Au Parc Montcalm restons calmes

Moure lâche les promoteurs pour le contact avec les promeneurs. Photo David Maugendre

Municipales. J-P Moure transforme un buisson d’épines en symbole de paix.

« Oui l’accord PS/ EELV prévoit bel et bien une sanctuarisation du parc Montcalm sur 23 hectares  qui seront inscrits au plan d’urbanisme en espace boisé classé », a réaffirmé samedi Jean-Pierre Moure présent sur le site en début d’après-midi. Entouré de plusieurs députés PS et EELV et de son équipe de campagne, le candidat est apparu déterminé à rétablir la clarté en renonçant au bras de fer que ses adversaires souhaitent maintenir sans raison d’être.

La polémique qui s’était focalisée sur le passage, gourmand en superficie, de la ligne 5 du Tram au coeur du parc, n’est plus d’actualité. Le président de l’Agglo a notamment (r) assuré : « La ligne 5 du tramway passera en lisière du parc pour desservir les quartiers  Ovalie – Estanove – Chamberte. Mais pour tenir compte des remarques et doléances des associations de riverains. Nous avons rectifié le tracé initial de telle sorte qu’il ne passera pas dans le parc comme continuent de la marteler des esprits chagrins mais en lisière ! »

A la trappe également, le projet d’une bande d’habitat initialement prévue par la ville en lisière du parc. Le coût de ces modifications n’a pas été évoqué mais la rectification cimente assurément les relations avec EELV. Au final la démarche s’est conclue samedi par la plantation d’un olivier, symbole de la concorde et de la méditerranée, au coeur de ce nouveau « Montpellier parc » décrit comme le marqueur d’une ville qui sait respirer.

JMDH

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Municipales Montpellier. La culture du XXIe sur ordonnance politique

soiree culturePolitique culturelle. Jean-Pierre Moure précise la place de la culture et le soutien
à la création dans un nouveau modèle de gouvernance métropolitaine.

Le 5 mars dernier, devant 250 représentants du monde culturel montpelliérain, Jean-Pierre Moure a présenté ses engagements pour la culture. Le candidat socialiste à la mairie de Montpellier entend porter une dynamique collective à partir de trois axes qu’il a déclinés en suscitant espoir et scepticisme.

Le premier axe entend « promouvoir une culture de proximité avec les jeunes et pour le vivre ensemble. » Il s’agirait de favoriser les cultures urbaines pour « en faire un nouveau marqueur identitaire », avec la volonté de créer un « Printemps des cultures urbaines » qui associerait le Fise, la Battle, des expos…

L’idée générale consiste à s’appuyer sur la jeunesse de la population pour bâtir l’offre et intégrer la culture urbaine dans une réflexion urbanistique et de communication. La rénovation du skate park de Gramont, l’ouverture d’espaces polyvalents et des Maisons pour Tous ainsi que la mise à disposition de friches (avec le concours de la SERM et d’ACM) font partie des intentions qui étayent cette proposition.

Concernant le « vivre ensemble », la ZAT serait « vouée à évoluer » pour répondre à trois critères : « Plus simple, plus souple, moins onéreux ». Le nouveau projet qui rappelle Quartiers Libres s’étirerait sur toute l’année et concernerait tous les quartiers, « avec des projets co-construits avec les artistes locaux et les habitants ».

« Sécuriser les artistes »

Le candidat propose aussi la gratuité des activités périscolaires avec la création d’un pacte d’éveil éducatif et culturel. Les artistes seront invités à accompagner l’aménagement des rythmes scolaires…

Le second grand axe vise à soutenir les artistes et impulser une économie de la culture. Jean-Pierre Moure s’engage à signer des conventions pluriannuelles de trois ans avec les artistes. Pour s’adapter aux soucis de trésorerie des associations, il propose de verser les subventions en début d’exercice en conditionnant un quart du budget alloué, sur objectifs.

Le candidat souhaite mailler le territoire urbain de résidences artistiques qui seraient mises à disposition par les bailleurs sociaux. Il est aussi très attaché à la dimension économique de la culture, appelant de ses voeux des incubateurs d’entreprises culturelles, il veut encourager les investisseurs en capital risque à miser sur ces entreprises.

Le troisième axe concerne la mise en exergue du patrimoine et de la culture scientifique. Il s’agit d’élever la ville à travers un appel à projet autour de la valorisation des cultures méditerranéennes, d’une candidature au label « Art et Histoire » de l’Unesco, ainsi que d’un travail de mise en réseau des artisans d’arts, et des sites de collections scientifiques universitaires.

