Loi immigration: les députés LREM refusent d’interdire la rétention des enfants

En France, l'enfermement des mineurs en centre de rétention administrative (CRA) est légal.

En France, l’enfermement des mineurs en centre de rétention administrative (CRA) est légal.

Drôle d’anniversaire. Samedi 21 avril, seize ans après l’accession de Jean-Marie Le Pen au second tour de l’élection présidentielle, sa fille a eu l’air de bien s’amuser à l’Assemblée nationale, au sixième jour d’examen d’un projet de loi « asile et immigration » dont ses troupes ont déjà voté deux articles entiers (un « tournant historique » selon le patron du PS), riant à toutes les blagues de Gilbert Collard.

En prime, elle pouvait suivre à distance les « exploits » d’une centaine de militants d’extrême droite qui se sont improvisés gardes-frontières pour tout le week-end dans les Alpes, où ils ont déroulé 500 mètres de grillage dans la neige pour repousser les migrants, qui ont souvent risqué leur vie dix fois pour arriver jusque-là.

En guise d’anniversaire, surtout, les députés de la majorité ont voté samedi la mesure « phare » du texte de Gérard Collomb, qui allonge de 45 à 90 jours la durée légale d’enfermement des étrangers en centre de rétention administrative (les CRA), sorte de « sas » où les sans-papiers sont confinés sur décision des préfets en vue d’un embarquement en avion plus ou moins rapide, bien souvent hypothétique (absence de « laissez-passer » du pays d’origine, libération par un juge des libertés, etc.). Le plafond légal sera ainsi 7,5 fois plus long qu’en avril 2002.

Plus symbolique encore ? Samedi, les bancs LREM ont renoncé, sous la pression du ministre de l’intérieur, à prohiber le placement d’enfants dans ces centres de rétention, rejetant trois amendements successifs venus de leur gauche (PS, France insoumise et PCF), qui prétendaient en finir avec cette pratique en augmentation.

Les suppliques n’ont pourtant pas manqué. « Monsieur le ministre, trois mots : pas les enfants ! Plus les enfants ! a lancé Hervé Saulignac (PS). Ils sont par essence innocents. Un centre de rétention, c’est parfois des barbelés, des caméras, du mobilier scellé, des verrous, un univers carcéral qu’on réserve aux individus dangereux. » Du côté des communistes, Elsa Faucillon a interpellé tous les bancs : « C’est pour nous un moment grave, insupportable. Je vous en conjure, votez contre ! »

L’an dernier, sur 26 000 étrangers placés en CRA (hors outre-mer), le Défenseur des droits a encore comptabilisé 134 familles avec 275 enfants, un chiffre en augmentation – sachant qu’un mineur isolé n’est jamais enfermé. Dans une décision récente, il a surtout demandé aux autorités « de faire évoluer la législation pour proscrire [la rétention d’enfants] dans toutes les circonstances », avec une « préoccupation » particulière pour Mayotte où plus de 4 000 mineurs (venus des Comores) ont été privés de liberté l’an dernier.

« Ne tournons pas autour du pot, a résumé Jean-Luc Mélenchon, pour sa première prise de parole de la semaine sur le projet de loi. Nous sommes ici un certain nombre à être absolument, totalement, radicalement opposés à la rétention des enfants. (…) Nous allons être condamnés à tour de bras par toutes les instances internationales ! »

À plusieurs reprises déjà (encore cinq fois en 2016), la France a en effet été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme, qui n’a certes pas sanctionné la rétention d’enfants en elle-même. Mais elle a constaté que « les conditions inhérentes à ce type de structures [avaient] un effet anxiogène sur les enfants en bas âge », et jugé que « seul un placement de brève durée » pouvait « être compatible » avec l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui prohibe les « traitements inhumains et dégradants ». À la clé, des milliers d’euros de préjudice moral versés aux familles (tchétchènes, arméniennes, etc.).

Samedi, le PS était toutefois mal à l’aise pour donner des leçons à La République en marche. Alors que le candidat Hollande s’était engagé en 2011 à mettre fin à la rétention des enfants pour privilégier l’assignation à résidence, une circulaire de 2012 de Manuel Valls l’a seulement encadrée, provoquant certes une chute momentanée des statistiques, mais qui ont vite remonté.

En 2016, surtout, le gouvernement Valls a bel et bien inscrit, cette fois dans la loi, la possibilité de placer des familles en CRA, non seulement lorsqu’elles ont fui une première fois (ou fait échouer un embarquement), mais aussi lorsque les préfectures estiment qu’une courte rétention (« 48 heures avant un départ programmé ») sera moins brutale qu’une interpellation de la famille la nuit du départ. En ce 21 avril 2018, les socialistes ont trouvé la parade : haro sur Manuel Valls.

