M. Macron annonce des « opérations d’évacuation d’urgence » de migrants esclaves en Libye

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De nombreux dirigeants se sont retrouvés mercredi, en marge du sommet Europe-Afrique d’Abidjan, pour évoquer une action « immédiate ».

Le premier succès du sommet réunissant l’Union africaine (UA) et l’Union européenne (UE) est déjà de s’être ouvert, mercredi 29 novembre, en Côte d’Ivoire. Car la querelle autour de l’invitation faite à la République arabe sahraouie démocratique (RASD), reconnue par l’UA mais honnie par le Maroc, a failli faire échouer cette rencontre. Finalement, Rabat a mis sa colère en sourdine et le roi du Maroc, Mohammed VI, a fait le déplacement d’Abidjan, une métropole où il a ses habitudes, la capitale d’un pays où son pays investit massivement.

Avec une Afrique retrouvant donc une unité de façade, le sommet était placé sous le thème « Investir dans la jeunesse pour un avenir durable ». Il n’a toutefois pas pu se soustraire à l’actualité. D’autant que celle-ci recoupait en partie le sujet de départ : depuis la diffusion par la chaîne américaine CNN d’un reportage montrant des migrants subsahariens vendus comme esclaves en Libye, les dirigeants du continent africain s’indignent, en appellent à une Cour pénale internationale que beaucoup abhorrent en temps normal pour qu’elle se saisisse de ce drame.

La question migratoire a donc bel et bien été le fil conducteur de la rencontre entre près de 80 chefs d’Etat et de gouvernement, qui devait s’achever, jeudi, par une déclaration longuement soupesée, ménageant les deux parties tout en les plaçant chacune devant ses responsabilités : obligation d’assurer un avenir à sa jeunesse pour l’Afrique, de mettre ses pratiques en concordance avec ses discours généreux pour l’UE. Vraie promesse ou faux semblant ?

« Avoir foi en l’avenir »

« Nous devons tout mettre en œuvre pour votre épanouissement sur notre continent ! Je vous invite à avoir foi dans l’avenir et ne pas vous lancer à l’aventure au péril de vos vies », a, en tout cas, déclaré l’hôte du sommet, le président ivoirien Alassane Ouattara.

Si de jeunes Africains sont jetés sur les routes et tentent de gagner l’Europe en risquant leur vie c’est en raison de « la pauvreté, de la mauvaise gouvernance, du changement climatique », expliquait pour sa part Moussa Faki, le président de la Commission de l’UA. En clair, « des défis communs », « des responsabilités partagées ».

« Ces récentes images atroces nous rappellent l’urgence d’agir. Tous les pays ont le devoir de protéger leurs frontières mais ils doivent le faire dans le respect des droits humains », insistait le Portugais Antonio Gutteres, secrétaire général des Nations unies (ONU). Qui, appuyé par la chancelière allemande Angela Merkel, plaidait pour des canaux de migration « régulière et ordonnée ».

La situation en Libye n’a pas suscité que des commentaires. Elle a été au cœur de plusieurs réunions en marge du sommet. A l’issue de l’une d’elles, où étaient notamment réunis UE, UA, ONU, il a été décidé de mettre en place un groupe d’action censé mieux lutter contre les trafiquants, accélérer les retours de migrants dits économiques vers leur pays d’origine et la réinstallation des réfugiés. Un travail mené en coordination avec les autorités de Tripoli. Le texte évoque aussi l’obligation d’assurer « des opportunités de développement et de stabilité » aux pays d’origine.

« Sur les routes de la nécessité »

En conférence de presse, Emmanuel Macron a expliqué que des migrants seront évacués « en urgence » de Libye et qu’il avait encouragé les états européens à suivre le modèle instauré par la France de sélection des réfugiés, en amont, dans les pays du Sahel avant qu’ils ne s’aventurent « sur les routes de la nécessité ».