Le président de l’Agglo dispose d’une assez bonne image auprès des acteurs culturels qu’il a souvent défendus. Le budget culturel de l’Agglo a augmenté de 18% depuis 2011. Le schéma qu’il porte aujourd’hui relève d’une vision politique assez partagée en France et en Europe.

Cette politique culturelle repose sur une interprétation de la création dans une dimension matérielle et sociale de la ville. Jean-Pierre Moure imagine la ville de demain mais dans une configuration où le rêve légitime du politique englobe et sécurise celui des artistes dont on oublie d’interroger la vocation sociétale. Qu’est-ce que la culture ? Il y a là un thème de réflexion passé sous silence qui conditionne fortement l’avenir de l’offre et de la demande culturelle montpelliéraine.

Le passage de l’équipement culturel au mode de vie

Point de vue

imagesLe concept de ville et les fonctions urbaines connaissent un profond changement que va venir renforcer la loi sur la décentralisation et l’émergence probable d’une métropole montpelliéraine. Jean-Pierre Moure qui évoque désormais le terme Agglo-métropole pour désigner le territoire qu’il vise à conquérir l’a bien compris.

La politique culturelle qu’il a présentée intègre la culture dans le jeu relationnel urbain avec les flux de personnes et les marchandises qui y circulent. Lieux de production, lieux de création, lieux de divertissements, lieux sportifs, lieux de diffusion culturelle, sphère publique et privée, concourent indistinctement au même schéma directeur.

Aujourd’hui la ville est certes autant un lieu de production que de consommation mais la culture rappelons-le, n’est pas un produit comme les autres. Les dimensions de la culture sont multiples, hétérogènes, diverses et il semble important qu’elles le demeurent.

A l’instar d’une saison lyrique, un projet comme la Zat, pour ne citer que celui-là, ne se mesure pas en terme de coût mais de valeur et précisément, à travers la qualité du travail artistique réalisé pour l’espace public. De même, la construction d’une identité urbaine ne se décrète pas d’un perchoir.

C’est justement de la culture qu’émerge l’identité. Le pragmatisme utile en politique n’est pas de bon conseil en matière culturelle et l’inversion des valeurs qui pose l’action politique comme matrice de l’identité ne sort pas du flou les motivations qui déterminent les choix culturels, leurs effets sur la consommation, et sur l’espace urbain. Comment ce discours sera lu par les acteurs culturels ?

Jusqu’ici la culture reste un lieu où la confiance dans les élus est forte. Dans la crise de la démocratie que nous traversons, c’est un élément qui doit être mesuré à sa juste valeur. Non seulement la culture peut infléchir les résultats électoraux mais elle garantit notre dimension critique et par la même notre capacité à penser par nous-mêmes. La culture reste une réponse possible à cette crise, la gardienne d’une authenticité, d’un engagement, d’une liberté de vivre et d’expression.

Jean-Marie Dinh

Source L’Hérault du Jour 11/03/2014

Voir aussi : Rubrique PolitiquePolitique Culturelle, Politique économique, rubrique Société, Citoyenneté, Rubrique Montpellier,

6 clés pour comprendre comment vivent les ados sur les réseaux sociaux

Un Selfie au Soleil. Photo AFP Charly Triballeau

Un Selfie au Soleil. Photo AFP Charly Triballeau

Après dix années de travail auprès de jeunes Américains, danah boyd, blogueuse sans majuscule, chercheuse chez Microsoft Research et professeure associée à l’université de New York, publie un livre pour éclairer l’usage que les adolescents ont des réseaux sociaux.

It’s complicated : the social lives of networked teens (disponible gratuitement en anglais, en attendant une traduction en français) veut expliquer aux parents ce que font concrètement leurs enfants sur Internet, s’attachant à démonter plusieurs fantasmes et à nuancer les risques les plus couramment évoqués (cyberaddiction, perte d’identité, disparition de leur vie privée, harcèlement, mauvaises rencontres).

It’s complicated, du nom d’un statut Facebook, illustre toutes les facettes de cette vie en ligne qu’ont ces adolescents aux yeux rivés sur leur smartphone. Nous avons rencontré danah boyd à Austin (Texas), au festival « South by Southwest » consacré aux nouvelles technologies. Elle donne plusieurs pistes pour comprendre comment les ados vivent sur les réseaux sociaux.

