Danse.
Le chorégraphe brésilien Marcelo Evelin est l’invité de hTh et de Montpellier Danse. Il vient présenter son spectacle Matadouro ce soir et demain au Théâtre de Grammont à 20h. Cette pièce est le troisième volet de l’adaptation du roman Os Sertoes (Hautes terres) d’Euclides da Cunha. Dans Sertào, il s’intéressait aux paysages arides du Sertan, dans Bull dancing aux hommes qui le hantaient. Dans Matadouro, le corps devient le champ de bataille, la métaphore de mille conflits.
Vous adaptez une oeuvre d’Euclides da Cunha très connue au Brésil, pourquoi avoir choisi cet auteur ?
Euclides da Cunha est un écrivain et un journaliste qui est parti en expédition avec les forces militaires à la fin du XIXe siècle dans les hautes terres du Nord-Est. Son roman Os Sertoes relate cette mission et la campagne de répression menée par les Républicains contre un mouvement d’émancipation des populations rurales dans l’arrière-pays. Ce fut un massacre jusqu’aux derniers 47 résistants réfugiés dans une église. Personne ne s’est rendu. Le livre est en trois parties, dans la première il décrit une région dont on parle très peu. Un lieu dont il se dégage une force bizarre, mystique. Dans la seconde, il est question des hommes et dans la troisième des batailles. J’aime m’inspirer de références littéraires mais on ne peut pas parler d’adaptation parce que la danse ne le permet pas, c’est vraiment une autre langue.
Comment avez-vous travaillé sur Matadouro ?
C’était en 2008, à Teresina dans une région perdue très loin des élites culturels. Je travaillais sur une programmation artistique dans l’un des théâtres les plus pourris du pays. C’était un moment où nous étions en lutte parce que les institutions nous avait coupé les vivres. Elles voulaient que nous donnions dans le folklorique. On nous a sorti du théâtre pour nous jeter dans un grand garage. Il nous restait un peu de matériel mais je n’étais pas satisfait. Lors des échauffements, je ne voulais pas qu’on fasse du yoga pour évoquer cette résistance perdue, je voulais quelque chose de plus violent. Alors on a commencé à courir. La pièce est devenue minimaliste. Dans Matadouro, la course devient un système dont on ne peut sortir. Même s’il y a des petites divergences qui apparaissent.
Comment ce travail sur la résistance est-il reçu ?
Mes parents me disent d’arrêter de courir, ils craignent pour mon coeur. Parfois une partie du public quitte la salle. Au Brésil certains se sont déshabillés pour courir avec nous. Ici, il se produit une sorte de friction avec des éléments de précarité, pas matériel, la précarité des relations humaines qui se délitent… Au Brésil, on commence à utiliser un autre terme pour évoquer la résistance, qui signifie exister de nouveau…
Recueilli par JMDH
Source L’Hérault du jour : 13/11/14