Sénégal. Le premier tour est « impossible »

Manifestation Janvier 2012

L’opposition a estimé jeudi 23 février que le « climat d’insécurité générale » au Sénégal rendait impossible le premier tour de la présidentielle dimanche, alors que le camp présidentiel, mais aussi la communauté internationale, rejette toute idée de report.

Alors que la campagne touche à sa fin, le Mouvement du 23 juin (M23, partis d’opposition et organisations de la société civile), a estimé que « les dérives d’une gravité extrême » et le « climat d’insécurité générale et accélérée (…) rendent impossible la tenue d’un scrutin transparent, libre, apaisé et fondé sur le respect de la Constitution ».

Il « attire l’attention (…) sur la présence d’agents provocateurs » du président sortant Abdoulaye Wade, candidat à sa succession, « qui terrorisent manifestants, populations et leaders politiques et de la société civile, notamment par un harcèlement constant des personnalités du M23 et de leurs familles ».

Outre la violence, le M23 dénonce les « graves dysfonctionnements des institutions de régulation » de l’élection que sont le Conseil constitutionnel et la Commission électorale nationale autonome (Céna), qui « ne permettent pas la tenue d’un scrutin libre, sincère et transparent ».

L’opposition divisée

Le M23 n’a cependant pas explicitement appelé dans ce communiqué à un report du scrutin, cette question faisant encore débat dans l’opposition.

Plusieurs candidats, tels que Cheikh Tidiane Gadio, Cheikh Bamba Dièye et Ibrahima Fall, sont favorables à un report en raison de « la situation quasi-insurrectionnelle » dans le pays, selon les mots d’Ibrahima Fall.

Mais d’autres, également membres du M23, s’y opposent, poursuivant leur campagne entamée le 5 février jusqu’au dernier jour vendredi, déterminés à participer au vote de dimanche.

Parmi eux, deux anciens Premier ministres de Wade: Macky Sall et Moustapha Niasse, ainsi que le leader du Parti socialiste (PS), Ousmane Tanor Dieng.

« Peur de perdre »

Pour sa part, le camp présidentiel, qui martèle qu’Abdoulaye Wade gagnera dès le premier tour, rejette catégoriquement toute idée de report en accusant ceux qui le réclament « de ne pas être prêts », d’avoir « peur de perdre ».

La communauté internationale, ONU, Etats-Unis et Union européenne en tête, a de son côté lancé un appel à tous les acteurs politiques au Sénégal pour qu’ils encouragent la participation des électeurs à un scrutin libre et transparent, et sans violences.

L’ex-président nigérian Olusegun Obasanjo, chef des observateurs de l’Union africaine (UA), poursuivait quant à lui ses rencontres avec les acteurs politiques du pays après s’être déjà entretenu avec plusieurs d’entre eux mercredi, dont le président Wade. Rien n’a filtré de leur entretien.

Plusieurs candidats d’opposition ont fait part à Olusegun Obasanjo de leur revendication commune: le retrait de la candidature du président sortant qui brigue un nouveau mandat à 85 ans, dont douze au pouvoir.

Jeudi, Olusegun Obasanjo a rencontré M. Tanor Dieng et le célèbre chanteur Youssou Ndour dont la candidature a été rejetée par le Conseil constitutionnel.

Olusegun Obasanjo est là comme observateur, mais aussi pour « une mission de paix » et éviter que le Sénégal n’aille « vers le précipice de la violence », selon l’UA. Les violences liées à la candidature d’Abdoulaye Wade ont fait depuis fin janvier au moins Olusegun six morts et des dizaines de blessés.

Une partie de ces violences ont eu lieu aux alentours de la Place de l’Indépendance en centre-ville, où les manifestations sont interdites, mais où tentent quand même de se rendre depuis dix jours des candidats d’opposition et leurs partisans.

Jeudi en fin d’après-midi, selon un scénario devenu quotidien, la place s’est vidée, les rues et avenues y accédant étant bouclées par les policiers anti-émeutes, mais aucun affrontement n’a opposé les forces de l’ordre et les manifestants, qui réclamaient le départ du président Wade.

AFP

Wade devra gouverner au fusil et à la baïonnette !

