Théâtre. Cuisant témoignage d’un état du chaos

 

Avec Transition donné cette semaine au Domaine d’O dans le cadre de la saison Hth le collectif La carte blanche évoque la haine qui fait basculer l’humanité.

Lost in the same woods est le second volet de Transition une création de La carte Blanche, un collectif d’acteurs issus de L’ENSAD de Montpellier. « Il a été question d’idées, concernant le travail, d’étendards utopiques portés par les éléments d’une génération qui n’en cherchait pas (…) on a tenté de réconforter notre besoin d’être autre chose que des solitudes. »

Voilà pour les intentions. Pour le reste, il faut se rendre à l’évidence. L’ancien monde se perd dans l’embarras de considérations multiples qui n’ont plus court. Le XXIe siècle et sa modernité peuvent faire table rase des conventions ringardes et autres simagrées comme la hiérarchie au travail où le respect d’autrui. La pièce qui emprunte des extraits de l’oeuvre de Falk Richter met en scène une jeune équipe au travail qui entreprend un projet rédactionnel avec un modèle de Management à la Google. Chez Global, on s’évalue entre tiers. L’esprit amoli par les richesses de la société de consommation, des jeunes gens décomplexés entendent construire leur propre culture d’entreprise.

Toutes les bonnes méthodes s’imposent pour faire tomber le raisonnement faussé et rester attaché aux principes de la stricte liberté individuelle. On érige quelques rites réparateurs pour gérer les conflits. Cérémonies vite abandonnées à la machine de la haine car la rigueur démonstrative fonctionne sans aucun besoin d’humanité. Il est possible d’effacer l’autre de manière parfaite quand celui-ci porte atteinte à notre volonté.

Indécence généralisée

Quand l’indécence se généralise, on reste en mouvement par sa seule existence. Ce à quoi s’emploie la mise en scène de Vincent Steinebach qui s’appuie habilement sur la bouillonnante énergie des comédiens, la dimension corporelle et sur un dispositif vidéo redoutable d’efficacité dans le hors scène.

Le triomphe du principe du plaisir révèle la souffrance des êtres en quête de sens que le texte et les situations abordent sous l’angle comique. L’autocritique que porte cette génération sur ses propres codes mérite d’être soulignée. Elle renvoie à la religion comme sens ultime de la déroute ou digne passage de la piété à la cruauté. Elle renvoie aussi au strict cadre politique du prince Machiavel. Les passions personnelles engagées, ne sommes nous pas tous des petits rois ? Considérons nos actions et notre volonté, nous trouverons alors qu’elles sont grandes et méritent qu’on les défendent à tout prix.

Le danger pour une communauté qui se fonde sur l’individualisme serait d’éteindre la haine. Ce que ne parvient pas vraiment à faire la joyeuse équipe de l’entreprise Global.

Jean-Marie Dinh

Source : L’Hérault du jour 26/03/2015

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