1. Les copains d’abord

Pour danah boyd, « les réseaux sociaux sont un endroit où les jeunes peuvent se retrouver avec leurs amis. Il faut prendre ça comme un espace public dans lequel ils traînent. »

Ces « rassemblements » sur Instagram, Snapchat, Twitter et consorts, sont la conséquence, selon elle, des restrictions imposées ailleurs.

« Aux Etats-Unis, avant la généralisation des ordinateurs et d’Internet, il a progressivement été de plus en plus difficile pour les jeunes de se déplacer et de voir leurs amis. Écoles éloignées du centre-ville, restrictions sur l’argent de poche et sorties aux centres commerciaux les ont empêchés de passer du temps ensemble. Dans beaucoup de familles, la peur de l’extérieur et le danger de l’inconnu a conduit à un cloisonnement plus important. »

« Et puis, la technologie est arrivée », se souvient-elle, en s’appuyant sur son expérience personnelle :

« Dans les années 1990, je me suis rendu compte que les ordinateurs n’étaient pas que des machines mais étaient en fait peuplés d’humains qui discutaient entre eux. Cela m’a paru tout de suite beaucoup plus intéressant. J’ai pu enfin avoir une vie sociale active, à travers des forums ou ce qu’on n’appelait pas encore des blogs, et faire des rencontres qui m’ont profondément marquées. »

Le phénomène se répète aujourd’hui sur les réseaux sociaux, avec une multitude d’outils et des milliers de services qui permettent aux adolescents d’avoir plusieurs niveaux de conversations « dans l’intimité de leur téléphone », la plupart du temps avec des cercles d’amis proches. « La plupart des jeunes n’aiment pas parler avec des inconnus, malgré toutes ces technologies incroyables qui permettent de communiquer avec le monde entier, assure-t-elle. Les jeunes Américains ne sortent pas de leurs frontières. Ils s’en tiennent à leur désir fondamental d’adolescent : voir leurs amis, parler avec eux de leurs expériences et de ce qu’ils connaissent (comme la vie scolaire), tout ça à l’abri des parents. »

 

2. « Gardez votre calme »

L’utilisation frénétique des réseaux sociaux est de nature à troubler papa comme maman. Dans la préface de son livre, danah boyd raconte comment un jeune, après lui avoir expliqué sa chaîne Youtube en détail, lui a demandé si elle pouvait aller l’expliquer à ses parents. « Ma mère pense que tout ce qui se passe en ligne est mauvais. Vous semblez comprendre que ce n’est pas le cas et vous êtes une adulte. Est-ce que vous pouvez lui parler ? »

Après ses longues discussions avec les adolescents, danah boyd se permet donc de donner quelques conseils aux parents intrigués ou décontenancés.

« Faites tout ce que vous pouvez pour garder votre calme ! La tentation est grande de tout vouloir contrôler et d’imposer des restrictions très fortes aux connexions des ados. En faisant ça, vous aurez démontré que vous avez un pouvoir, mais vous n’obtiendrez pas leur confiance. De même, espionner ses enfants en permanence n’est pas la bonne solution.

Cela ne fera que créer des conflits et augmenter le stress des adolescents qui, de toute façon, trouveront des moyens de contourner cet espionnage avec des applications et des réseaux sociaux que vous ne connaissez pas encore. Il faut poser des questions, dialoguer ouvertement, plutôt que de présumer tout savoir. Il faut également créer autour d’eux un réseau d’adultes vers lesquels ils pourront se tourner en cas de problème : c’est l’une des principales missions d’un parent. »

 

3. La vie privée n’a pas disparu

« Les jeunes sont obsédés par leur vie privée. Ils veulent avoir le contrôle de leur vie sociale à tous les niveaux, assure la chercheuse. Leur préoccupation majeure est de pouvoir se construire librement, sans avoir leurs parents sur le dos. Alors ils apprennent à maîtriser les paramètres de confidentialité des services qu’ils utilisent, même s’ils sont compliqués. Ou alors, ils les détournent en se créant des faux profils avec des pseudos. »

C’est la raison pour laquelle les jeunes cherchent de nouveaux lieux de socialisation en ligne lorsque leurs parents deviennent leurs amis sur Facebook ou les suivent sur Twitter. « Ce n’est pas cool quand la famille débarque là où on traîne avec ses amis. Alors on trouve un nouvel endroit », constate-t-elle.