Du côté des institutions européennes, on semblait partagé entre le soulagement et une certaine frustration. « L’esclavagisme en Libye existait avant que CNN le découvre, relevait une source à haut niveau, mais tant mieux si l’emballement soudain sur une situation que nous évoquons depuis de nombreux mois permet d’agir. »

Se confiant à quelques journalistes mardi soir, avant l’ouverture du sommet, Federica Mogherini, la Haute Représentante de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, se réjouissait aussi que le monde s’agite mais relevait que des témoignages recueillis auprès de femmes, à Lampedusa (Italie), avaient révélé depuis longtemps des situations comparables à celles révélées par la chaîne américaine. Et ils n’avaient pas suscité beaucoup d’émoi.

Faire davantage

Quoi qu’il en soit, « la Libye a besoin de notre aide à tous les deux, pas d’accusations », indiquait Donald Tusk, coprésident de ce sommet. Plus généralement, le président du Conseil se disait prêt à « faire davantage » pour tenter de résoudre cette question de la migration qui, soulignait-il, « va déterminer une part importante de notre relation dans les
années à venir ».

« Faire », mais aussi payer davantage ? Un Fonds fiduciaire pour l’Afrique est actuellement alimenté à hauteur de quelque 3 milliards d’euros par la Commission mais attend encore 66 des 260 millions promis par les pays membres, clairement sous pression pour aller au-delà de cet engagement puisqu’ils se disent désireux d’agir. Un plan d’investissement – semblable dans son principe au « Plan Juncker » pour l’UE – a quant à lui été approuvé en septembre par le Parlement de Strasbourg. La Commission y consacre 4,1 milliards d’euros et lance un appel au secteur privé pour qu’il atteigne un montant jusqu’à dix fois supérieur.

Le drame de l’esclavagisme en Libye a réveillé les consciences et donné soudain un visage à cette « jeunesse africaine » auquel les dirigeants entendent assurer un avenir. Reste une question : jusqu’où ira leur réel investissement ?

 Cyril Bensimon ) et Jean-Pierre Stroobants

Source : Le Monde.fr avec AFP  29.11.2017

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Voix douces et puissantes des femmes d’Afrique

Hindi Zahra et Fatoumata Diawara  Crédit Photo dr

Hindi Zahra et Fatoumata Diawara Crédit Photo dr

Les soirées bouillonnantes du festival  Fiest’A Sète qui se clôture ce week end  se suivent mais ne se ressemblent pas .

Retour à l’Afrique jeudi au théâtre de la Mer après la soirée d’ouverture en hommage à Fela avec Roy Ayers et son fils Seun Kuti. La soirée Divas africaines réunit sur le premier plateau la berbère franco-marocaine Hindi Zahra et la malienne Fatoumata Diawara auxquelles on porte une précieuse attention. C’est sans doute à travers le parcours des deux artistes que réside l’origine de cette belle fluidité qui s’est emparée de la scène. Chacune dans leur domaine, Hindi Zahra et Fatoumata Diawara ont su franchir les frontières musicales pour affirmer leur personnalité artistique.

Partie de la musique traditionnelle gnaouie, Hindi Zahra, suit la ligne d’un courant musical et spirituel qui a enrichi des styles aussi divers que la fusion, le jazz, le blues, le rock ou le reggae. Avec l’agilité joyeuse qui la caractérise la chanteuse remporte en 2011 la Victoire de la musique dans la catégorie «album de musique du monde» avec son album Handmade qui pousse vers les contrées folk.

Fatoumata Diawara qui a grandi à Abidjan (Côte d’Ivoire) plaque tournante de la musique africaine, avant de partir pour le Mali, explore les voies possibles de l’émancipation humaine et notamment celle du cinéma et du théâtre.  Elle tourne six ans au sein de la troupe de cirque contemporain Royal de luxe. Elle participe à l’enregistrement d’un album de Dee Dee Bridgewater, chante avec Herbie Hancock et Hank Jones. Mais quand elle décide de se mettre à ses propre compositions, c’est  aux sources fraîches des  chants du bassin wassoulou (à cheval entre le Mali, la Guinée et la Côte d’Ivoire ) qu’elle retourne puiser son inspiration.

