Nuit noire la tête perdue dans les étoiles

ipad_f_82327_204323_zat-montpellier-nocturne-printaniere-au-parc-malbo8ème Zat à Malbosc. Un voyage nocturne inoubliable samedi 19 avril de 20h à 7h du matin. Les enfants ont la permission de minuit et les grands peuvent jouer les performeurs.

Dans un quartier de Montpellier un piano dans la nuit joue les nocturnes de Chopin sans interprète. Cela ne provient pas d’une grille de programmation classique, on est à la ZAT, la huitième, qui se déroule dans le quartier Malbosc. Des surprises,la zone artistique temporaire nous en a gravé un paquet depuis son premier opus en 2010.

A raison de deux éditions par an,  la manifestation nous invite à ré-explorer notre univers urbain, secteur par secteur. Quartier à l’identité forte comme lors la dernière édition aux Beaux Arts, ou quartier neuf et en devenir comme Port Marianne ou encore Malbosc qui est né il y a dix ans et compte déjà 5 000 habitants. « Le mot Malbosc signifie mauvais bois, un endroit où les terres sont difficilement cultivables, peut-être une superstition car il est devenu un éco-quartier avec cinquante jardins familiaux », explique le directeur artistique Pascal Le Brun Cordier qui définit le thème des ZAT à l’issue de multiples pérégrinations dans les quartiers pour les mettre en récits.

Enquête sur l’ordinaire

Le format varie en fonction du contexte. Chaque ZAT donne lieu à différentes enquêtes – ethnologique, poétique, architecturale et humaine – à partir desquelles s’érige la ligne artistique. Les recherches, toujours longues visent au surgissement de  l’infra-ordinaire cher à Perec, le contraire de l’extra-ordinaire. Pour décrire et rendre compte du quotidien d’un quartier, de ce qu’il se passe chaque jour du banal, du commun, de l’ordinaire, n’est-il pas de meilleur moyen que de confier cela à des artistes  ? « A Malbosc, le projet des urbanistes est intéressant, la moitié du quartier se constitue d’un parc préservé de 33 hectares en partie aménagé et en partie sauvage. La ZAT ne plaque pas les projets. Elle les greffe à ce qui préexiste. » La manifestation se tiendra dans cet espace méconnu des Montpelliérains où la ville s’oublie. Beaucoup d’inédites surprises ponctuent la programmation qui s’articulera autour de la nuit de 20h à 7h du matin. Un pari risqué.

22-voyageauboutdelinoui

Papillons de nuit

« La nuit crée la surprise, souligne le directeur artistique, c’est inédit et rare pour des projets culturels. La nuit ouvre un territoire poétique hautement désirable. Elle s’est métamorphosée depuis les romantiques passant du lieux d’effroi et de chaos à celui du senti, de la face cachée de l’âme, coloré d’une énergie singulière

L’événement les réjouit, mais il n’est pas réservé aux noctambules. La ZAT s’adresse à l’ensemble de la population dans toute sa diversité. Les artistes veilleront comme des guetteurs, ils diffuseront des images, des notes, des mots et contes, ils se feront relais de ferventes étoiles et de curieux extra-terrestres. On pourra les suivre toute la nuit, s’assoupir d’un lourd sommeil dans les transats prévus à cet effet ou ne fermer qu’un oeil en restant disponible à l’éveil onirique. « C’est une invitation à vivre une expérience. inoubliable, les enfants sont les bienvenus. » La ZAT, c’est un autre regard, une autre façon de révéler et décaler la ville, de la vivre !

JMDH

Programme : zat.montpellier.fr

Voir aussi : Rubrique Actualité Locale, rubrique Montpellier, rubrique Politique culturelle,

Municipales Montpellier. La culture du XXIe sur ordonnance politique

soiree culturePolitique culturelle. Jean-Pierre Moure précise la place de la culture et le soutien
à la création dans un nouveau modèle de gouvernance métropolitaine.

Le 5 mars dernier, devant 250 représentants du monde culturel montpelliérain, Jean-Pierre Moure a présenté ses engagements pour la culture. Le candidat socialiste à la mairie de Montpellier entend porter une dynamique collective à partir de trois axes qu’il a déclinés en suscitant espoir et scepticisme.

Le premier axe entend « promouvoir une culture de proximité avec les jeunes et pour le vivre ensemble. » Il s’agirait de favoriser les cultures urbaines pour « en faire un nouveau marqueur identitaire », avec la volonté de créer un « Printemps des cultures urbaines » qui associerait le Fise, la Battle, des expos…

L’idée générale consiste à s’appuyer sur la jeunesse de la population pour bâtir l’offre et intégrer la culture urbaine dans une réflexion urbanistique et de communication. La rénovation du skate park de Gramont, l’ouverture d’espaces polyvalents et des Maisons pour Tous ainsi que la mise à disposition de friches (avec le concours de la SERM et d’ACM) font partie des intentions qui étayent cette proposition.

