Trafic d’influence : garde à vue prolongée pour Squarcini, Flaesch convoqué chez le juge

Christian Flaesch, ex-directeur de la PJ parisienne, et Bernard Squarcini, ex-directeur central du renseignement intérieur (photos de 2013). Crédits photo : Briquet Nicolas/Lemouton Stephane/ABACA

Christian Flaesch, ex-directeur de la PJ parisienne, et Bernard Squarcini, ex-directeur central du renseignement intérieur (photos de 2013). Crédits photo : Briquet Nicolas/Lemouton Stephane/ABACA

La garde à vue de l’ancien patron de la PJ parisienne, Christian Flaesch, a été levée mardi soir. l’ex-directeur central du renseignement intérieur, Bernard Squarcini, était quant à lui toujours entendu dans les locaux de l’IGPN pour une affaire de trafic d’influence.

Une chape de plomb, plus lourde encore que celle pouvant couvrir une opération antiterroriste, pèse sur les gardes à vue entourant une trouble affaire de trafic d’influence présumé au cœur de laquelle se trouverait Bernard Squarcini. Depuis lundi, l’ex-directeur central du renseignement intérieur, réputé proche de Nicolas Sarkozy et évincé de ses fonctions après l’arrivée des socialistes au pouvoir en 2012, est inquiété sur la base d’interceptions téléphoniques remontant, semble-t-il, à plus de trois ans. Effectuées plus exactement en mars et avril 2013, comme le relate Le Monde, elles ont été exhumées des archives judiciaires où elles sommeillaient en perspective d’un procès pour manquement aux obligations déclaratives visant l’homme d’affaires Ziad Takieddine, qui s’ouvre à Paris en mai prochain.

Une note établie à l’époque par l’ancienne Division nationale d’investigations financières et fiscales détaillerait les contacts de l’ex-cador du renseignement, aussi connu sous le pseudo «le Squale» et reconverti dans le privé, où il a fondé une société d’intelligence économique et de conseil en sécurité, Kyrnos. C’est dans ce contexte que Bernard Squarcini a travaillé pour LVMH. Il est notamment soupçonné d’avoir demandé en 2013 à Christian Flaesch, alors à la tête de la police judiciaire parisienne, des éléments sur une enquête conduite par la brigade financière sous l’autorité du parquet de Paris après une plainte d’Hermès accusant, toujours selon Le Monde, LVMH d’avoir manœuvré en secret pour monter à son capital.

Christian Flaesch a été interpellé à son domicile

Entendu tout comme Bernard Squarcini par l’Inspection générale de la police nationale (IGPN), la «police des polices», Christian Flaesch a été interpellé à son domicile. «Il est anormal qu’un ancien grand flic de cette valeur, qui a trente ans de services et qui aurait pu répondre à une convocation, soit traité comme un vulgaire voyou. La seule chose qu’on pouvait lui reprocher était un sens aigu de la rigueur…», s’insurge un policier de haut rang qui a travaillé à ses côtés. Sa garde à vue a été levée mardi soir, a indiqué une source proche de l’enquête à l’AFP. Il a été convoqué à une date ultérieure devant le juge d’instruction «aux fins de mise en examen», ajoute cette source. Il pourra ressortir de cette audition avec le statut de témoin assisté.

Fin 2013, Christian Flaesch avait été évincé de son poste de patron du Quai des Orfèvres après une mise en garde du parquet général de la cour d’appel de Paris à propos d’un appel passé à son ancien ministre de tutelle, Brice Hortefeux. Lors de ce coup de fil, il semblait lui indiquer comment préparer une audition dans un dossier judiciaire concernant Nicolas Sarkozy.

L’enquête dans laquelle Bernard Squarcini est en garde à vue se nourrirait également d’écoutes téléphoniques ordonnées dans un autre dossier. Dans certaines conversations, en avril 2013, l’ancien numéro un de la DCRI semble rechercher des informations sur l’enquête pour fraude fiscale visant Jérôme Cahuzac pour les transmettre à ses interlocuteurs, dont l’ancien préfet de police de Paris, Michel Gaudin. Directeur de cabinet de Nicolas Sarkozy, ce dernier a été interrogé lundi dans le cadre d’une audition libre. Épluchant les contacts du Squale, l’IGPN aurait aussi placé en garde à vue un analyste de la DGSI, soi-disant «consulté»par son ancien mentor sur certaines histoires corses, comme celle de la bande du Petit Bar citée dans la mort de l’avocat Me Antoine Sollacaro.