Un concert humble, proposant un mariage musical d’une étonnante douceur qui est allée jusqu’au bout des choses.

 Oumou-Sangaré-au-micro

Sangaré lionne au grand coeur

L’ alliance naturelle avec Oumou Sangaré qui assurait la deuxième partie de cette soirée féminine coule pour ainsi dire de source. Née à Bamaco, la grande dame malienne, dans tous les sens du terme, a sollicité Fatoumata Diawara  à ses débuts pour l’enregistrement de son album Seya,  mais c’est surtout en temps qu’ambassadrice du Wassoulou, que les programmateurs éclairés du festival ont eu recours à ses talents pour concocter cette heureuse soirée.

Femme de coeur et de conviction, la star malienne a connu un succès précoce. En 1987, son premier album Moussoulou se vend à 100 000 exemplaires au Mali. Elle n’a alors que 18 ans. Elle s’épanouit depuis à travers une carrière internationale.

Propulsé par un combo hyper efficace, le concert sétois a été l’occasion de découvrir son dernier opus Mogoya (les relations humaines d’aujourd’hui ) sorti en mai, avec la collaboration musicale de Tony Allen.

Il s’appuie sur des textes engagés en faveur d’un retour aux racines africaines. Il encourage les femmes maliennes à se saisir de leur destin pour impulser un changement en faisant basculer les vieux poncifs aux oubliettes.

JMDH

Fiest’A Sète

Source : La Marseillaise 

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Monnaie. Il faut mettre fin au franc CFA

Dessin de Vlahovic, Serbie.

Dessin de Vlahovic, Serbie.

Il est grand temps d’abandonner le franc CFA, cet héritage de la colonisation française qui entrave le développement de l’Afrique, estime l’économiste sénégalais Ndongo Samba Sylla.

Dans le cadre d’un débat démocratique, les adversaires doivent se vouer un respect mutuel et l’objectif devrait être d’éclairer les citoyens ordinaires, les décideurs publics, etc. Les meilleurs arguments doivent triompher des intérêts partisans. Autant nous devons nous réjouir de l’émergence d’un débat public sur le franc CFA partout dans l’espace francophone, autant nous devons déplorer le manque de courtoisie et d’honnêteté intellectuelle de nombre de partisans du franc CFA.

Lorsque l’on se limite aux faits, et uniquement aux faits, il est impossible de souhaiter le maintien du système franc CFA.

remier fait irréfutable : le franc CFA n’a pas favorisé le développement économique des pays qui l’ont en partage. L’appartenance à l’espace FCFA (par ce raccourci commode il est fait référence aux deux blocs monétaires que sont l’Uémoa [Union économique et monétaire ouest-africaine] et la Cémac [Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale]?; la zone franc en Afrique, c’est l’espace FCFA + les Comores) est corrélée avec le sous-développement et la pauvreté.

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Parmi les 14 pays de cet espace, 10 sont classés [par l’ONU] parmi les pays les moins avancés?; les 4 autres (Cameroun, Côte d’Ivoire, Gabon, Congo) ont un niveau économique (PIB par habitant) inférieur au moins à celui des années 1990. Sur les 11 pays en bas du classement mondial 2015 de l’indice de développement humain [du Programme des Nations unies pour le développement], qui prend en compte le revenu par habitant, le niveau scolaire et l’espérance de vie à la naissance, 6 font partie de l’espace FCFA.

Deuxième fait irréfutable : on ne peut pas dire que le franc CFA ait favorisé l’intégration commerciale du continent. En 2014, les échanges commerciaux au sein de la zone franc se situaient à moins de 10 % du total des exportations et des importations des pays membres. Pour l’Uémoa et la Cémac, on obtient respectivement 19 % et 7,1 %.

