Foucault esthétique de l’existence et résistance

foucault09Paul Veyne, l’ami historien du philosophe controversé Michel Foucault, décide d’en dresser le portrait dans son dernier livre « Foucault sa pensée, sa personne ». Dès les premières lignes, il remet les pendules à l’heure. Non, Foucault n’était pas un structuraliste, pas plus qu’un soixante-huitard.

Veyne décrit l’homme sceptique, jusqu’à douter de la véracité et de l’avenir de sa propre entreprise, et qualifie sa pensée d’anthropologie empirique dont  l’originalité est de se fonder sur la critique historique.

«  Il vaut mieux partir du détail des pratiques, de ce qui se faisait et se disait, et faire l’effort intellectuel d’en expliciter le discours ; c’est plus fécond que de partir d’une idée générale et bien connue, car on risque alors  de s’en tenir à cette idée, sans apercevoir les différences ultimes et décisives qui la réduirait à néant. » Foucault, nous apprend Paul Veyne, espérait voir l’école historique française s’ouvrir à ses idées. Mais les historiens n’étaient guère disposés à changer de grille méthodologique pour s’aventurer sur la problématique du discours ou celle d’une histoire de la vérité.

A propos du discours, l’auteur de L’histoire de la folie, souligne comment le discours de la déraison met en jeu tout un dispositif : « un ensemble résolument hétérogène, comportant des discours, des institutions, des aménagements architecturaux, des décisions réglementaires, des lois, des mesures administratives, des énoncés scientifiques, des propositions philosophiques, morales, bref : du dit aussi bien que du non dit. » Il semble  que cette observation qui portait sur le XVIIe siècle n’ait guère évolué s’il nous vient à l’esprit de la  transposer par exemple sur la délinquance sexuelle.

En revenant sur les trois vocables savoir, pouvoir, vérité, qui ont frappé les lecteurs de Foucault, le livre de Paul Veyne offre un regard éclairé sur la vie du philosophe et nous replonge dans son œuvre. Une invitation  à contester les réalités toutes faites qui nous accablent.

Foucault sa pensée, sa personne, éd Albin Michel, 16 euros

Les fourberies de Sarko

Nous y voilà une fois encore. Tous les dix ans, ça recommence, mais cette fois, on atteint des sommets. On n’a jamais autant fouillé dans les ruines de 68 depuis que le président a déclaré qu’il fallait en finir avec ça. On résiste, du moins on s’en donne l’air. Mais l’homme est habile. C’est un peu comme avec les Grenelle qui  tuent le Grenelle… Remarquez que sur les grands accords, le président est resté fidèle à l’esprit politique. Dont l’un des objets, partagé par la gauche et les syndicats, était de remettre tout le monde au boulot en restaurant l’autorité vacillante.

Relégitimer l’institution, plutôt que d’accompagner le passage vers une autre organisation de la société. Empêcher les étudiants et les travailleurs de rester maîtres de leur mouvement. C’est la première mort de 68.

Depuis quarante ans, les derniers soubresauts du renouveau soixante-huitard ont largement été achevés par la gauche. Il suffit de se référer au nouveaux espoirs du PS en combat pour savoir qui sera le plus libéral, pour le comprendre. Après le bide du pouvoir d’achat, le génie de Sarkozy est d’avoir su trouver un objectif atteignable en ces temps si difficile. N’est ce pas une merveille d’ingéniosité que de vouloir définitivement terminer ce qui n’existe déjà plus ?

A la génération 68 a succédé la génération sida. Prônant une alliance entre les deux rives de la Méditerranée, elle s’est faite entendre l’année dernière en signant un manifeste appelant les sociétés civiles à travailler ensemble à la conquête de nouveaux droits. Mais cette autre vision de la rupture serait beaucoup plus crédible si elle ne comptait pas des signatures comme celle de Cohn-Bendit, de Jack Lang ou de l’actuel directeur général du FMI.

La vraie invention collective viendra peut-être de la génération anti-CPE. Qui a su ouvrir un cycle de protestation soutenu et prolongé en mobilisant leur famille. Espérons qu’elle saura trouver sa place en gardant des distances avec ses aînés politiques à bout de souffle.

Jean-Marie Dinh