Le Conseil Constitutionnel a validé la candidature contestée du président sortant Abdoulaye Wade et invalidé celle du chanteur Youssou N’Dour.  L’ éditorial du journal sénégalais Le Quotidien se déchaîne contre ce « putsch institutionnel ».

Les manifestations qui ont suivi l’annonce de la validation de la candidature du président Wade, dans la nuit du 27 au 28, constituent un signal fort de la fracture qui existe entre le peuple réel et un régime engoncé dans une impopularité criante. Le fait que les juges du Conseil constitutionnel aient validé la candidature controversée du président Wade crée une situation de fait : le président Wade ne pourra plus jamais gouverner ce pays paisiblement, et rien ne pourra établir sa légitimité devant un peuple « overdosé » par une mal gouvernance.

Quelle que soit la suite des événements, Wade ne pourra plus présider aux destinées de ce pays que par le fusil et la baïonnette. De hauts irresponsables au pouvoir, qui se sont engraissés du sang et de la sueur du peuple, se sont emparés des micros pour narguer les manifestants, minimiser une situation explosive portée surtout par une jeunesse engagée et qui a de fortes chances de déboucher, si l’on n’y prend garde, sur une situation insurrectionnelle. Englués qu’ils sont dans une cécité et dans un autisme suicidaires, ils n’ont tiré aucune leçon des événements pourtant récents qu’ont traversés d’autres pays au printemps.

Ce vendredi 27 janvier, le Conseil a inscrit sa décision dans une séquence triste de l’histoire politique de notre pays ; une séquence qui laissera un goût amer sur les langues de la postérité et sonnera le glas dans les oreilles des générations futures. Les juges ont également inscrit leur propre individualité dans un agenda noir que les générations à venir feuilletteront avec dédain. Tout ça pour ça !

Une cognée de carrières politiques sont à jamais salies. La postérité ne retiendra de ceux-là que la vertu des vices. Leur figure est symbolisée par l’arrogance de quelques responsables du camp présidentiel, dont on retiendra la triste prestation, l’exultation indécente sur les ondes de radios et les écrans de télévisions, l’ironie déplacée face à une inquiétante convulsion politico-électorale et la banalisation d’une répression bestiale.
Tout cela témoigne du degré d’ignominie que certains peuvent atteindre pour perpétuer leur voracité  »pouvoiriste ».

Soro Diop (Le Quotidien)

Les autorités interdisent des manifestations contre Wade

Il n’y aura pas de marche du M23 ce matin [15 février], ni de nuit blanche. Ainsi en a décidé le préfet qui a interdit les deux manifestations”, rapporte le site du journal. La police a empêché le 14 février l’organisation du sit-in permanent que voulait installer hier à Dakar le collectif de rappeurs “Y’en a marre”, ainsi que la marche prévue par le Mouvement du 23 juin (M23). Ces groupes demandent tous deux le retrait de la candidature du chef de l’Etat en exercice Abdoulaye Wade à l’élection présidentielle du 26 février.

15/02/12

Repère

1960 Indépendance. Léopold Sédar Senghor premier président.

1980 Senghor démissionne, son Premier ministre, Abdou Diouf, lui succède.

2000 Abdoulaye Wade remporte l’élection présidentielle face à Diouf.

2001 Nouvelle Constitution, limitation du nombre de mandats présidentiels à deux.

Avril 2004 Wade rompt avec son Premier ministre et numéro deux, Idrissa Seck. Ce dernier sera inculpé pour atteinte à la sûreté de l’Etat, incarcéré en juillet 2005, puis libéré en février 2006.

Février 2007 Wade est réélu avec 55 % des voix devant l’ancien Premier ministre Idrissa Seck (15 %) et le candidat du Parti socialiste Ousmane Tanor Dieng (13 %).

Mars 2009 Elections locales, municipales et régionales. L’opposition arrive en première position dans la plupart des régions et remporte la victoire à Dakar, la capitale.

Juin 2011 Wade propose une réforme constitutionnelle qui prévoit d’élire un ticket présidentiel au premier tour avec 25 % seulement des suffrages exprimés. L’opposition le soupçonne d’ouvrir la voie pour son fils. Emeutes dans le pays. Wade retire le projet.

27 janvier 2012 Le Conseil constitutionnel valide la candidature du président Wade malgré ses deux mandats. Mouvement massif de contestation dans tout le pays.