Dernièrement, la très forte utilisation de Snapchat a répondu à ce besoin. Mais a aussi ajouté une dimension supplémentaire, celle de l’éphémère (Snapchat permet d’envoyer des photos qui ne s’affichent que quelques secondes sur l’écran avant de disparaître). Le succès de cette application montre, selon danah boyd, que les jeunes ont conscience des risques à poster des photos ou des vidéos d’eux sur les réseaux sociaux, qui pourront ressurgir des années plus tard.

« Un monde où tout est permanent et stocké en ligne n’est pas confortable. Snapchat, ce n’est pas qu’une question d’intimité : pour les ados, c’est une manière de contrôler encore plus ce qu’ils envoient. Avec cette application, ils se concentrent sur le présent : leurs blagues et messages qu’ils s’envoient sont faites pour un instant T, pas pour l’avenir. Quand à l’envoi de photo dénudé, c’est minime. Et, ce sont souvent des adultes qui s’y sont fait prendre… »

 

4. Les « J’aime » leur font du bien

Dans un moment de leur vie où ils sont en recherche d’identité, les adolescents utilisent les réseaux sociaux car cela leur permet de se sentir importants, juge la chercheuse.

« Les jeunes partagent des phrases et des images dans l’espoir d’avoir un retour. Les “J’aime”, les retweets, toutes les interactions générées par ce qu’ils postent en ligne sont perçues comme des marques d’attention qui leur font du bien. Et il ne faut pas donner plus d’importance à un “J’aime” qu’un hochement de tête dans une conversation. »

Cette recherche d’attention peut prendre l’aspect d’un nombre incalculable de « J’aime » ou d’une course à la célébrité. « Beaucoup de jeunes sont visibles, parfois très visibles, en contrôlant des profils qui générent beaucoup de “J’aime” ou de “retweets” parce qu’ils veulent, au départ, être reconnus de leurs amis. Le nombre de followers vient en complément des nouvelles Nike, et a remplacé le blouson de cuir. »

Lire aussi La mise en scène frénétique de soi des adolescents sur Twitter

Là encore, le récent succès de Snapchat s’appuie sur ce besoin d’obtenir de l’attention – et de s’assurer que l’interlocuteur est bien présent. « Pour regarder une image sur Snapchat, il faut faire une pause pendant une dizaine de secondes [l’application nécessite d’appuyer sur l’écran de son téléphone pour que la photo s’affiche]. Le récepteur doit prendre le temps de tout arrêter pour regarder ce message éphémère. Il y a des milliers de tweets, de photos sur Instagram, personne ne peut tout lire ou tout voir dans ces flux gigantesques de données. Snapchat modifie en cela notre comportement face à Internet : on est sûr que la personne qui reçoit notre image a focalisé son attention sur cette dernière. »

 

5. Les selfies ne sont pas (que) narcissiques

Selon la chercheuse, les « selfies » (autoportraits) qui ont envahi les réseaux sociaux ne sont pas le reflet d’un nouveau narcissisme. Elle souligne que le fait de se prendre en photo soi-même n’est pas nouveau, et que la prolifération actuelle est vraisemblablement due à la facilité de réaliser ce geste avec un smartphone.

« Un selfie permet à celui qui se photographie de prendre possession d’un lieu, d’un moment et d’un contexte. Les gens cherchent simplement à célébrer l’instant en se prenant en photo. Mais c’est aussi une façon d’être présent et d’affirmer au monde qu’on est quelque part. Le but étant ensuite d’en discuter avec son entourage. »

Elle explique de la même manière le succès chez les jeunes des nombreuses applications dédiées à la retouche d’images (Instagram avec ses filtres, Vine avec son montage, Snapchat avec ses dessins, etc.).