Troisième fait irréfutable : les pays de l’espace FCFA souffrent d’un déficit chronique de crédits bancaires. Le ratio crédits bancaires à l’économie/PIB est de l’ordre de 25 % en zone Uémoa et de l’ordre de 13 % en zone Cémac, alors qu’il se situe en moyenne à plus de 60 % pour l’Afrique subsaharienne, à 100 % en Afrique du Sud, etc. Autrement dit, appartenir à l’espace FCFA, c’est être membre d’un espace où les porteurs de projets économiques ont très peu de chances d’obtenir un financement bancaire de moyen ou de long terme abordable.

Le CFA favoriserait les flux financiers illicites 

Quatrième fait irréfutable : les pays de l’espace FCFA sont ceux qui souffrent le plus des flux financiers illicites en Afrique. Alors que l’espace FCFA représente 11 % du PIB du continent, il pèse 18,5 % du montant estimé des flux financiers illicites qui sont sortis du continent entre 2004 et 2013. Chaque jour, ce sont ainsi 21 milliards de FCFA [30 millions d’euros] en moyenne qui sortent de l’espace FCFA sous forme de flux financiers illicites. Cette réalité est facilitée, on le devine bien, par le principe de libre circulation des capitaux au sein de cet espace.

Compte tenu des faibles performances socio-économiques des pays de l’espace FCFA et de l’emprise que la France y exerce, il n’est pas surprenant que l’appartenance à la zone franc ait été, et continue d’être, synonyme d’instabilité politique et d’autoritarisme. C’est là un cinquième fait irréfutable. Entre 1960 et 2012, cette zone a enregistré 78 tentatives de coups d’État, soit près de 40 % des tentatives dénombrées pour tout le continent africain sur cette période?! De manière générale, on observe que le couple franc CFA/ressources naturelles rime souvent avec régime politique autoritaire.

Ces cinq faits irréfutables plaident tous contre le maintien du système franc CFA en l’état. Les partisans du franc CFA les passent d’ordinaire sous silence, préférant servir à l’opinion publique un discours de justification du statu quo. Cette apologie de l’immobilisme monétaire repose sur une série d’affirmations dénuées de fondement. Citons-en deux principales.

La stabilité de la zone, de nature à séduire les investisseurs

Les partisans du franc CFA soutiennent que la stabilité monétaire permise par la fixité du taux de change entre le franc CFA et l’euro encourage l’investissement et la croissance. Dans les faits, aucun pays de la zone franc (à l’exception de la Guinée équatoriale, pays pétrolier contrôlé par les multinationales et dont l’équivalent de la moitié du PIB est transféré chaque année vers l’étranger) n’a réussi à obtenir un taux de croissance du PIB par habitant de plus de 2 % en moyenne annuelle sur le long terme (disons depuis les indépendances). Par comparaison, la Corée du Sud et la Chine ont obtenu des taux de croissance par habitant de 6 à 7 % en moyenne annuelle durant trois ou quatre décennies.

Sur ce point, les partisans du franc CFA sélectionnent adroitement les faits. Ils vont dire que le franc CFA favorise la croissance en donnant les exemples des performances économiques actuelles du Sénégal et de la Côte d’Ivoire, pays qui vivent une conjoncture favorable.

Ce qu’ils ne vont pas dire, c’est que des épisodes d’accélération de la croissance ont souvent été observés en Afrique. Mais ces épisodes ont rarement été durables. D’où un constat empirique bien établi dans la littérature économique : en Afrique, il est plus facile d’allumer la croissance que de la soutenir durablement. Rien ne dit que la croissance économique récente de pays comme le Sénégal et la Côte d’Ivoire sera durable.