Le règne d’Abdoulaye Wade

Mars 2000, vent d’espoir au Sénégal. L’opposant historique Abdoulaye Wade arrive au pouvoir. Dans la foulée, il fait adopter par référendum une nouvelle Constitution en 2001, limitant à deux le nombre de mandats et ramenant leur durée de sept à cinq ans. A l’épreuve du pouvoir, le nouveau président multiplie ajouts et ratures dans la nouvelle Constitution : 17 modifications en dix ans. En 2007, après sa réélection, Wade déclare que, conformément à la Constitution, il accomplit son dernier mandat. Mais à

l’approche des élections du 26 février 2012, surprise ! Le président, âgé de 85 ans, déclare que son premier mandat ne doit pas être pris en compte car il avait débuté sous l’ancienne Constitution. Opposition et société civile constituent un front commun contre sa candidature. Vendredi 27 janvier,le Conseil constitutionnel, composé de magistrats nommés par le président Wade, tranche en sa faveur. Il sera bel et bien candidat. Le pays bascule dans l’émeute.

La présidentielle de tous les dangers

En mars 2000, l’élection du libéral Abdoulaye Wade à la présidence met fin à quarante ans de régime socialiste (Léopold Sédar Senghor puis Abdou Diouf). C’est la première fois que le Sénégal connaît l’alternance depuis l’indépendance, en 1960, et les espoirs de changement sont immenses. Onze ans plus tard, l’heure est à la désillusion. Le pays vit sous tension : crise énergétique sans précédent, instabilité gouvernementale, réformes successives de la Constitution, grèves répétées, série d’immolations après le printemps arabe.

Le parti de Wade a perdu les élections locales de 2009. Et la présidentielle de mars 2012 s’annonce difficile. A 85 ans, le chef de l’Etat s’est déclaré candidat à un troisième mandat. Ce que l’opposition et la société civile contestent en raison de la limitation constitutionnelle des mandats à deux. On lui prête l’intention de passer la main à son fils Karim, aussi influent qu’impopulaire.

Voir aussi : Rubrique Afrique, Sénégal, rubrique Société Mouvements sociaux, rubrique , Société civile,

Union africaine : les personnes déracinées à l’ordre du jour du sommet historique de Kampala

« Au début de cette année, l’Afrique abritait environ 11,6 millions de personnes déplacées internes, soit environ 45 pour cent des déplacés dans le monde. On compte également 2 659 000 réfugiés et demandeurs d’asile à travers le continent africain. Quelque deux millions de personnes sont devenues des déplacés internes l’année dernière. »

1/ Union africaine : les personnes déracinées à l’ordre du jour du sommet historique de Kampala

Du 19 au 23 octobre 2009, Kampala, la capitale ougandaise, accueillera un rassemblement historique de responsables de pays africains. Ce sommet sera dédié au problème des personnes déracinées de force. Des chefs d’Etat et de gouvernement de tout le continent africain devraient assister à cette réunion, durant laquelle sera préparé un plan d’action. Le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés António Guterres sera également présent, il représentera le Secrétaire général des Nations Unies. Ce sommet vise à répondre aux causes profondes du déplacement forcé et à y trouver des solutions ; à identifier des moyens d’empêcher le déplacement forcé ; à améliorer la protection pour les personnes déracinées de force ; à renforcer les mesures visant à répondre aux besoins spécifiques des femmes et des enfants déplacés ; à concevoir des stratégies pour réduire l’impact des catastrophes naturelles en tant que cause de déplacement des personnes ; à développer des approches visant à faciliter la reconstruction de communautés émergeant après un conflit et à accroître les partenariats pour répondre au déplacement forcé à travers l’Afrique. Ce rassemblement intervient 40 ans après le tournant qu’a constitué la Convention de I’OUA de 1969 régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique. Durant cette réunion, les participants devraient examiner aux fins d’adoption une Convention de l’Union africaine sur la protection et l’assistance en faveur des déplacés internes en Afrique, qui constituera également le premier instrument international juridique ayant force de loi sur les déplacés d’une portée continentale. La Convention, si elle est adoptée, fournira un cadre régional global régissant la protection et l’assistance aux personnes déplacées – avant, pendant et après le déplacement.