Concernant le « vivre ensemble », la ZAT serait « vouée à évoluer » pour répondre à trois critères : « Plus simple, plus souple, moins onéreux ». Le nouveau projet qui rappelle Quartiers Libres s’étirerait sur toute l’année et concernerait tous les quartiers, « avec des projets co-construits avec les artistes locaux et les habitants ».

« Sécuriser les artistes »

Le candidat propose aussi la gratuité des activités périscolaires avec la création d’un pacte d’éveil éducatif et culturel. Les artistes seront invités à accompagner l’aménagement des rythmes scolaires…

Le second grand axe vise à soutenir les artistes et impulser une économie de la culture. Jean-Pierre Moure s’engage à signer des conventions pluriannuelles de trois ans avec les artistes. Pour s’adapter aux soucis de trésorerie des associations, il propose de verser les subventions en début d’exercice en conditionnant un quart du budget alloué, sur objectifs.

Le candidat souhaite mailler le territoire urbain de résidences artistiques qui seraient mises à disposition par les bailleurs sociaux. Il est aussi très attaché à la dimension économique de la culture, appelant de ses voeux des incubateurs d’entreprises culturelles, il veut encourager les investisseurs en capital risque à miser sur ces entreprises.

Le troisième axe concerne la mise en exergue du patrimoine et de la culture scientifique. Il s’agit d’élever la ville à travers un appel à projet autour de la valorisation des cultures méditerranéennes, d’une candidature au label « Art et Histoire » de l’Unesco, ainsi que d’un travail de mise en réseau des artisans d’arts, et des sites de collections scientifiques universitaires.

Le président de l’Agglo dispose d’une assez bonne image auprès des acteurs culturels qu’il a souvent défendus. Le budget culturel de l’Agglo a augmenté de 18% depuis 2011. Le schéma qu’il porte aujourd’hui relève d’une vision politique assez partagée en France et en Europe.

Cette politique culturelle repose sur une interprétation de la création dans une dimension matérielle et sociale de la ville. Jean-Pierre Moure imagine la ville de demain mais dans une configuration où le rêve légitime du politique englobe et sécurise celui des artistes dont on oublie d’interroger la vocation sociétale. Qu’est-ce que la culture ? Il y a là un thème de réflexion passé sous silence qui conditionne fortement l’avenir de l’offre et de la demande culturelle montpelliéraine.

Le passage de l’équipement culturel au mode de vie

Point de vue

imagesLe concept de ville et les fonctions urbaines connaissent un profond changement que va venir renforcer la loi sur la décentralisation et l’émergence probable d’une métropole montpelliéraine. Jean-Pierre Moure qui évoque désormais le terme Agglo-métropole pour désigner le territoire qu’il vise à conquérir l’a bien compris.

La politique culturelle qu’il a présentée intègre la culture dans le jeu relationnel urbain avec les flux de personnes et les marchandises qui y circulent. Lieux de production, lieux de création, lieux de divertissements, lieux sportifs, lieux de diffusion culturelle, sphère publique et privée, concourent indistinctement au même schéma directeur.

Aujourd’hui la ville est certes autant un lieu de production que de consommation mais la culture rappelons-le, n’est pas un produit comme les autres. Les dimensions de la culture sont multiples, hétérogènes, diverses et il semble important qu’elles le demeurent.

A l’instar d’une saison lyrique, un projet comme la Zat, pour ne citer que celui-là, ne se mesure pas en terme de coût mais de valeur et précisément, à travers la qualité du travail artistique réalisé pour l’espace public. De même, la construction d’une identité urbaine ne se décrète pas d’un perchoir.

C’est justement de la culture qu’émerge l’identité. Le pragmatisme utile en politique n’est pas de bon conseil en matière culturelle et l’inversion des valeurs qui pose l’action politique comme matrice de l’identité ne sort pas du flou les motivations qui déterminent les choix culturels, leurs effets sur la consommation, et sur l’espace urbain. Comment ce discours sera lu par les acteurs culturels ?

Jusqu’ici la culture reste un lieu où la confiance dans les élus est forte. Dans la crise de la démocratie que nous traversons, c’est un élément qui doit être mesuré à sa juste valeur. Non seulement la culture peut infléchir les résultats électoraux mais elle garantit notre dimension critique et par la même notre capacité à penser par nous-mêmes. La culture reste une réponse possible à cette crise, la gardienne d’une authenticité, d’un engagement, d’une liberté de vivre et d’expression.