Ce qu’ils ne vont pas dire, c’est que le PIB par habitant du Sénégal en 2014 était inférieur à celui de 1960, et que la Côte d’Ivoire d’Alassane Ouattara avait un PIB par habitant en 2014 inférieur de 41 % au meilleur niveau de l’histoire du pays, observé à la fin des années 1970, sous l’ère [Félix] Houphouët[-Boigny].

Ce qu’ils ne vont pas dire, c’est que les pays de la Cémac sont au bord du gouffre depuis la chute ces dernières années des prix des produits primaires.

Ce qu’ils ne vont pas dire, c’est que la prétendue stabilité monétaire n’est qu’un objectif intermédiaire. Ce n’est pas une finalité en soi. Ce qui importe au bout du compte, c’est l’amélioration du bien-être des populations, ce que le franc CFA ne permet pas. Que signifie d’ailleurs la stabilité monétaire dans un contexte de paupérisation massive?? Sans doute que ceux qui veulent transférer vers le reste du monde leurs avoirs peuvent le faire sans encourir de risque de change.

Un taux d’inflation sous contrôle

Les partisans du franc CFA soutiennent également qu’il est un mécanisme pour préserver le pouvoir d’achat des populations. L’inflation est certes en moyenne plus faible dans les pays de l’espace FCFA, mais l’obsession anti-inflationniste dans cet espace a pour contrepartie une croissance économique en dessous du potentiel des pays membres. Ce point a été mis en évidence par beaucoup de travaux économiques. Moins de croissance économique, c’est moins d’emplois décents et moins de revenus distribués aux ménages.

En réalité, le franc CFA permet de préserver le pouvoir d’achat de ceux qui ont un revenu important – les classes les plus aisées. Il ne permet pas de créer du pouvoir d’achat pour ceux qui n’ont pas de revenus ou dont les revenus sont insuffisants. Cette célébration du faible taux d’inflation dans le contexte de pays pauvres est d’autant plus risible qu’une ville comme Dakar est l’une des plus chères au monde.

Parallèlement, l’argument est souvent avancé qu’un faible taux d’inflation facilite l’octroi de crédits bancaires à des taux abordables. Cela n’est pas vérifié dans l’espace FCFA. Non seulement les crédits bancaires sont faibles, mais les taux d’intérêt sont prohibitifs.

Faute d’avoir un argument économique décisif, les partisans du franc CFA tendent à mobiliser le registre des déclarations comminatoires : “Si on sort du franc CFA, ce sera le chaos monétaire.” Et, pour illustrer leur point de vue, ils vont citer des exemples comme le Nigeria, la Guinée, etc. Ils vont dire que certains pays voisins non-membres de l’espace FCFA ont plus confiance dans le Franc CFA que dans leur monnaie nationale.

Le manque d’honnêteté intellectuelle repose ici dans la sélection de contre-exemples, c’est-à-dire des pays qui ne sont pas, à dire vrai, des parangons de souveraineté économique (la monnaie est une dimension parmi d’autres de la souveraineté économique). La Tunisie, le Maroc et l’Algérie étaient membres de la zone franc et l’ont quittée au moment des indépendances (respectivement en 1958, 1959 et 1963). Chacun d’entre eux dispose de sa monnaie nationale et a une situation économique plus enviable que n’importe lequel des pays de l’espace FCFA.

La Tunisie, le Maroc et l’Algérie se portent bien

Sortir du franc CFA = chaos monétaire programmé?? Si c’était le cas, pourquoi la Tunisie, le Maroc et l’Algérie n’ont pas vécu un effondrement monétaire?? Pourquoi donner l’exemple du Nigeria ou de la Guinée alors que nous avons l’expérience plus parlante de pays de la zone franc qui ont fait très tôt le choix résolu de la souveraineté économique?? Pourquoi choisir des pays qui ont une gestion monétaire loin d’être exemplaire alors qu’il y en a beaucoup d’autres à travers le monde qui ont réussi à se développer grâce à une gestion monétaire souveraine et pragmatique?? À nouveau, la réponse est le manque d’honnêteté intellectuelle.

