Les pièces Vénitiennes. L’étranger utile doit bien tenir sa place

Julien Guill : «  Nous avons choisi de croire en la révolte de Shylock et d’Othello. »  Photo dr

Julien Guill : « Nous avons choisi de croire en la révolte de Shylock et d’Othello. » Photo dr

Montpellier Théatre
Avec « Les pièces Vénitiennes » sous titrées « Le procès », la compagnie Provisoire se saisit de deux pièces de Shakespeare pour aborder le sort de l’étranger.

La singularité de recherche de la Cie provisoire est d’inventer des spectacles désencombrés de toute la machinerie théâtrale pour préserver la relation entre les acteurs et les spectateurs ; pour les faire se rencontrer autour d’un texte, d’une forme, d’une idée ou d’une thématique. Il s’agit ici du procès de l’étranger mais peut être aussi du nôtre.

L’usurier Shylock qui, dans Le Marchand de Venise, demande à être remboursé de l’argent qu’il a prêté ? Condamné ! Le général Othello qui, dans Othello, épouse la femme vénitienne qu’il aime ? Condamné ! Et pourquoi ? « Je suis juif », affirme le premier quand le second s’interroge : « Parce que je suis noir ? »

L’antisémitisme et le racisme se lisent dans ces deux pièces shakespeariennes où piège et machination sont le sort réservé à l’étranger utile qui ne sait pas rester à sa place. Celle que la société lui a assignée et peut lui confisquer tout en lui arrachant plus encore, pour peu qu’un Antonio ou un Iago se donne pour mission de le rappeler à l’ordre.

La mise en scène de Julien Guill se concentre dans Les pièces vénitiennes sur les violents affrontements qui éclatent entre le juif-Shylock et le chrétien-Antonio d’une part, le Maure-Othello et le Vénitien-Iago de l’autre. Il fait des idées son épicentre, et pour ne pas atténuer leurs secousses, écarte le réalisme favorable à l’identification. Ainsi donc, deux femmes traversent Le Marchand de Venise et un homme blanc, Othello. Il s’agit moins de mettre en scène des personnes que les points de vue qu’elles véhiculent. Un propos sur le sort des migrants au coeur du défi, des tensions et soubresauts dramatique s qui interpellent notre société et dérangent les politiques.

Ce soir à 20h, mercredi à 19h15 au Théâtre La Vignette à Montpellier.

Voir aussi : Rubrique Théâtre,Sur les traces de Rithy Panh, Otage de sang, rubrique Danse, rubrique Montpellier,

Le théâtre maintenant en question

4_linstantdecisif_bdg1cjeanlouisfernandez

Les récits se frottent aux actes, comme les masques aux visages JL Fernandez

Nathalie Garraud, metteure en scène, Olivier Saccomano auteur, et la cie Du Zieu présentent : L’instant Décisif, premier volet du triptyque La beauté du Geste au Théâtre La Vignette.

Basée en Picardie, la troupe a pour habitude de travailler sur des cycles de création en privilégiant l’oeuvre au produit. Car au théâtre aussi, celui-ci s’impose parfois au détriment du reste. Le théâtre c’est ce reste. Les hommes et les femmes qui le pratiquent et le public – sans distinction de genre, d’âge ou d’identité culturelle – qui s’en nourrit.

Le premier rendez-vous de La  beauté du geste se nomme L’instant décisif. Une pièce qui décrit la genèse d’une pièce en un instant unique dépeint par le photographe Henri Cartier-Bresson comme le moment à saisir «qui vient de naître et de mourir sous ses yeux

Pour les comédiens cela correspond aux premiers pas de l’acteur sur le plateau. L’entrée dans la lumière publique, – vécue comme une morsure -, est à distinguer de la clairvoyance. Particulièrement dans le contexte actuel où le spectacle aveugle les valeurs ancestrales du théâtre. A cet égard, la scénographie basée sur un dispositif bi-frontal appuie efficacement la volonté de transparence, comme l’ingéniosité déployée autour des éléments du décors  (porte  transformée en pierre tombale,  insecticide en machine à pluie, morceau de fresque transportant La Lutte de Jacob avec l’Ange de Delacroix…) qui répudient toute tentation de simulacre.

La Cie Du Zieu fonctionne comme un laboratoire permanent délibérément ouvert qui associe le travail de mise en scène, d’auteur, avec celui des comédiens et des techniciens. Une place de choix est réservée à l’improvisation et au public, avec qui l’échange s’instaure à l’issue de chaque représentation pour renouveler la capacité d’invention.

Retour aux  sources
La beauté du geste traite du rapport entre l’action théâtrale et l’action politique. Qu’advient-il de cette beauté dans le monde qui est le nôtre ? Situation d’Etat d’urgence, d’urgence historique où les artistes germent comme des graines dans une terre noire et réitèrent le questionnement de Vitez : « où en sommes-nous de la chaîne immémoriale des rôles ? » avec la volonté de se maintenir dans l’exercice de leur métier, le jeu, l’action, les impasses, l’épreuve du désastre, la grâce fragile qui offre une véritable fraîcheur à la pièce.