Christophe Cornevin

Source Le Figaro 27/09/2016

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Corruption Karachi: le juge confirme l’existence de rétrocommissions illicites

Site de l'attentat qui a fait 15 morts et et 12 blessés le 8 mai 2002 à Karachi. Photo Rehan Arif

Le juge qui enquête sur l’attentat de Karachi en 2002 a confirmé vendredi que le mobile de cet acte terroriste – qui a tué 11 Français – était probablement lié à l’arrêt du versement de commissions, pouvant elles-mêmes avoir donné lieu à des malversations financières en France.

Le juge Marc Trévidic a également suggéré, au cours d’une rencontre avec les familles de victimes, que le président Nicolas Sarkozy savait que l’ancien président Jacques Chirac avait ordonné l’interruption des versements de commissions peu après son élection en 1995, car il soupçonnait l’existence de rétro-commissions vers des décideurs français.

Depuis plus d’un an, l’enquête du juge antiterroriste s’est réorientée vers l’hypothèse de représailles pakistanaises à l’arrêt du versement de ces commissions pour expliquer l’attentat du 8 mai 2002 qui a coûté la vie à 15 personnes, parmi lesquelles 11 salariés français de la Direction des Constructions navales (DCN).

Financement de la campagne balladurienne en 1995?

Les commissions versées sur le contrat de vente de trois sous-marins Agosta en 1994 au Pakistan pourraient elles-mêmes avoir donné lieu à des rétro-commissions illégales pour financer la campagne présidentielle d’Edouard Balladur en 1995, selon des témoignages et rapports versés au dossier.

Ce que l’ancien Premier ministre conteste formellement. «La piste que le juge Trévidic privilégie est celle d’infractions financières qui auraient permis à un certain nombre d’hommes politiques de bénéficier de rétro-commissions illicites», a rapporté l’un des avocats des parties civiles, Me Olivier Morice, à l’issue de la rencontre.

Selon le juge, des documents internes de DCN versés au dossier démontrent «l’existence de rétro-commissions illicites», a ajouté l’avocat qui a déposé mardi au nom de six familles une nouvelle plainte, notamment pour corruption, dans l’espoir de voir désigné un juge d’instruction financier.

Intermédiaire libanais

Il est également avéré, selon de nouveaux documents versés au dossier, qu’un intermédiaire libanais Ziad Takieddine, imposé dans le contrat par le cabinet du ministre de la Défense, François Léotard, selon plusieurs témoignages, a perçu quatre pour cent du montant du contrat, soit environ 216 millions de francs. Si la destination finale de cette somme n’est pas encore connue, «il est clair qu’au plus haut niveau de l’Etat français on sait parfaitement les motifs qui ont conduit à l’arrêt du versement des commissions», a rapporté Me Morice.

Or, le juge accuse l’Etat de freiner son enquête et a déploré devant les familles «le fait d’être seul et de manquer de moyens pour enquêter», a ajouté Me Morice. Le juge a ainsi «regretté (…) un certain manque de coopération de la DCRI» (Direction centrale du Renseignement intérieur, NDLR), selon l’avocat.

«Absence totale de coopération de l’exécutif»

De même, il ne reçoit plus l’aide d’Yves Jannier, le magistrat à la tête du pôle antiterroriste du tribunal de Paris, pourtant saisi avec lui sur ce dossier. Ce juge, absent de la rencontre avec les familles, ne «croit pas à la thèse d’un mobile financier pour expliquer l’attentat» et a par conséquent «décidé de ne pas travailler sur cette thèse», a déploré Magali Drouet, fille d’une victime de l’attentat.

«On a un peu l’impression qu’on se moque de nous. Michèle Alliot-Marie (ministre de la Justice) et les membres du gouvernement disent qu’ils veulent donner les moyens de faire la lumière sur cette affaire mais on voit bien que ce n’est pas le cas», a regretté une proche de victimes, Sandrine Leclerc. En mai, le député socialiste Bernard Cazeneuve, rapporteur d’une mission parlementaire sur Karachi, avait déjà déploré que le travail de la mission ait été entravé par «une absence totale de coopération de l’exécutif et du gouvernement».

AFP

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