« Le premier ministre de l’époque, que vous avez longuement soutenu, a recouru allègrement à toutes les dérogations existantes ! » a ainsi lancé Valérie Rabault (PS), à l’adresse des bancs LREM. « Nous pouvons aujourd’hui les uns et les autres réparer ce qui ne l’a pas été jusqu’ici », a pour sa part déclaré Olivier Faure, le patron du PS.

Côté LREM, la quasi-totalité du groupe souhaitait arriver, il y a encore quelques semaines, à une prohibition. Le responsable du texte lui-même, Florent Boudié, nous confiait sa volonté de « l’interdire en métropole », pour contourner les difficultés propres à Mayotte. Samedi, changement de pied : « Pourrions-nous nous permettre d’interdire la rétention des mineurs sur le territoire métropolitain et la maintenir sur les territoires ultramarins ? Au nom de quelle égalité républicaine ? » Un groupe de travail va plutôt se réunir, au sein du groupe LREM, pour plancher sur une future éventuelle proposition de loi… Au sein de la majorité, on explique réfléchir, entre autres voies, à des bâtiments dédiés à l’accueil des familles, en dehors des CRA mais tenus par les forces de l’ordre, à un plafonnement restreint du nombre de jours, etc.

C’est qu’entre-temps, Gérard Collomb a dégainé quelques promesses : « Nous allons aménager de manière prioritaire certains CRA dans lesquels seront placées les familles » (c’est déjà le cas), « Nous investirons dans les conditions matérielles et sociales », « Nous ferons en sorte que la durée soit la plus brève possible »

Mais sur le fond, le ministre en a fait un enjeu d’« efficacité ». « Si même les personnes qui fuient le droit, on ne peut pas les expulser », celles notamment « qui se sont déjà soustraites à une procédure d’éloignement », « alors on n’expulsera plus personne, a-t-il prévenu. La situation deviendra inextricable ». Son obsession ? Les familles albanaises et géorgiennes, autorisées à venir sans visa pendant trois mois, qui obtiennent rarement une protection, mais « font une demande d’asile à peine arrivées ». Et de glisser : « En Allemagne, la situation de ces familles est examinée en moins d’une semaine, nous devons nous aligner… »

À l’arrivée, seules trois députées LREM (dont Delphine Bagarry) et trois Modem ont voté les amendements d’interdiction, auxquels on peut ajouter onze abstentionnistes, tandis que le gros des troupes suivait Gérard Collomb, en compagnie de 70 LR, 2 UDI et 6 frontistes, dont Marine Le Pen.

Sur l’allongement du délai de rétention, le ministre n’a guère rencontré plus de résistance dans son camp. « La problématique qui existe est que nous ne renvoyons pratiquement personne », a plaidé le ministre (qui vouait même passer à 135 jours initialement), rappelant que moins de 20 % des « obligations de quitter le territoire français » (OQTF) sont exécutées. Même une fois placées en CRA, 40 % « seulement » des étrangers sont renvoyés, notamment parce qu’ils restent au sol tant que leur consulat n’a pas signé un « laissez-passer ». Or celui-ci n’arrive parfois jamais, pour cause de lenteurs ou d’obstructions administratives dans les pays d’origine.

Mais comme Mediapart l’a déjà expliqué (voir notre analyse), une fois passés douze jours (durée moyenne de rétention), la probabilité de voir arriver des laissez-passer chute drastiquement. En 2017, 635 personnes seulement ont été libérées au bout de 45 jours en CRA, faute de laissez-passer. Le passage à 90 jours prévu par Gérard Collomb a paru tellement peu efficace au groupe LR que même ce dernier s’est abstenu, avec le FN. La majorité l’aura donc adopté toute seule.

Source Médiapart 22/04/2018

Le 26 mai : Marée populaire pour l’égalité, la justice sociale et la solidarité

grande-maree-vue-inytra-muros-1170x731

La manifestation du 26 mai, qui se veut une « marée populaire pour l’égalité, la justice sociale et la solidarité» a été organisée à l’initiative d’Attac et de la Fondation Copernic, mais dans une optique par essence collective, puisque l’objectif était de faire converger les luttes en mêlant dans un même appel des associations, des syndicats et des partis politiques. Le 4 mai, Attac faisait savoir dans un communiqué que « plusieurs organisations syndicales, associatives et politiques» étaient réunies la veille  «en vue d’échanger sur la situation dans le pays.»