« Plus besoin de Photoshop. Avec des smartphones qui combinent appareils photos et applications, on peut s’approprier la réalité et la partager au monde telle qu’on la voit ou avec le sens qu’on veut lui donner. Et cela permet d’éviter d’avoir à se définir avec du texte, dont tout le monde n’a pas la même maîtrise. »

 

6. Les jeunes sont des internautes comme les autres

Pour danah boyd, la vérité n’est pas complexe : « Les adolescents sont comme nous. »

« Toutes les conclusions auxquelles je parviens après mes recherches peuvent s’appliquer à d’autres catégories sociales qui ont une vie active sur Internet. Ce qui est différent pour eux est qu’ils se construisent une identité, avec bien plus de contraintes, et qu’ils recherchent une liberté qu’ils doivent conquérir face à plusieurs représentants de l’autorité, à la différence des adultes qui l’ont déjà obtenue. Ils utilisent pour ça d’une manière très inventive les outils numériques à leur disposition. Les adultes qui doivent subir des contraintes dans leur vie de tous les jours le font de la même manière. »

Alexandre Léchenet et Michaël Szadkowski (Austin, envoyés spéciaux)

Source Le Monde 10/03/2014

« It’s complicated, the social lives of networked teens » est publié aux éditions Yale University Press en anglais, et est également disponible en format PDF sur le site de l’auteur. Une traduction française est prévue pour septembre 2014 chez C&F Éditions.

Voir aussi : Rubrique Internet, rubrique Société, Citoyenneté, Jeunesse,

Chez Virgin, la « pourriture » des clients l’a disputé au cynisme de la direction

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Vidéo Rush Virgin

Témoignage
Clément Liscoët | Etudiant en sociologie et vendeur chez Virgin

Les événements qui ont eu cours ces 13, 14, 15 mai dans les différents Virgin Megastore pendant la grande opération de déstockage ont suscité de grands sentiments d’indignation qui ont été relayés dans les médias, essentiellement via le support des blogs et de la presse numérique [« Soldes à Virgin : “ Vous vous êtes comportés comme des pourritures” »,

Il est intéressant de constater que l’essentiel de la critique s’est porté sur les clients et moins sur les membres de la direction des Virgin Megastore. Les clients ont été désignés par les doux sobriquets de « charognards » et « pourritures », remettant en cause leur comportement peu digne d’êtres humains.

Vendeur au secteur multimédia du Virgin Megastore de Montmartre depuis cinq ans, j’ai eu l’occasion de vivre cette période de déstockage.

Toutefois, bien que j’aie ressenti ces mêmes sentiments de dégoût et d’indignation, je voudrais rendre un peu plus subtiles les critiques qui ont été faites jusque-là, quitte à les déplacer quelque peu.

Un mode de pensée cynique

L’histoire de notre société moderne se caractérise par l’éveil de la rationalité. L’individu est devenu libre de ses choix par l’usage de la raison. Cependant, alors que pendant longtemps, il a été question d’une rationalité en valeur – l’individu réalisait ses choix en fonction de valeurs morales admises (religieuses, métaphysiques, etc.) – avec l’essor du capitalisme, on a vu émerger une autre forme de rationalité : la rationalité en finalité, une certaine forme de cynisme où « la fin justifie les moyens ».

Or, l’ensemble de la politique de Virgin ces dernières années a eu pour seul but d’inciter les clients, comme les vendeurs, à adopter le mode de pensée cynique au détriment de l’action morale.

Déjà à mon arrivé en 2008, les vendeurs du secteur multimédia avaient le droit à une prime en fonction de la réalisation des taux de ventes de produits numériques (lecteurs MP3, appareils photo, etc.).

Si la nécessité de faire du chiffre n’était pas encore pleinement prescrite sur le terrain, il reste que certaines techniques de vente entraient en ligne de compte dans l’évaluation des vendeurs, réalisée chaque année et au titre desquelles on pourra citer « la montée en gamme ». Du simple lecteur MP3, il était alors recommandé d’encourager le client à se tourner vers celui qui disposerait d’un écran couleur, puis, plus tard, au gré des technologies, vers celui qui capterait Internet.

De la même façon, il pouvait par exemple être assez mal venu de déconseiller l’achat d’une tablette numérique quand bien même celle-ci devait être destinée à un enfant, bien que le produit, autant pour des raisons techniques (la fragilité) qu’éthiques (la somme du produit équivalait au tiers de mon salaire), ne lui était pas approprié.

Le culte du matérialisme

C’est donc très tôt que Virgin, par l’intermédiaire de ses vendeurs, a enchaîné le client au consumérisme. On vouait alors un culte au matérialisme ; les techniques de vente par le renfort d’autres organes de la machine commerciale, comme la publicité, n’avaient de cesse de convertir les clients à ce culte.

A partir de 2010, Virgin a pris la décision de développer plus encore ce culte lorsque l’enseigne a décidé d’introduire la vente d’assurances sur les produits numériques. Les vendeurs ont été formés moins sur les conditions de réparation des produits lors de la souscription d’une assurance que sur la façon de placer ces dernières.

