vestibule ou y aller par curiosité. Mais pourquoi enfermer un des fleurons de la création chorégraphique entre la musique de Stockhausen et les poèmes de John Cage ? Libre à lui de choisir Blanche neige.
Quand Preljocaj débouche sa « parenthèse féerique et enchantée, » il n’a rien à prouver. Et contrairement aux apparences, il ne manque pas de courage. La difficulté se présente toujours comme quelque chose à conquérir. C’est ce qui s’ouvre sur l’inconnu qui offre le plus de risques…
Angelin Preljocaj met scrupuleusement ses pas dans les traces de Grimm. Le conte s’ouvre sur la mort de la mère qui donne la vie en installant la nuit. La danse frénétique de la marâtre conclut le récit sans vraiment éclaircir l’inquiétude. Aucun segment de l’histoire n’a disparu. Ce qui produit quelques longueurs. A croire que les corps devenus objets de narration dépassent la vitesse des mots. Le chorégraphe offre sa lecture, accentue le pouvoir prédateur de la belle-mère, remplace ici ou là le chasseur par un groupe de paras, mais conserve le sens quasi sacré de l’histoire. Féminité, sexualité, obsession et rêverie fondent l’univers intemporel devenu corporel de Blanche neige.
L’association avec le romantisme de Mahler est heureuse. Quand le plateau est plein (26 danseurs), le ballet mouline un peu mais livre quelques moments d’exception. Le chorégraphe a toujours su tirer le meilleur de l’innocence. La nature angélique de Blanche neige est vibrante d’âme. Vivant ou endormi son corps parle de l’intérieur. Preljocaj n’est pas un poisson carnivore, il appartient à l’espèce des vrais créateurs.
Jean-Marie Dinh
Spectacle de la saison Montpellier Danse
Photo : JC Carbonne