L’appel

Pour l’égalité, la justice sociale et la solidarité /

Un constat s’impose, Emmanuel Macron, son gouvernement et le  Medef sont décidés à imposer coûte que coûte une restructuration en profondeur de la société française : politique d’austérité, destruction des droits des salarié.es, introduction de la sélection à l’entrée de l’université, casse des services publics, aggravation du sort des sans emplois, réorganisation aggravant les inégalités en matière d’accès à la justice, réforme fiscale favorable aux plus riches, loi répressive contre les migrant.es, priorité donnée au secret des affaires contre le droit à l’information, introduction de l’état d’urgence dans le droit commun, répression des mouvements sociaux et des jeunes des quartiers populaires, utilisation de l’égalité femmes-hommes comme simple outil de communication, sans moyens financiers, alors que les femmes sont les premières concernées par les régressions sociales… sans oublier une politique militariste au niveau international.La multiplication des mesures prises avec brutalité sur tous les fronts a un objectif, celui de créer un effet de sidération et espérer ainsi empêcher toute riposte. Le patronat profite de la situation pour multiplier les restructurations et rester sourd aux revendications du monde du travail. En s’en prenant aux personnels à statut, en particulier aux cheminot.es, Emmanuel Macron espère, s’il l’emporte, casser tout esprit de résistance.

Ce coup de force peut échouer, car les mobilisations se multiplient dans le pays, chacune avec sa spécificité : journée nationale d’action, grèves, occupation d’universités, manifestations… Il appartient évidemment aux organisations syndicales de décider, avec les personnels concernés, de leurs formes d’action. Chacune d’entre elles a, a priori, des ressorts différents, mais au-delà de tel ou tel aspect, ce dont il est question concerne la nature même de la société dans laquelle nous voulons vivre. Voulons-nous vivre dans une société où les droits sociaux seraient réduits à néant, où les services publics et la sécurité sociale auraient disparu, où l’inégalité de traitement des territoires serait la règle, où l’accès à l’université serait de plus en plus réduit, où les lanceuses et lanceurs d’alerte et journalistes seraient bâillonnés, où les défis écologiques seraient soumis aux intérêts de la finance, où le logement, les HLM et les locataires seraient marchandises,où la lutte contre les discriminations se réduit à des discours ? Ou, au contraire, voulons-nous une société plus juste, plus solidaire, plus démocratique, plus égalitaire avec un meilleur partage des richesses ? Tel est l’enjeu.

Le gouvernement espère que ces mobilisations sectorielles restent isolées et qu’il pourra les défaire les unes après les autres en tenant bon, en les laissant s’épuiser ou en les réprimant. Affichant sa détermination, il espère ainsi nous décourager. Il se trompe, comme le montre la multiplication des collectifs citoyens en lien avec les salarié.es, les retraité.es et les étudiant.es ainsi que le succès de la solidarité aux grévistes, notamment à ceux de la SNCF. Il s’agit maintenant d’aller plus loin et, toutes et tous ensemble, d’affirmer dans la rue que des alternatives existent, que nous ne nous résignons pas au sort que nous promet ce gouvernement. Il fait la sourde oreille, il faut le forcer à nous entendre et à retirer ses projets.

Dans le respect de nos champs d’interventions respectifs,nous voulons aller au-delà de toutes les mobilisations positives qui existent déjà et rassembler toutes les forces sociales, syndicales, associatives, politiques pour construire et réussir ensemble un grand rendez-vous citoyen. Partout en France organisons le samedi 26 mai une marée populaire pour l’égalité, la justice sociale et la solidarité.

un communiqué d’Attac a confirmé la tenue de la journée du 26 mai.

 

Voici la liste des organisations,:

Act-Up Paris

Alternative et autogestion

Alternative Libertaire

Association Nationales des élu.e.s communistes et républicains

Association républicaine des anciens combattants et victimes de guerre

APEIS

ATTAC

Climat social

Confédération Nationale du Logement

Collectif des Associations Citoyennes

Collectif National pour les Droits des Femmes

Collectif La Fête à Macron

Confédération Générale du Travail

Coordination nationale de défense des hôpitaux et maternités de proximité

Convergence nationale de défense des services publics

DIDF

DIEM25

Droit au Logement

Ecologie sociale

Europe Ecologie Les Verts

Les Effronté.es

Ensemble !

