Le pouls de la Paillade

Le producteur radiophonique Stéphane Bonnefoi, évoque son reportage sur La Paillade à l’IRTS.

Le documentaire trouve de moins en moins de place sur les ondes de Radio France. Mais sur France Culture on peut encore prendre le temps de l’écoute. Au début de la campagne des régionales 2009, le journaliste Stéphane Bonnefoi passe deux mois hébergé chez les habitants de la Paillade. Suite à son immersion dans le quartier, il réalise quatre documentaires d’une heure diffusés dans l’émission Sur les docks. Il est revenu à Montpellier pour évoquer son travail devant les étudiants de l’IRTS.

Un beau sujet de réflexion pour les futurs travailleurs sociaux que celui du traitement médiatique des quartiers populaires… Faut-il considérer que la durée consacrée au travail pour prendre le pouls d’un quartier populaire relève d’une forme d’engagement ? Dans le nouveau mode de production des rédactions force est de reconnaître que cet exercice figure au rayon des pratiques révolues. Creuser son sujet, s’oppose à la thèse qui définit la dépolitisation des esprits comme le mode achevé de la modernité .

« France Culture ne m’a pas payé deux mois pour 4 heures d’émission. Outre les implications financières, cela m’a demandé une énergie incroyable, précise le producteur. Mais au final le travail  a eu un bon retentissement ». Il se distingue en effet du traitement médiatique habituel des banlieues qui privilégie les raccourcis sans s’assurer des correspondances avec le sens.

« La plupart du temps, les représentations que l’on a de ces quartiers nous viennent des médias ou de personnes victimes d’un vol ou d’une agression. Ce ne sont pas des représentations personnelles. Je voulais m’inscrire dans les pas de l’écrivain prolétarien Marc Bernard* prix Goncourt en 1942, auteur d’un reportage au long cours sur la ville nouvelle de Sarcelle (en 1963). » Un demi siècle plus tard, Stéphane Bonnefoi choisit le quartier de La Paillade pour reconduire cette expérience. « J’aurais pu faire de la poésie, mais je suis resté dans un esprit d’investigation. Je ne voulais pas réinventer. »

Territoire, religions, singularités marocaines et gitanes, situation sociale, le journaliste pousse les portes et ouvre des dialogues qui révèlent un mode de vie propre en marge de la ville centre. «  Je ne prétends pas rendre compte de La Paillade telle qu’elle est en quatre heures. Et d’ailleurs qu’est-ce que La Paillade si ce n’est la multitude des gens qui y vivent ?  La manière dont les médias évoquent ce qui s’y passe, n’est pas à la hauteur de la richesse de ces quartiers. » Un constat qui n’élude pas les problématiques. L’auteur évoque toutes les questions : mixité sociale, pressions religieuses et politiques, précarité grandissante, réseaux économiques opportunistes…   « Le changement radical avec les années 70 et 80, c’est le recul de la vie politique, intellectuelle et sociale, faute d’acteurs et de moyens au profit des politiques clientélistes, et des associations communautaires.» La richesse vient de la multitude des voix recueillies. Des habitants et des acteurs sociaux témoignent de la difficulté à préserver leurs valeurs face à l’instrumentalisation. De quoi donner du grain à moudre…

Jean-Marie Dinh

* Stéphane Bonnefoi a préfacé le livre de Marc Bernard Sarcellopolis réédité aux éditions Finitude.

Voir aussi : Rubrique Médias, Médias banlieue et représentations, rubrique Société, L’enjeu politique des quartiers populaires, Justice Les rois du Petit bard, Délinquance en col Blanc, rubrique Montpellier, Politique locale , Petit-bard: les réfugiés du Bat A,

Marie Cosnay : « Responsabilité en miettes »

Marie Cosnay

L’écrivain Marie Cosnay se penche sur la politique l’immigration.

L’essai Comment on expulse de Marie Cosnay renvoie, dans une perspective différente, au documentaire de Stéphane Bonnefoi réalisé à la Paillade, dans la volonté d’aller chercher la matière où elle se trouve. Ce livre participe aux souhaits de sortir des représentations et du débat politicien qui fait couler tant d’encre. Ici, ce n’est plus le journaliste qui s’engage sur les pas de l’écrivain, mais l’auteur qui prend pied dans la glaise de la politique de l’immigration pour confronter ses pratiques à la grande histoire de l’humanité, aux mythes. La spécialiste d’auteurs antiques va dans les TGI. Elle écoute la juge répéter invariablement les mêmes questions aux sans papiers de Marrakech ou de Sao Paolo et tirer les mêmes conclusions. « Mais comment font-ils les autres… » L’auteur s’intéresse aux histoires de ses anonymes qui défilent à la chaîne en quête de subsistance, déplacés de pays en pays pour finir dans un centre de rétention administrative, un charter où un asile psychiatrique. Il cherche le réel, veut donner à chacun une stature un peu plus épaisse.