Le devoir de remplir son taux d’assurance était d’autant plus obligatoire qu’un système de sanctions s’était mis parallèlement en place :

  • dans un premier temps, aux primes données en fonction de la vente des produits s’est ajoutée une autre prime, celle-ci en fonction du nombre d’assurances placées ;
  • puis un tableau hebdomadaire de classement s’est mis en place, hiérarchisant les vendeurs entre eux.

Le taux de placement d’assurances est alors devenu le seul élément faisant la qualité d’un vendeur. Si un employé voulait évoluer au sein de Virgin, il devait dans un premier temps montrer sa capacité à faire des assurances à tout prix et quels que soient les moyens.

Transformés en vendeurs d’assurance

Après avoir formé ses clients au culte du matérialisme, Virgin insistait désormais sur la préciosité et la fragilité des produits achetés. L’archétype du bon vendeur était alors celui qui était en mesure de conseiller un produit à un prix tel qu’il ne vienne pas limiter le placement d’une assurance, sans trop contraindre le budget du client.

Quant aux vendeurs, leur marge de liberté a été de plus en plus réduite et ils ont dû se contraindre à accepter les nouvelles règles que Virgin leur prescrivait. Bref, de vendeurs en produit numérique, nous nous sommes transformés, bon gré mal gré, en vendeurs d’assurance.

Au cours de ces derniers mois, on a longtemps imputé aux ventes en lignes la chute de Virgin. Loin de remettre en cause complètement ce point, il n’en reste pas moins que Virgin, en raison de la politique menée ces dernières années, a encouragé ses clients à se tourner vers ces mêmes sites en ligne.

Les individus sont devenus des agents

Dans un premier temps, un premier mouvement s’est constitué lorsque Virgin a incité ses clients à épouser l’action calculée, le cynisme, en accordant une part toujours plus importante à la matérialité : en favorisant une consommation toujours plus extrême au moindre coût.

Puis, un second mouvement s’est amorcé lorsque Virgin a supprimé la seule force qui lui restait, ses vendeurs, en les déshumanisant. En contraignant de façon de plus en plus accrue les employés à passer de conseillers clients à vendeurs d’assurance, Virgin a fait de ses employés le rouage d’une mécanique de profit. La relation de vente qui, jusqu’alors, pouvait encore se définir par une relation entre deux individus, vendeur et client, s’est peu à transformée pour faire place à une relation entre deux agents, deux moyens, rapprochant au final une vente en magasin de la virtualité d’une vente sur Internet.

Aussi, quels ont été les torts des clients venus ces derniers jours ? On ne pourrait les incriminer d’avoir voulu faire de bonnes affaires, d’avoir cherché à maximiser le profit qu’ils pouvaient tirer de cette aubaine. Après tout, les clients présents les 13/15 mai se sont assignés le rôle que Virgin a attendu d’eux pendant toutes ces années.

Ces événements n’ont fait que révéler la virtualité de la relation entre employés et clients, non plus incarnée par des individus humains, mais par la rencontre mécanique entre une offre et une demande, dans l’objectif d’atteindre les buts fixés.

Ils ont failli dans leur rôle d’êtres humains

Là où l’horreur peut nous saisir, c’est en constatant que les clients n’ont pas été capables de sortir de ce rôle. On aurait pu espérer, avec la montée des plans de licenciement, un sentiment d’adhésion de la part de clients pour notre sort, d’autant plus que parmi la foule d’individus qui ont passé les portes des Virgin ces derniers jours, certains parmi eux ont subi ou risquent de subir les mêmes menaces. Or, à part de rares exceptions, il n’en fut rien.

Le sentiment de dégoût a par ailleurs été plus fort dans la mesure où nous nous sommes trouvés destitués de nos rôles par les clients eux-mêmes, au fur et à mesure que les stock étaient vidés. Jusqu’à ce point, notre statut d’employé n’avait été que virtuellement remis en cause par les annonces de fermeture ; les conditions matérielles permettant l’exercice de notre activité – les magasins – restaient effectives. La disparition progressive des stocks annonçait, sans retour possible, la fermeture prochaine des magasins.