Dire non au franc CFA, ce n’est pas faire de l’idéologie ni verser dans le nationalisme primaire.

Est-il normal que la France continue de gérer la monnaie des pays africains près de soixante après les indépendances?? A-t-on déjà vu un pays ou un groupe de pays d’une taille significative se développer sur le plan économique avec une monnaie coloniale – créée, administrée et “garantie” par l’ex-puissance coloniale? ?

Faute de s’être ouvertement prononcés là-dessus, sous le prétexte qu’ils ne parlent que des choses techniques et jamais de “politique”, les partisans du franc CFA répondent implicitement par l’affirmative à ces deux questions. Pour nous autres qui sommes pour une sortie collective méthodique du système du franc CFA, la réponse ne souffre aucune ambiguïté. C’est NON dans les deux cas.
Ndongo Samba Sylla

Source :  L’enquête (Dakar)

Transition à haut risque en RDC. Omniprésence des intérêts étrangers

anvil-mining1Afrique a la forme d’un revolver dont la gâchette se trouve au Congo. » Un demi-siècle après l’indépendance de l’ancien Congo belge, en 1960, le mot de Frantz Fanon sonne toujours aussi juste. Géant économique de l’Afrique centrale, la République démocratique du Congo (RDC) détient les premières réserves mondiales de coltan et les quatrièmes de cuivre. Cela fait d’elle une zone stratégique pour les industries du monde entier. Australiennes, canadiennes, chinoises, sud-africaines ou américaines, les sociétés minières se sont vu qualifier par l’écrivain In Koli Jean Bofane de « touristes à but lucratif (1)  ». Depuis 2003, plusieurs rapports du groupe d’experts des Nations unies sur les causes économiques du conflit dans l’est de la RDC (2) ont mis en lumière le lien entre les milices armées et l’exploitation, pour le compte de sociétés étrangères, de minerais stratégiques indispensables à la fabrication de certains appareils électroniques comme les téléphones portables.

Affichant une volonté de changer les pratiques, Washington veille désormais à effectuer avec diligence toutes les vérifications concernant l’origine de ses approvisionnements en minerais. Les États-Unis ont même abandonné le Nord-Kivu après l’adoption en 2010 de la loi Dodd-Frank. Celle-ci exige que les sociétés cotées en Bourse outre-Atlantique rendent publique l’origine de certaines matières premières — étain, tantale, tungstène, or — contenues dans leurs produits, afin de prouver qu’elles ne proviennent pas de la RDC ou de l’un de ses neuf pays limitrophes. N’étant pas liés par cette mesure de lutte contre les « minerais de conflit », des comptoirs chinois ont pris le relais des sociétés américaines dans les régions concernées. En mai, un groupe américain, Freeport-McMoRan, a par ailleurs cédé à China Molybdenum, pour 2,6 milliards de dollars, la plus grande mine de cuivre et de cobalt de RDC, Tenke Fungurume, située dans le Katanga.

Une partie du jeu se déroule loin du territoire national, notamment en Belgique, pour des raisons qu’un diplomate européen estime relever de la « géopolitique pure ». L’ancienne métropole coloniale accueille volontiers les opposants en exil. Cinquante-cinq ans après l’assassinat par des policiers belges du héros de l’indépendance Patrice Lumumba, son vice-premier ministre Didier Reynders, chargé des affaires étrangères, a appelé le président Joseph Kabila à assurer pour la première fois dans l’histoire de son pays une « transition démocratique et pacifique ». L’avenir de la RDC se joue également à Washington, New York, Londres et Paris — qui surveille cet espace géostratégique et francophone —, mais aussi au Rwanda et en Ouganda et, dans une moindre mesure, en Zambie, en Angola et en Afrique du Sud, pour des raisons de stabilité politique et parce que l’on craint un afflux de réfugiés congolais.