Femmes Egalité

Fondation Copernic

France Insoumise

Gauche Démocratique et Sociale

Génération.s

MJCF

Mouvement Ecolo

Mouvement National des Chômeurs et Précaires

Mouvement de la Paix

Nouvelle Donne

Nouveau Parti Anticapitaliste

Parti Communiste Français

Parti de Gauche

Parti Ouvrier Indépendant Démocratique

PCOF

PCRF

République et Socialisme

Résistance Sociale

Snesup-FSU

SNPJJ-FSU

SNETAP-FSU

SNUITAM-FSU

Solidaires

Syndicat des Avocats de France

Syndicat de la Magistrature

UEC

UNEF

UNL

Union juive française pour la paix

Cordialement

C.Mt

Pistes. Comment mettre fin à l’impunité des multinationales

No_a_la_mineria-800x400

Banques, industriels du pétrole ou du gaz, sociétés militaires privées… Nombreuses sont les grandes entreprises qui alimentent des guerres civiles meurtrières. Face à l’impunité de ces multinationales, Jelena Aparac, jeune doctorante à l’Université Paris Ouest – Nanterre La Défense pose la question fondamentale de leur responsabilité en droit international.

« Beaucoup de ceux qui ont connu la violence des guerres de Yougoslavie ont choisi de tourner la page, pas moi », explique Jelena Aparac. Plus de vingt ans après les événements, les plus meurtriers d’Europe depuis la Seconde guerre mondiale, la jeune Croate née à Osijek, à vingt kilomètres de la Serbie, n’a rien oublié.

Surtout, le conflit a fondé sa vocation. La trentenaire a choisi de se consacrer au droit des conflits armés et à son applicabilité aux nouvelles formes de guerre, particulièrement les guerres civiles. Pour cela, la jeune femme a choisi un angle mort du droit actuel, celui de la responsabilité internationale des multinationales, aujourd’hui non fondée juridiquement.

Prévenir les conflits

« Construire le régime de responsabilité internationale pénale des multinationales peut les dissuader de s’impliquer et, donc, permettre de prévenir les conflits. Aujourd’hui, l’impunité est totale », commente la doctorante qui a soutenu sa thèse1 en septembre dernier.

Si la participation de multinationales aux violations des droits humains a été reconnue dès le procès de Nuremberg, le dossier n’a été officiellement ouvert qu’en 1972 aux Nations-Unies, quand le Chili a porté plainte contre la multinationale américaine ITT2. Depuis dix ans, il fait souvent les gros titres. « De premiers éléments de jurisprudence apparaissent », souligne Jelena Aparac. Première mondiale, BNP Paribas a même plaidé coupable en 2014 devant un tribunal new-yorkais pour ses transactions financières avec trois pays sous embargo américain (Cuba, Iran, Soudan). Résultat, la banque française a été condamnée à une amende de 8,9 milliards de dollars.

L’impossible procès international

Pour autant, la traduction d’une multinationale devant une juridiction internationale n’a toujours pas eu lieu. La personnalité juridique de l’entreprise n’est en effet pas reconnue par le droit international ; idem pour celle de la multinationale.

Mais il existe bien, selon Jelena Aparac, un chemin pour construire cette responsabilité des multinationales. entre le droit international humanitaire (qui reconnaît l’existence d’acteurs non étatiques en conflit armé) et le droit international pénal (qui sanctionne les violations les plus graves). « Si le droit international pénal ne reconnaît pas la responsabilité des multinationales, il peut néanmoins poursuivre les dirigeants des entreprises pour violations du droit international humanitaire », rappelle toutefois la doctorante.

Elargir la compétence de la CPI

Plusieurs fois, elle a interrompu ses recherches pour se financer. Pour Médecins Sans Frontières, elle a enchaîné les missions sur des terrains de guerre civile (Soudan, République Démocratique de Congo), avant de rejoindre à Paris le département juridique, presque un an, comme conseillère en droit humanitaire.

Ces temps ont servi son projet doctoral, sous les feux de l’actualité. En mai 2017, une coalition d’ONG a relancé la question de la juridiction internationale compétente pour juger les entreprises : elle a demandé à la Cour pénale internationale qui, depuis sa création en 2002 n’a traduit que des responsables politiques, de poursuivre les dirigeants de Chiquita, une multinationale américaine connue pour avoir financé guérillas et paramilitaires colombiens. Pour cela il faudrait une volonté politique partagée. « La compétence de la CPI peut être élargie aux entreprises si deux-tiers des Etats signataires du Traité de Rome modifient les statuts en ce sens. Les Etats africains, qui accusent cette institution d’être le bras justicier d’un Occident colonial, y auraient intérêt plutôt que de menacer collectivement de s’en retirer3. Obtenir de juger des multinationales – souvent issues des pays du Nord – serait un moyen pour eux de rééquilibrer à la CPI les rapports entre pays du Sud et du Nord », martèle Jelena Aparac.