Jean-Marie Dinh

Source L’Hérault du Jour 11/03/2014

Voir aussi : Rubrique PolitiquePolitique Culturelle, Politique économique, rubrique Société, Citoyenneté, Rubrique Montpellier,

La Zat sur les rails de l’innovation urbaine

Zone Artistique. La seconde édition du rendez-vous artistique se tiendra au parc Méric du 23 au 25 avril. Elle suscite une urbanité mixte dans la composition des publics et des expériences.

La ZAT, Zone Artistique Temporaire, dont la première édition s’est déroulée en novembre dernier, se déplace pour sa seconde édition dans le parc de Méric du 23 au 25 avril prochains. Manifestation culturelle innovante dans son concept, la ZAT s’articule dans le temps et dans l’espace urbain au fil des saisons et du tracé du tram pour proposer aux artistes et aux habitants de mettre la culture en partage dans l’espace public.

Politique culturelle

L’ambitieuse opération a pris le relais de Quartiers libres avec succès dans le quartier Antigone en 2010. La ville de Montpellier abonde financièrement pour conserver la culture au rang des priorités et assurer la gratuité de tous les spectacles (1). Sur trois jours le budget de l’événement printanier s’élève à 180 000 euros. L’adjoint à la culture Michaël Delafosse, qui porte  la manifestation avec la conviction qu’on lui connaît, projette déjà cette forme particulière de l’exploration urbaine à l’horizon lointain de 2020 en adéquation avec la  ligne 5 du tramway. Il recueillait hier, lors de la présentation de la 2ème Zat le soutien entier d’Hélène Mandroux par la voix de son premier adjoint Serge Fleurence : « La ville de Montpellier a toujours considéré  la culture comme un facteur prédominant du développement. Un sondage récent place la culture comme un élément d’attractivité déterminant de la ville. Nous ne comptons pas nous endormir sur nos lauriers, raison pour laquelle nous continuons à innover. »

Relation environnementale

La célébration du printemps prévue lors du week-end de Pâques prendra une orientation bien différente que l’embrasement hivernal du quartier Antigone. Le choix du Parc du domaine de Méric, superbe propriété ayant appartenu à la famille du peintre Frédéric Bazille, offre l’occasion aux Montpelliérains  d’envisager une relation avec la nature tout en demeurant dans leur cité : « une occasion de montrer que la ville de Montpellier agit sur les enjeux de l’environnement », glisse Michaël Delafosse. Durant la manifestation, la circulation sera limitée aux riverains. Une mesure très incitative à s’y rendre en tramway (2). Pour les personnes qui le souhaitent, un petit train-navette parcourra les 600 mètres de la rue Ferran jusqu’à l’entrée du parc.

Offre esthétique

Au-delà du marketing politique, sous la houlette de Pascal Le Brun-Cordier, un conseil artistique diversifié, composé d’acteurs culturels issus d’univers différents a travaillé sur une programmation conceptuelle forte dont les artistes se sont saisis pour mettre l’espace du domaine de Méric en récits. Attaché à la notion de désir des publics, le plan de médiation culturelle propose une ligne artistique subtile. Démarche approfondie que l’on perçoit dans le choix des artistes contemporains et accessibles, des formats, plutôt court, et des modalités d’interventions spécifiques. Un ensemble cohérent qui participe à une offre esthétique pertinente.

Propositions artistiques

Les vergers et l’écrin de verdure offerts par le domaine de Méric seront soumis durant trois jours à une tentative de greffes poétiques. On pourra y flâner du lever du soleil à son coucher. Dès 6h49, un petit déjeuner au soleil permettra d’observer les cocons du chorégraphe Patrice Barthès ou d’entendre au coucher Jean Boucault et Johnny Rasse dialoguer avec les oiseaux qui, paraît-il, ont ici l’accent du Sud. Plusieurs itinéraires sont proposés pour (re)découvrir notre rapport au monde et certaines vérités au contact de la nature. Avec Fugue / trampoline, la Cie Yoann Bourgeois interrogera le point de suspension, moment fugitif  dans les airs. Le fougueux musicien Dimoné nous invitera à l’écoute du silence. Jordi Cardoner et la compagnie BAO raconteront les histoires du fleuve dont celle du Loch Lez. L’espace réel croisera l’espace virtuel dans un dialogue en temps réel avec les citoyens tunisiens. Rien ni personne pour nous obliger à marcher au pas. L’expérience sensorielle pourra se vivre dans les chaises longues disposées dans le verger des arbres rares où l’on écoutera contes et poésies en se faisant masser. Au total c’est une centaine de propositions plus surprenantes les unes que les autres, qui s’enchaîneront dans la douceur et le dialogue des arts pour satisfaire et éprouver notre envie de différence.

Jean-Marie Dinh

(1) Pour un certain nombre de propositions la réservation est obligatoire voir la programmation sur le site zat.montpellier.fr
(2)Ligne 2 – arrêt Saint-Lazare.