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Aucun des voisins africains ne peut être décrit comme un allié sûr de M. Kabila. Au milieu des années 1990, les présidents ougandais Yoweri Museveni et rwandais Paul Kagamé avaient soutenu Laurent-Désiré Kabila dans sa rébellion contre Joseph Mobutu. Ces aînés régionaux ont ensuite été accusés d’entretenir des rébellions dans le Nord-Kivu, une province frontalière de leurs pays, pour mieux en exploiter les minerais. Ils ont essuyé en octobre 2013 la défaite de leur allié, le Mouvement du 23 mars (M23). Ce groupe rebelle a été écrasé par l’armée congolaise avec l’appui de la brigade d’intervention africaine de la Mission de l’Organisation des Nations unies pour la stabilisation en RDC (Monusco) et, de manière non officielle, d’un escadron d’hélicoptères sud-africains (3).

Il n’empêche. L’Ouganda et le Rwanda ont intérêt à conserver une RDC faible sur leurs flancs, et restent craints pour leur capacité militaire. En 2015, après des années de froid, M. Kabila a habilement repris langue avec M. Kagamé, lui-même en délicatesse avec la « communauté internationale » en raison de son exercice autoritaire du pouvoir. Certains redoutent un nouvel embrasement dans le Nord-Kivu, qui pourrait servir de prétexte au report de l’élection présidentielle (lire « Transition à haut risque en République démocratique du Congo »).

La présence de la Monusco, la plus importante force des Nations unies jamais déployée dans le monde (22 400 personnes, dont 19 400 en uniforme), est un garde-fou bien peu efficace face aux dérives répressives. Malgré les demandes de retrait répétées formulées par M. Kabila, le Conseil de sécurité reconduit chaque année cette mission créée en novembre 1999. Les troupes internationales sont pour l’essentiel déployées dans l’est du pays, où elles ne parviennent pas à empêcher les massacres ni à endiguer la prolifération des groupes armés. Sur le qui-vive, elles peuvent cependant réagir dans la capitale, comme elles l’ont montré un soir d’affrontement entre la police et des civils, début août 2016, aux portes du domicile de l’opposant Étienne Tshisekedi. Mais la Monusco laisse également le souvenir d’une force prompte à s’évaporer en cas de troubles graves, comme en 2007 à Kinshasa, lors de l’assaut lancé par l’armée régulière contre la résidence de l’ancien vice-président de la République et opposant Jean-Pierre Bemba.

Les pressions internationales seront-elles déterminantes ? « Ici, nous ne pouvons pas échouer », affirme l’Espagnol José Maria Aranaz, directeur du bureau conjoint des Nations unies aux droits de l’homme en RDC. Il n’en redoute pas moins le basculement vers un régime « prêt à manipuler les institutions et à réprimer, comme au Burundi, où la “communauté internationale” n’a pas réussi à résoudre le conflit électoral ». Les Nations unies avaient « certifié » la présidentielle de 2010 en Côte d’Ivoire, organisée avec cinq ans de retard, sans pour autant empêcher la grave crise qui a suivi (4). Elles ne prendront pas cette responsabilité en RDC, malgré l’argent dépensé depuis 1999 pour le maintien de la paix : 1,3 milliard de dollars par an, l’équivalent de 2 % du produit intérieur brut (PIB) de ce pays.

Rien ne dit non plus que l’« extrême vigilance » de la Cour pénale internationale (CPI) porte ses fruits à Kinshasa. En juin dernier, la Cour, qui a ouvert en 2004 une enquête sur les violations des droits humains commises en RDC, a condamné M. Bemba à dix-huit ans de prison pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité, mais pour ses agissements en Centrafrique et non en RDC. Touchant un opposant déclaré à M. Kabila, ce verdict a cependant été perçu comme favorable au pouvoir.

Les violences perpétrées contre les manifestants pourraient conduire à son tour le président congolais devant la justice internationale. Mais l’autorité de la CPI s’effrite en Afrique : le Burundi a décidé le 16 octobre de la quitter, suivi de peu par l’Afrique du Sud, la Gambie et la Namibie.