 Anne Fairise

Source Alternatives Economiques 04/05/2018

Vincent Bolloré placé en garde à vue dans l’affaire des concessions portuaires en Afrique

A l'ombre

A l’ombre

Selon les informations du « Monde », le milliardaire est entendu dans une enquête sur des soupçons de corruption autour de l’attribution de concessions portuaires à son groupe, au Togo et en Guinée.

Il aurait sans doute préféré aller pêcher la crevette à Beg-Meil, dans le Finistère, qui l’a vu grandir et où il se trouvait lors de la perquisition du siège de son groupe en avril 2016. Mais deux ans plus tard, ce mardi 24 avril, c’est dans les locaux de la police judiciaire, à Nanterre, où il était convoqué en tant que « mis en cause », que Vincent Bolloré était attendu.

Selon les informations du Monde, le milliardaire breton a été placé en garde à vue dans le cadre d’une information judiciaire ouverte notamment pour « corruption d’agents publics étrangers » et portant sur les conditions d’obtention en 2010 de deux des seize terminaux à conteneurs opérés par le groupe Bolloré sur le continent africain, l’un à Lomé, au Togo, l’autre à Conakry, en Guinée.

Les magistrats soupçonnent les dirigeants du groupe d’avoir utilisé leur filiale de communication Havas pour faciliter l’arrivée au pouvoir de dirigeants africains en assurant des missions de conseil et de communication sous-facturées. Et ce, dans un seul objectif : obtenir les concessions portuaires des lucratifs terminaux à conteneurs.

Plusieurs autres cadres du groupe étaient eux aussi en garde à vue mardi : le directeur général du groupe Bolloré, Gilles Alix, et Jean-Philippe Dorent, responsable du pôle international de l’agence de communication Havas.

Selon Challenges, Francis Perez, dirigeant du groupe Pefaco a lui aussi été placé en garde à vue. Proche de M. Dorent, il est à la tête d’une entreprise qui développe des casinos et des hôtels en Afrique et notamment à Lomé. Les enquêteurs cherchent à savoir pour quelle raison il a versé plusieurs centaines de milliers d’euros à M. Dorent. « Un prêt pour une maison », avait-il assuré au Monde en 2016.

Recours judiciaires

M. Dorent s’était occupé d’une partie de la campagne présidentielle guinéenne en 2010 pour le compte du candidat Alpha Condé, rentré de son long exil parisien au cours duquel il s’était lié d’amitié avec M. Bolloré. Cette même année 2010, M. Dorent avait aussi été chargé d’une partie de la communication du jeune président togolais, Faure Gnassingbé, toujours au pouvoir aujourd’hui. Le fils de Gnassingbé Eyadema, resté plus de trente-sept ans à la tête de ce pays d’Afrique de l’Ouest, était alors candidat à sa propre réélection.

Les conseils de M. Dorent et de son groupe Havas pour ces campagnes électorales ont-ils facilité l’octroi à Bolloré Africa Logistics des concessions portuaires de Conakry obtenues quelques mois après l’élection de M. Condé, et de Lomé l’année précédente ? Interrogé il y a plusieurs mois, le président guinéen Alpha Condé ne semblait guère inquiet des suspicions pesant sur l’obtention, en 2011, de la concession du port de Conakry par le groupe Bolloré. « Bolloré remplissait toutes les conditions d’appels d’offres. C’est un ami, je privilégie les amis. Et alors ? », disait-il au Monde au printemps 2016.

En novembre 2010, Alpha Condé avait accéder à la magistrature suprême à la suite de la première élection libre du pays, qui sortait de cinquante-deux ans de régime autoritaire.

Une élection omineuse pour le groupe français Necotrans, spécialisé dans la logistique portuaire en Afrique. Dès mars 2011 en effet, la convention de concession du terminal à conteneurs du port de Conakry, octroyée en 2008 pour une durée de vingt-cinq ans à sa filiale Getma, était rompue. Alpha Condé confiait la gestion du port à son « ami » Vincent Bolloré. Une bataille judiciaire s’engageait alors en France, suscitée par Necotrans, une société qui finira en redressement judiciaire et dont une partie des actifs seront rachetés pour une bouchée de pain par Bolloré à l’été 2017.