Le phénomène du déplacement interne continue à croître sur le continent africain, alors même que le nombre des réfugiés décline progressivement. Au début de cette année, l’Afrique abritait environ 11,6 millions de personnes déplacées internes, soit environ 45 pour cent des déplacés dans le monde. On compte également 2 659 000 réfugiés et demandeurs d’asile à travers le continent africain. Quelque deux millions de personnes sont devenues des déplacés internes l’année dernière.

Pour en savoir plus :http://www.auspecialsummitkampala.ug/

Source TERRA : http://www.unhcr.fr/cgi-bin/texis/vtx/events?id=4ad833062

2/ Rencontre ministérielle à Kampala avant le sommet de l’UA sur les déracinés

KAMPALA, Ouganda, 19 octobre (HCR) – Des ministres d’Etat venant de nombreux pays africains se sont aujourd’hui rencontrés à Kampala, en Ouganda, pour répondre aux défis du déplacement forcé auxquels est confronté ce continent.

Durant les deux prochains jours, les ministres présents pour la session extraordinaire du Conseil exécutif de l’Union africaine (UA) délibèreront sur le problème apparemment insoluble concernant le déplacement forcé en Afrique et paveront la voie pour le sommet historique de l’Union africaine sur les réfugiés, les rapatriés et les déplacés. Le Haut Commissaire António Guterres, actuellement en visite au Rwanda, représentera le Secrétaire général des Nations Unies lors du sommet qui commence jeudi. Ce sommet de deux jours, qui réunira des dirigeants d’au moins 36 nations africaines, devrait adopter une Convention pour la Protection et l’Assistance des déplacés internes en Afrique, qui constituera également le premier instrument international juridique ayant force de loi sur les déplacés d’une portée continentale.

Le Premier Ministre ougandais Apolo Nsibambi a indiqué aux délégués lors de la réunion de lundi qu’il était inacceptable que l’Afrique indépendante des puissances coloniales européennes depuis plus de 50 ans continue à être le plus important générateur de réfugiés et de déplacés internes. « L’incapacité à protéger et assister efficacement ainsi qu’à trouver des solutions en temps voulu aux problèmes ayant créé ces situations de déplacement pose une menace majeure sur le développement de l’Afrique… et a de sérieuses conséquences pour sa paix et sa stabilité », a-t-il prévenu.

Le Ministre des affaires étrangères sierra-léonais Zainab Bangura a indiqué que le déplacement constituait un fléau dévastant le paysage africain et que le sommet de Kampala était un signe clair de « l’intention de l’Afrique de prendre ses responsabilités et de trouver des solutions à nos propres problèmes intrinsèques. » La Commissaire aux Affaires politiques de l’UA Julia Dolly Joiner a indiqué qu’il n’était plus possible de penser que le déplacement pouvait seulement se résoudre grâce à l’assistance humanitaire, ajoutant qu’il nécessitait des efforts conduisant à des solutions durables. « Nous sommes ici pour réfléchir aux défis spécifiques auxquels sont confrontés les déplacés et pour adopter un instrument qui ferait le lien entre les politiques existantes et les vides juridiques, renforçant et soutenant les actions individuelles et collectives des Etats membres », a-t-elle déclaré.

Chris Ache, le délégué du HCR à l’UA, a indiqué être encouragé par l’esprit de compréhension et de consensus se dégageant lorsque les délégués en sont venus au principal problème inscrit à leur ordre du jour. « Il est réellement encourageant de voir l’Afrique paver la voie, prendre ses responsabilités et s’attaquer tête baissée aux causes profondes du déplacement pour trouver la bonne solution », a-t-il affirmé. De nombreux délégués proviennent de pays ayant récemment émergé de conflits, et certains sont d’anciens réfugiés ou déplacés. Ils ont évoqué avec émotion les souffrances des déracinés et ils ont appelé à une action africaine résolue.

« Souvenons-nous de nos frères et de nos sœurs, des personnes âgées, de nos mères, des enfants et des infirmes qui sont les premières victimes de la migration forcée. Ils espèrent tous que ce sommet conduira à un effort conjoint pour alléger et/ou mettre fin à leurs souffrances », a indiqué Tarsis Kabwegyere, le Ministre ougandais responsable des questions de réfugiés et de l’assistance humanitaire.

Yusuf Hassan (à Kampala, Ouganda)

Voir aussi : Rubrique internationale : L’Afrique doit prospérer,