Or, la confrontation à la disparition de notre activité, de nos statuts d’employés, a été le fait des clients, ceux-là même qui, jusqu’alors, étaient l’élément fondamental et humain de notre activité. Les individus n’ont pas failli dans leur rôle de clients mais nous pouvons leur reprocher d’avoir failli dans leur rôle d’êtres humains. De n’avoir pas su se départir de l’action cynique pour faire le choix d’agir moralement.

Figure du mal

Dans cette équation, il y a pourtant un coupable que l’on a trop facilement oublié. Le jeudi 16 mai, alors que mes collègues et moi-même refusions de ranger les magasins, nous avons eu le droit à la visite de Marc Pinguet, membre de la direction (directeur d’exploitation).

Pendant le bref échange que nous avons eu avec lui, j’ai eu tout le loisir de saisir la figure du mal qui caractérise ce nouveau siècle. J’ai pu constater la différence fondamentale entre lui et nous, clients et employés de Virgin. Si nous avons dû agir par l’effet d’une force mécanique, si nous avons été contraints à nous soumettre à cette action cynique, pour lui il s’agit d’une idéologie.

Par un effet rhétorique assez classique, monsieur Pinguet nous a indiqué que lui-même avait commencé au bas de l’échelle, comme vendeur, comme nous ; nous indiquant alors que ce qu’il exigeait de nous, dans la mesure où il l’avait lui-même vécu, nous nous devions de l’accepter.

Deux types de personnes entrent dans la composition des membres de la direction :

  • ceux qui sont entrés par voie de diplôme et biberonnés aux discours des écoles de commerces ;
  • ceux qui y arrivent par ascension progressive.

Or, n’évolue pas qui veut dans une entreprise. Seuls ceux qui adhèrent le plus étroitement aux politiques de l’entreprise gagnent ce droit. Chacun des membres de la direction est donc dans une acceptation forte de l’action cynique. Lorsque monsieur Pinguet nous a annoncé, dans un sursaut de compassion, que ces journées de déstockage avaient été un mal nécessaire, il nous a montré à quel point nous étions, nous les employés, un moyen comme un autre d’atteindre les buts que Virgin s’était fixés.

La preuve en est qu’une fois l’objectif atteint, les soldes ont cessé, et certains magasins ont eu le droit de fermer pour « calmer les esprits ». Pendant ces trois jours, nécessaires pour faire du chiffre, le manque de personnel garantissant la sécurité et les risques de violence de la part de clients n’ont pas été un problème, ils ne le sont devenus qu’une fois les objectifs atteints.

Pendant ces trois jours, madame Christine Mondollot, la présidente de Virgin, était au Mexique : on voit alors à qui s’adressent les notions de sacrifice et de résignation. Aucun des employés n’a choisi la politique qui lui a été imposée, aucun d’entre eux pourtant ne partira en vacances au Mexique ces prochaines années. Si au moins le profit engendré par les soldes finançait le plan de licenciement comme annoncé et non le paiement des dettes… mais rien n’est moins certain.

Les employés mais également les clients resteront toujours pris dans le jeu de forces supérieures activées par les membres des directions et des actionnaires, qui chercheront toujours à attirer vers eux plus de profit. La colère doit donc se diriger vers ces personnes.

Cependant, si le déni de solidarité persiste, on peut espérer que la montée du chômage change la donne. Peut-être que lorsque nous serons tous également lésés, la solidarité sera de nouveau au goût du jour. Espérons seulement que nous aurons compris la leçon et nous ne nous laisserons plus séduire par ces discours faisant l’apologie de l’action cynique.

Source : Rue 89 25/05/2013

 Voir aussi : Rubrique Actualité France, rubrique Société, Consommation, Travail,

Le Grand Journal est-il devenu sarkozyste?

Vendredi soir, Nicolas Sarkozy était invité du « Grand Journal » de Canal + pendant deux heures. Aucune critique politique sérieuse ne lui a été adressée. Face à ses mensonges avérés, ses erreurs factuelles, face à sa propagande, le Grand Journal lui a servi la soupe. Face à Sarkozy, Canal + a choisi l’entertainment et non pas la politique. Le people et non pas le peuple.

Le « Petit Journal », lui-même, est devenu tout gentil. Simple faire-valoir de l’émission, l’écrivain congolais Alain Mabanckou n’a même pas su critiquer le discours de Dakar de Sarkozy sur l’Afrique ! Quant à Carla Bruni, aucune mention de l’affaire qui plombe son image, ni sur sa nouvelle communication bébête de fan de Plus Belle la vie. On a ri avec Sarkozy sur le petit Louis et sur ces journalistes « Pinocchio ».