Sabine Cessou

(1) In Koli Jean Bofane, Congo Inc. Le testament de Bismarck, Actes Sud, Arles, 2014.

(2) Cf. « Rapport final du groupe d’experts sur la RDC », New York, 12 janvier 2015.

(3) Lire « Jours d’après-guerre au Congo », Le Monde diplomatique, janvier 2014.

(4) Lire Vladimir Cagnolari, « Croissance sans réconciliation en Côte d’Ivoire », Le Monde diplomatique, octobre 2015.

Source : Le Monde Diplomatique Décembre,

 

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Matières premières : comment les traders suisses écoulent du carburant toxique en Afrique

Plateforme pétrolière en Angola. Photo Martin AFP

Plateforme pétrolière en Angola. Photo Martin AFP

Dans l’enquête intitulée « Diesel sale », l’ONG Public Eye (ex-Déclaration de Berne) dévoile les pratiques peu scrupuleuses de traders pétroliers suisses en Afrique. Quatre enquêteurs ont travaillé durant trois ans pour percer les mystères toxiques de l’essence et du diesel distribués sur le continent africain par les géants suisses du négoce de matières premières.

Les résultats de cette enquête publiée jeudi 15 septembre sont sans appel : les carburants écoulés en Afrique ont une teneur en soufre entre 200 et 1 000 fois plus élevée qu’en Europe, mettant gravement en péril la santé de populations exposées aux particules fines et à d’autres substances chimiques cancérigènes.

  • Des produits toxiques ajoutés aux carburants pour augmenter les profits

Pour augmenter leurs profits, les traders effectuent des mélanges avec des produits toxiques et particulièrement nocifs pour l’environnement et pour la santé. Des opérations souvent risquées qui s’effectuent à quai, notamment à Rotterdam, Amsterdam et Anvers, ou en pleine mer à quelques miles des côtes de Gibraltar ou des ports d’Afrique de l’Ouest.

Les traders ont un nom pour qualifier ces produits pétroliers : « qualité africaine ». Ce carburant toxique est écoulé en Afrique de l’Ouest où les négociants en matières premières profitent de réglementations qui permettent encore l’importation de diesel et d’essence contenant un taux de soufre très élevé. Ils en ont fait un marché parallèle et opaque.

  • Dans les stations essence de Trafigura, Vitol ou Oryx

Public Eye a effectué des prélèvements dans des stations essence de huit pays africains (Angola, Bénin, Congo-Brazzaville, Ghana, Côte d’ivoire, Mali, Sénégal et Zambie) détenues ou alimentées par ces maîtres du négoce pétrolier, comme Trafigura, Vitol ou Oryx. Plus de deux tiers des échantillons contiennent un taux de soufre supérieur à 1 500 parties par million (ppm). Avec une pointe à 3 780 ppm au Mali. La limite est de 10 ppm en Europe, aux Etats-Unis et même en Chine, à compter de 2017.

Les grandes villes africaines pâtissent déjà d’une qualité de l’air déplorable et d’une urbanisation préoccupante. D’ici 2050, la population urbaine devrait tripler sur le continent. Et le nombre de véhicules devrait considérablement augmenter. Les grands acteurs suisses de ce marché du « diesel sale » disent respecter les normes en vigueur. Et ils insistent sur les efforts fournis par l’Association des raffineurs africains (ARA), une organisation basée… à Genève et dont ils sont membres, pour améliorer la qualité des carburants qu’ils importent, mélangent, revendent et distribuent sur le continent.

Lire l’intégralité du papier :   Les géants du négoce pétrolier écoulent depuis des années un carburant toxique en Afrique

Source Le Monde 15/09/2016

Voir aussi : Actualité Internationale,  Rubrique Afrique, rubrique Economie, rubrique Ecologie, rubrique  Politique, Affaires, Politique économique,