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Le film de Thierry Klifa s’appuie sur la relation difficile d’une mère absente avec sa fille. Lena Weber, aspirée par l’implication que lui demande son métier (Catherine Deneuve en Christine Ockrent) et la danseuse étoile Maria Canalès (Géraldine Pailhas), sa fille, sont deux femmes qui sont passées à côté l’une de l’autre. Maria a trouvé une mère de substitution en la personne de sa tante paternelle (Marisa Paredes), elle a un fils de 20 ans Bruno (Jean-Baptiste Lafarge) qu’elle n’a pas connu. La mort de son père anti franquiste, agit comme un déclencheur qui la pousse à partir à sa rencontre. Mathieu Roussel (Nicolas Duvauchelle), un jeune écrivain entre par effraction dans leur vie pour écrire à leur insu une bibliographie non autorisée.
Les liens entre les quatre personnages principaux et le fil de leur destin se dessinent progressivement autour du travail d’investigation de l’écrivain. Un personnage dont le cynisme cache une profonde déchirure. Paradoxalement c’est par lui que le rapprochement familial s’opère. Absent à lui-même, la trajectoire qu’il se fixe froidement pour parvenir à ses fins ouvre des failles et les protagonistes de son livre qu’il entend trahir amorcent un changement chez lui.
Puissance émotionnelle
Après Héros de la famille qui tournait autour du père, Thierry Klifa passe à la figure de la mère : mère absente, mère qui abandonne, mère disparue, mère de substitution, mère adoptive… Dans les yeux de ma mère il y a toujours une lumière chante Arno Ma mère elle a quelque chose dangereuse quelque chose d’une allumeuse, quelque chose que le réalisateur a bien saisi. La puissance émotionnelle des personnages s’exacerbe par le poids du mensonge et de la trahison. « On nous explique tout le temps comment on se remet forcément des deuils, des disparitions, moi au contraire, je voulais parler du mal qu’on peut avoir à survivre à la disparition d’un être cher… » confie le réalisateur.
Très nourri, le travail d’écriture cinématographique est remarquable. Le scénario cosigné avec son complice Christopher Thompson, (Héros de la famille, Une vie à t’attendre…) s’avère subtil dans la profondeur et la complexité des personnages. Les Yeux de ma mère est un film romanesque et sentimental construit comme un thriller avec une large place donnée au suspens qui tire parfois le film en longueur. Avec cette volonté de maintenir l’intrigue dans un film sentimental qui flirte avec le mélodrame, Thierry Klifa accouche d’un film où il éprouve son rapport aux limites préférant l’ellipse aux effets spectaculaires. La sophistication du montage et la musique de Gustavo Santaolalla se révèlent efficaces, servies par un univers esthétique qui magnifie l’ensemble. Une réussite.
Jean-Marie Dinh
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