Rénové et uni, le PS face à l’écueil des primaires

martine-aubry_34Quand, le 25 novembre 2008, Martine Aubry prit les rênes d’un Parti socialiste en pleine crise existentielle, elle n’avait pas fait de la rénovation du vieux « parti d’Epinay », refondé par François Mitterrand en 1971, sa priorité. Cet objectif était porté par sa rivale, Ségolène Royal. Toute l’intelligence politique de la maire de Lille a été de comprendre que si elle voulait être l’artisan d’un « nouvel Epinay », elle devait se saisir de cette rénovation au point de l’incarner.

Avec persévérance et détermination, Mme Aubry a surmonté les résistances de ses propres amis et a conduit le chantier à son terme. La convention nationale du PS, réunie le 3 juillet à Paris, va graver dans ses statuts d’importantes innovations : des « primaires populaires », à l’automne 2011, pour désigner le (la) candidat(e) à l’élection présidentielle de 2012, le non-cumul des mandats, qui sera mis en oeuvre « à chaque renouvellement parlementaire « , la « parité intégrale » et la diversité dans toutes les instances. Le PS inaugure une nouvelle pratique de la politique qui mérite d’être saluée.

Il est toutefois regrettable que cette rénovation n’ait pas suscité d’élan chez les militants du PS. Le 1er octobre 2009, moins d’un adhérent sur deux avait participé au référendum organisé par Mme Aubry. Le 24 juin, seuls 34,16 % des 167 162 socialistes inscrits se sont déplacés pour voter sur le projet de rénovation, approuvé à 77 %. Comme si la rénovation, pourtant si nécessaire, était plus affaire de raison que d’enthousiasme.

Le plus difficile pour le PS sera de conjuguer l’exemplarité démocratique qu’il revendique avec la réalité. Il en est ainsi des « primaires populaires », ce « talisman de la victoire », selon leur concepteur, Arnaud Montebourg. Elles seront ouvertes à tous les électeurs qui s’engageront à « soutenir les valeurs de la gauche », moyennant une obole de 1 euro, soit un corps électoral potentiel de plusieurs millions de citoyens.

Indépendamment du risque de voir des électeurs de droite se glisser dans le scrutin, il y a déjà deux écueils. Au départ, l’idée était d’ouvrir les primaires aux « formations de gauche qui le souhaitent ». Si Daniel Cohn-Bendit est tenté de participer, les Verts y sont hostiles. Jean-Pierre Chevènement a déclaré forfait et songe à se présenter… Les radicaux de gauche se tiennent aussi à l’écart.

Mme Aubry a évoqué elle-même le second écueil, ironisant sur ceux qui craignent que l’unité du PS soit « en train de tuer dans l’oeuf les primaires ». Non, dit-elle, il y aura une « pluralité de candidatures ». Mais elle n’affrontera pas Dominique Strauss-Kahn, s’il se décide, et vice-versa. A son tour, Mme Royal exclut de se présenter contre Mme Aubry et contre « DSK ». François Hollande et les autres candidats s’opposent à tout ce qui pourrait ressembler à un « pacte » préalable.

On sera d’autant plus loin d’une primaire à l’américaine, où deux lignes s’affrontent, que le projet présidentiel du PS sera adopté avant, au printemps 2011. Un PS uni, à la différence de 2007, c’est un atout. Mais il ne faudrait pas que des jeux d’appareil réduisent la portée d’un exercice démocratique aussi novateur.

Le Monde 03/07/10