« C’est un fantasme que de penser qu’un coup de main à la campagne d’un candidat à la présidentielle qui faisait figure d’outsider comme Alpha Condé permettrait l’obtention d’un port », balayait il y a plusieurs mois M. Dorent, interrogé par Le Monde.

Au Togo, le groupe Bolloré a remporté en 2009 – quelques mois avant la réélection de M. Gnassingbé l’année suivante – la concession du terminal à conteneurs du port de Lomé pour une durée de trente-cinq ans. Une décision elle aussi contestée, cette fois par un autre concurrent. Jacques Dupuydauby, ancien associé de Bolloré au Togo, a multiplié les recours judiciaires pour dénoncer les conditions dans lesquelles il considère avoir été évincé.

Sous-facturation

Selon les informations du Monde, la police a saisi de nombreux documents à l’occasion de perquisitions réalisées en avril 2016 au siège du groupe Bolloré à Puteaux (Hauts-de-Seine). Ceux-ci laissent apparaître les pratiques de l’entreprise au Togo et en Guinée et corroborent l’hypothèse d’une sous-facturation des prestations d’Havas au bénéfice des dirigeants de ces deux pays.

La garde à vue de M. Bolloré intervient une semaine à peine après que l’industriel breton a créé la surprise en cédant la présidence du conseil de surveillance de Vivendi à son fils Yannick, patron du groupe de publicité Havas.

Dans un communiqué publié en fin de matinée, le groupe Bolloré « dément formellement que sa filiale de l’époque SDV Afrique ait commis des irrégularités. Les prestations relatives à ces facturations ont été réalisées en toute transparence ».

Alors que Challenges évoquait il y a deux semaines la convocation à venir de M. Bolloré et de plusieurs dirigeants du groupe, l’avocat de ce dernier, Olivier Baratelli, avait affirmé dans un communiqué que « face à une concurrence exacerbée, c’est la seule expérience du groupe Bolloré, son réseau industriel, son expertise portuaire depuis plus de trente ans, sa position de leadeur sur le continent africain et les investissements très importants qu’il y réalise (plus de 2 milliards d’euros sur les huit dernières années) (…) qui lui permet de se voir attribuer, seul ou en partenariat, des concessions portuaires ».

L’annonce de la garde à vue de M. Bolloré a fait plonger l’action du groupe à la Bourse de Paris : le titre perdait près de 8 % peu après midi.

Simon Piel et Joan Tilouine

 Source Le Monde 24/04/2018

Greenpeace condamnée pour une intrusion à la centrale de Cattenom

STRASBOURG (Reuters) – Greenpeace France et neuf de ses militants ont été condamnés, mardi, pour s’être introduits le 12 octobre dernier dans l’enceinte de la centrale nucléaire de Cattenom (Moselle), dont ils voulaient démontrer la vulnérabilité, a-t-on appris auprès de l’organisation écologiste et sur le site internet du Républicain lorrain.

Les activistes avaient franchi deux grillages pour s’approcher d’un bâtiment et avaient tiré des fusées d’artifice avant d’être interpellés par les gendarmes.

Deux d’entre eux, déjà impliqués par le passé dans des actions similaires, ont été condamnés à deux mois de prison ferme par le tribunal correctionnel de Thionville.

« C’est une première dans l’histoire de Greenpeace France », s’est insurgé l’organisation sur son compte Twitter.

Les sept autres, dont Yannick Rousselet, chargé de campagne chez Greenpeace, qui n’avait pas pénétré sur le site mais qui était présent à l’extérieur et se voyait poursuivi pour complicité, sont condamnés à cinq mois de prison avec sursis.

Greenpeace France devra en outre verser 20.000 euros d’amende et 50.000 euros à EDF en réparation du préjudice moral.

Le tribunal a ordonné une expertise pour le préjudice matériel.

Les militants encouraient cinq ans de prison et 75.000 euros d’amende pour « intrusion en réunion et avec dégradation dans l’enceinte d’une installation civile abritant des matières nucléaires ».

Le directeur de Greenpeace France, Jean-François Julliard, qui représentait l’organisation à l’audience, a annoncé son intention de faire appel.

« Ces lourdes sanctions ne sont pas acceptables pour l’organisation, qui a joué son rôle de lanceur d »alerte », affirme-t-il dans un communiqué en dénonçant « l’irresponsabilité d’EDF en matière de sécurité nucléaire ».

Source Reuter 28/02/2018