Quant aux chroniqueurs du Grand Journal, en principe très mordants, ils sont restés paralysés, presque silencieux. A part quelques tentatives inabouties de Jean-Michel Apathie, l’émission a passé la brosse, dans le sens du poil, au président-sortant d’une manière inattendue.

Renaud Le Van Kim est le producteur du Grand Journal : il a fait les meetings de Sarkozy.

Inattendue ? Le producteur du grand journal est Renaud Le Van Kim. En 2004, un proche de Nicolas Sarkozy, le publicitaire Christophe Lambert est allé le chercher pour réaliser les images du grand meeting de l’UMP, et ce fut le couronnement de Sarkozy, qui venait de prendre la tête du parti de droite. C’est donc Le Van Kim qui est devenu le réalisateur préféré du président et le grand manitou de ses images. Avec sa grammaire visuelle fluide, sa passion pour les ballets de caméras qui s’envolent dans un mouvement perpétuel et, disons-le, son génie de la mise en scène, Le Van Kim allait dès lors jouer un rôle dans la guerre des images lancée par Sarkozy. En 2007. Mais aussi en 2012.

Car depuis, ce surdoué du petit écran, d’origine vietnamienne, est rarement loin des caméras lorsque Sarkozy fait un show télévisé. Tout à la fois producteur en vogue (du « Grand Journal » de Canal+ donc) et réalisateur de talent (il filme les soirées des Césars, les cérémonies de la Palme d’or à Cannes, les concerts de Johnny Hallyday ou la « Nouvelle Star »), il est régulièrement sollicité par le chef de l’Etat.

Sarkozy veut être certain que les images soient contrôlées par un « grand professionnel » (comme le qualifie Lambert). Et récemment, en octobre dernier, Le Van Kim a signé la réalisation de l’interview simultanée du chef de l’E?tat sur TF1 et sur France 2 : Sarkozy l’a choisi, tout comme il a choisi les journalistes qui l’interviewaient (dont Jean-Pierre Pernaut). L’émission, d’ailleurs, a été produite par une société privée (Maximal Productions, dirigée par Jérôme Bellay, directeur de la rédaction du JDD, et filiale à 100 % d’Europe 1), fournie clé en main – et facturée – aux chaînes.

Le Van Kim fut aussi conseiller spécial du P-DG de TF1 mais il assure aujourd’hui avoir mis un terme à cette collaboration.

Vincent Glad, benoîtement silencieux

Un autre fait a étonné ce vendredi. Le rôle étrange de Vincent Glad. Le très jeune chroniqueur numérique du Grand Journal a servi, lui aussi, la soupe au président – par ses silences. Pas une critique sur Hadopi ! Pas un mot sur Acta ! Pas une phrase sur l’Internet civilisé ! Il y a quelques semaines, il avait critiqué violemment le PS sur le numérique. A un autre moment, il a expliqué – se ridiculisant – que n’importe quel internaute pouvait faire la même Timeline que Sarkozy, preuve que le candidat UMP n’avait pas bénéficié des conseils de FaceBook, en dépit des preuves de l’Express. En général, Glad sait taper dur et critiquer fort : ce vendredi, il a passé l’émission à sourire devant Sarkozy, sans même s’essayer à la moindre critique contre le président qu’il semblait admirer benoîtement. Un idiot utile du sarkozysme ?

On verra lundi soir, lorsque François Hollande sera l’invité, à son tour, du Grand Journal, si les sourires, les silences et le cirage de pompe seront également de mise.

Frédéric Martel (L’Express)

? Sources: Article sur Le Plus du Nouvel Obs : Comment Sarkozy a tué le « Grand Journal » et le « Petit Journal » de Canal + ; article de Arrêt sur images ; voir aussi  J’aime pas le sarkozysme culturel (Flammarion), chapitre « La bataille des images et d’Internet » (sur Le Van Kim).

Sarkozisme culturel : Pour suivre ce blog chaque jour voir sa page FaceBook ainsi que, pour plus d’informations et pour ses sources, voir le site www.fredericmartel.com ? Le livre de F. Martel, J’aime pas le sarkozysme culturel vient de paraître chez Flammarion. Voir l’extrait de France 3 où Carla Bruni-Sarkozy dénonce « un livre contre son mari » (voir la vidéo) .

Voir aussi : Rubrique Médias, rubrique Politique,