Cy Twombly tire un trait

Le rejet de la maîtrise comme une constance

Le peintre américain, figure de la New York School, est mort hier à 83 ans.

Sans trop y croire, on avait caressé l’espoir de le rencontrer à Avignon cet été. On attendait la réponse à notre demande d’un très improbable entretien. On est désormais fixés : Cy Twombly est mort hier dans un hôpital romain, des suites d’un cancer. Il avait 83 ans. C’est Eric Mézil, le directeur de la collection Lambert qui l’a annoncé, deux semaines après l’ouverture de l’exposition singulière qu’ils ont conçue ensemble et qui, pour la première fois, dévoile les photos prises depuis plus de cinquante ans par cet immense artiste américain.

Né Edwin Parker Twombly en 1928 à Lexington (Virginie) et vite appelé Cy, comme son père (un ancien champion de base-ball), Twombly a traversé dans ses grandes largeurs la deuxième moitié de l’art du XXe siècle. C’est à Rome que tout ou presque a également commencé pour lui. Mais Rome en Géorgie où il a fréquenté la Darlington School après s’être initié, enfant, au dessin. C’est surtout au tout début des années 50, au mythique Black Mountain College, près d’Asheville (Caroline du Nord) que tout s’est précipité avec la rencontre d’autres artistes majeurs de sa génération, devenus ses amis : Robert Rauschenberg, Franz Kline, Robert Motherwell mais aussi le musicien John Cage ou le chorégraphe Merce Cunningham.

Après un service militaire passé à découvrir et exercer la cryptologie, ce qui marquera à jamais son rapport à la graphie, dans une quête incessante à mixer dessin et peinture, Twombly s’installe à New York où, en compagnie de son coloc d’atelier Rauschenberg, mais aussi de Jasper Johns, il participe à l’inflexion d’un mouvement artistique déjà bien amorcé et connu sous le nom de New York School, en y introduisant notamment avec ses sculptures faites d’objets de récupération une attention marquée pour le primitivisme. Habité tout autant par la culture classique, il choisit, alors qu’il n’a pas encore 30 ans, de quitter cette scène new-yorkaise pour s’installer entre Rome et Naples, à Gaeta où il aura vécu jusqu’à la fin, construisant une œuvre monumentale au fil de grands cycles et consacrée par tous les grands musées du monde. Depuis qu’il avait exposé ses gigantesques pivoines en 2007 à la collection Lambert d’Avignon, il rêvait d’y revenir. Comme artiste, explique Eric Mézil, mais aussi comme commissaire mixant, tel un DJ, les œuvres d’autres – Sol LeWitt, Diane Arbus, Cindy Sherman, Ed Ruscha en l’espèce pour cette exposition «le Temps retrouvé» qui durera jusqu’au 30 octobre.

Au même moment, au Sud de Londres, à la Dulwich Gallery, Twombly livre son dernier combat. Ses œuvres monumentales, par exemple Hero and Leandro, de 1985, inspirée d’un poème de Marlowe, se confrontent à celles d’un héros de jeunesse de l’artiste, Nicolas Poussin. La preuve que l’art abstrait sait aussi raconter des histoires. Celle de Twombly s’est achevée d’un simple point noir, hier à Rome.

Sylvain Bourmeau (Libération)

 

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La renaissance d’un Poussin

Vénus et Adonis pour la première fois unis dans un même cadre

Après l’exposition Poussin et la nature qui s’est close en mai au Metropolitan Museum de New-York, le Musée Fabre présente pour la première fois en France, l’œuvre reconstituée de Nicolas Poussin (1594-1665) Vénus et Adonis. La réunion de ces deux toiles fait du bruit dans le landernau des amoureux de l’école française. L’histoire insolite, mais pas exceptionnelle chez les coquins qui font de l’art un commerce, veut que dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, un marchand d’art peu scrupuleux ait profité du format étendu de l’œuvre pour couper le tableau en deux et en tirer double bénéfice.

Selon les précisions fournies par le directeur du Musée Fabre, Michel Hilaire, lorsque François Xavier Fabre, qui jouissait pourtant de l’étendue de ses relations dans le monde des arts, se porte acquéreur de Vénus et Adonis (la partie droite de l’œuvre), il ne connaît pas l’existence du morceau manquant. Il en serait de même pour la galeriste new-yorkaise Patti Cadby Birch ayant acquis l’autre moitié de la toile. Le manque de cohérence de la partie gauche rebaptisée « Paysage au Dieu-fleuve » laisse cependant assez septique sur cette version des faits. Ce n’est que depuis 1979 qu’un marchand anglais a fourni la clé du mystère en associant les deux morceaux comme une seule et même œuvre. Les deux fragments qui viennent d’être présentés à New York ont fait événement. Michel Hilaire qui les rassemble à Montpellier pour la première fois sous un cadre commun, espère bien convaincre le propriétaire et quelques mécènes de l’intérêt d’une union définitive. Il n’y a visiblement plus de doute sur l’intention, reste la question du prix… L’enjeu de cette omelette est d’autant plus de taille que sur les 15 tableaux de Poussin que disait léguer François Xavier Fabre dans la donation qu’il fit au musée en 1825, seuls deux sont à présent considérés comme authentiques, ou plutôt, un et demi.


Vénus et Adonis, l’œuvre reconstituée