Projeté dans ce laboratoire contemporain Hamlet peut souligner la violence d’une élection présidentielle, comme il peut réveiller à travers l’art la chaîne immémoriale des vivants…   Et comment faire barrage aux fauteurs de trouble qui interrogent le monde à partir du théâtre ?

Jean-Marie Dinh

La Cie du Zieu propose un stage comédien et dramaturgie en présence des artistes Samedi 18 mars & dimanche 19 mars de 10h à 16h00 sur inscription (tout public – aucun pré-requis nécessaire) contact@theatrelavignette.fr

 Source : La Marseillaise 18/03/2017

Voir aussi : Rubrique Théâtre, rubrique Littérature, rubrique Montpellier,

Pharmakos. Jouer du caractère informe du réel

Le thème du bouc-émissaire a servi de point de départ à cette étonnante création sensorielle. DR

Le thème du bouc-émissaire a servi de point de départ à cette étonnante création sensorielle. DR

Réjouissant goût du risque et de la création collective… Pharmakos par le Cie Moebius au Théâtre La Vignette

Le tragique est à notre portée. Pour l’appréhender, il suffit parfois de tendre la main. C’est l’expérience dans laquelle se lance la compagnie Moebius avec Pharmakos qui désigne aussi bien le remède que le poison. L’autre sens du terme renvoie à un rite de la Grèce antique au cours duquel on lapidait une victime humaine, après l’avoir promenée dans toute la cité, afin d’exorciser une menace.

Après s’être frottée aux mythes avec les Atrides et à Tchekhov, la jeune compagnie se lance dans l’écriture. Elle revendique un « non-théâtre », ce qui parait être un bon début bien que quelque peu insécurisant.

Cela commence par une fuite d’eau, qui a tout d’originelle. Autour de l’eau qui goutte s’agence un monde. Et le récit débute, distribuant les rôles à partir des identités en présence. La théâtralité minimum questionne la place des spectateurs dans l’affaire. Mais l’on se rassure en reprenant pied au fur et à mesure que l’organisation sociale se met en place.

Qu’importe après tout, si le modèle qui se dessine aboutit à des rapports interpersonnels violents. Il faut bien payer son accès au sens des choses. N’est-ce pas ce que nous ont enseignés les textes bibliques et avant eux les mythes ? On remercie secrètement la voix-off qui éclaire l’action et la souffrance des comédiens pour le secours spirituel qu’ils nous portent.

L’histoire prend enfin forme de manière intelligible dans le cadre d’un scandale politico-financier ourdi par une famille industrielle dont les membres répondent aux curieux nom d’Hérode, Salomé, et Hérodiade. On est dans un drame moderne… Mais à la fin, les choses déraillent à nouveau…

JMDH

Pharmakos sera donné au Théâtre  SortieOest le 13 et 14 avril prochain.

Source : La Marseillaise 02 01 2016

Voir aussi : Rubrique  Théâtre, rubrique Montpellier, rubrique Société,

Le théâtre de la Vignette affirme son identité artistique

theatre-vignette-f-14-15-800x600

Politique culturelle. Le théâtre universitaire devient Scène Conventionnée pour l’émergence et la diversité. L’Université Montpellier 3 s’affirme lieu de culture.

L’année 2016 débute bien au Théâtre de la Vignette qui vient d’obtenir le titre de Scène Conventionnée via la direction des affaires culturelles. « Les conventionnements correspondent à un programme spécifique, ils contribuent comme les CDN et les Scènes nationales à l’aménagement culturel du territoire explique François Duval, le conseiller Drac Languedoc-Roussillon Midi Pyrénées qui travaille désormais de concert avec son homologue à Toulouse.

« La Drac accompagne le Théâtre de la Vignette depuis sa phase d’étude en 2002. Elle a soutenu la transversalité entre la culture et l’Enseignement supérieur et la Recherche. Ce conventionnement consacre l’attention que porte le théâtre à la création en région et l’exigence de ses choix.» Cette identification s’attache au projet et à la programmation qui ont permis l’émergence d’artiste comme Marie- José Malis qui dirige le CDN La Commune à Aubervilier au côte de Fréderic Sacard, ou la metteur en scène Marie Lamachère.

Le directeur de La Vignette Nicolas Dubourg identifie pour sa part «l’émergence » à une double notion. « Celle de la confiance que l’on doit apporter aux jeunes créateurs en terme de co-production, de programmation et de suivi, et celle de l’attention portée aux nouvelles formes et aux nouveaux langages du théâtre contemporain.» Concernant la diversité, il évoque « l’élargissement des horizons à l’échelle nationale, internationale et notamment européenne », ainsi que l’ouverture artistique à des formations issues de différents parcours.» La Vignette qui doit beaucoup aux deux mandats non reconductibles de la Présidente Anne Fraïsse, tient à être un lieu de formation et de mise en réseau par son inscription dans les réseaux professionnels.

Si le conventionnement est pluriannuel, la dotation de l’Etat n’évolue que très sensiblement. Mais l’affirmation de cette identité artistique et du projet dans sa cohérence, inscrit durablement le théâtre dans le paysage du spectacle vivant. Il se prépare ainsi à renforcer et développer les coopérations dans le cadre de la nouvelle région.

JMDH

Source La Marseillaise

Voir aussi : Rubrique Théâtre, rubrique Politique culturelle, rubrique Montpellier,