« Il faudrait donner un nom à chacune de ces personnes, rétablir la chaîne des responsabilités. Trouver les noms de chacun des membres des escortes, des pilotes d’avion, des médecins qui établissent des certificats médicaux, des gendarmes qui donnent le signal à l’avion de décoller. Etablir une sorte de tableau des responsabilités, un tableau de listes des tâches qui mènent à ce que des enfants soient emportés et que des parents s’évanouissent au seuil de l’embarquement.

A l’heure où la justice ne s’interroge plus sur ses fins, Marie Cosnay, livre un regard salutaire face à la fosse commune de nos indifférences.

Jean-Marie Dinh

Comment on expulse, éditions du croquant, 14 euros.

Voir aussi : Rubrique  politique de l’immigration, Hollande s’inspire de Sarko, rubrique Livre, Essais, rubrique Société Justice,

L’essai Comment on expulse de Marie Cosnay renvoie, dans une perspective différente, au documentaire de Stéphane Bonnefoi (voir ci-contre) dans la volonté d’aller chercher la matière où elle se trouve. Ce livre participe aux souhaits de sortir des représentations et du débat politicien qui fait couler tant d’encre. Ici, ce n’est plus le journaliste qui s’engage sur les pas de l’écrivain, mais l’auteur qui prend pied dans la glaise de la politique de l’immigration pour confronter ses pratiques à la grande histoire de l’humanité, aux mythes. La spécialiste d’auteurs antiques va dans les TGI. Elle écoute la juge répéter invariablement les mêmes questions aux sans papiers de Marrakech ou de Sao Paolo et tirer les mêmes conclusions. « Mais comment font-ils les autres… » L’auteur s’intéresse aux histoires de ses anonymes qui défilent à la chaîne en quête de subsistance, déplacés de pays en pays pour finir dans un centre de rétention administrative, un charter où un asile psychiatrique. Il cherche le réel, veut donner à chacun une stature un peu plus épaisse.

Il faudrait donner un nom à chacune de ces personnes, rétablir la chaîne des responsabilités. Trouver les noms de chacun des membres des escortes, des pilotes d’avion, des médecins qui établissent des certificats médicaux, des gendarmes qui donnent le signal à l’avion de décoller. Etablir une sorte de tableau des responsabilités, un tableau de listes des tâches qui mènent à ce que des enfants soient emportés et que des parents s’évanouissent au seuil de l’embarquement. »

A l’heure où la justice ne s’interroge plus sur ses fins, Marie Cosnay, livre un regard salutaire face à la fosse commune de nos indifférences.

JMDH

y Comment on expulse, éditions du croquant, 14 euros.

L’essai Comment on expulse de Marie Cosnay renvoie, dans une perspective différente, au documentaire de Stéphane Bonnefoi (voir ci-contre) dans la volonté d’aller chercher la matière où elle se trouve. Ce livre participe aux souhaits de sortir des représentations et du débat politicien qui fait couler tant d’encre. Ici, ce n’est plus le journaliste qui s’engage sur les pas de l’écrivain, mais l’auteur qui prend pied dans la glaise de la politique de l’immigration pour confronter ses pratiques à la grande histoire de l’humanité, aux mythes. La spécialiste d’auteurs antiques va dans les TGI. Elle écoute la juge répéter invariablement les mêmes questions aux sans papiers de Marrakech ou de Sao Paolo et tirer les mêmes conclusions. « Mais comment font-ils les autres… » L’auteur s’intéresse aux histoires de ses anonymes qui défilent à la chaîne en quête de subsistance, déplacés de pays en pays pour finir dans un centre de rétention administrative, un charter où un asile psychiatrique. Il cherche le réel, veut donner à chacun une stature un peu plus épaisse.

« Il faudrait donner un nom à chacune de ces personnes, rétablir la chaîne des responsabilités. Trouver les noms de chacun des membres des escortes, des pilotes d’avion, des médecins qui établissent des certificats médicaux, des gendarmes qui donnent le signal à l’avion de décoller. Etablir une sorte de tableau des responsabilités, un tableau de listes des tâches qui mènent à ce que des enfants soient emportés et que des parents s’évanouissent au seuil de l’embarquement. A l’heure où la justice ne s’interroge plus sur ses fins, Marie Cosnay, livre un regard salutaire face à la fosse commune de nos indifférences.
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y Comment on expulse, éditions du croquant, 14 euros.