«Panama Papers» : la France se réjouit à bon compte

Francois Hollande et le ministre des Finances Michel Sapin, le 22 janvier 2016, à l'Elysée. Photo Jacques Demarthon. AFP

Francois Hollande et le ministre des Finances Michel Sapin, le 22 janvier 2016, à l’Elysée. Photo Jacques Demarthon. AFP

François Hollande a promis des sanctions pour les fraudeurs et réitéré sa volonté de protéger les lanceurs d’alerte. Façon de faire oublier que le gouvernement n’est plus à la pointe du combat en matière de lutte contre l’évasion fiscale.

Un millier de Français pris dans les rets du nouveau et vaste scandale d’évasion fiscale, voilà qui ne pouvait pas laisser l’exécutif indifférent. François Hollande, qui avait fait de la «République exemplaire» un marqueur de sa campagne, n’a d’ailleurs laissé planer aucun doute sur ses intentions vis-à-vis des fraudeurs avérés. «Je peux vous assurer qu’à mesure que les informations seront connues, toutes les enquêtes seront diligentées, toutes les procédures seront instruites et les procès auront éventuellement lieu», a insisté le chef de l’Etat. Et de se féliciter de ces révélations, synonymes de futures «nouvelles rentrées fiscales» pour l’Etat.

 Une manne inespérée

C’est un fait. Depuis l’éclatement en 2012 du scandale UBS, banque suisse convaincue d’abriter des comptes bancaires non déclarés en pagaille, les autorités françaises ont durci le ton. En juin 2014, la signature d’une révision de la convention franco-suisse contre la double imposition a ainsi facilité le travail d’enquête du fisc français sur toutes les opérations à compter du 1er janvier 2010. De quoi semer la panique chez les contribuables indélicats et initier un ample mouvement de rapatriement de fonds. D’autant qu’une circulaire de 2013 permet de régulariser sans poursuite pénale les rapatriements volontaires. A la clé, une manne inespérée pour les finances publiques. En 2016, le rapatriement des avoirs détenus par des Français à l’étranger devrait ainsi rapporter 2,4 milliards d’euros à l’Etat, après 2,65 milliards d’euros en 2015 et 1,9 milliard d’euros en 2014… On comprend mieux que François Hollande qualifie de «bonne nouvelle» le scandale panaméen, adressant au passage ses «remerciements» aux lanceurs d’alerte. Un geste élyséen qui ne va pas sans arrière-pensée. Pour le chef de l’Etat, c’était en effet l’occasion de rappeler qu’en la matière le gouvernement ne se payait pas de mots : la loi Sapin sur la lutte anticorruption présenté fin mars en conseil des ministres organise en effet une meilleure protection de ces «lanceurs d’alerte».

Toutefois, la France pratique en la matière le deux poids, deux mesures. Inflexible avec les écarts des particuliers, elle semble beaucoup plus accommodante avec ceux des grandes entreprises. Fin 2014, le scandale LuxLeaks avait pourtant révélé l’importance du dumping fiscal pratiqué par certains membres de l’UE, à commencer par le Luxembourg, au détriment de ses voisins. En toute impunité, faute de transparence sur l’importance et la localisation des profits des entreprises, pays par pays.

Clair-obscur

Première à avoir réclamé et mis en œuvre la transparence sur la localisation des profits des banques, la France s’est cette fois faite discrète. Ainsi, le gouvernement ne s’est pas montré très allant sur l’extension de la mesure aux sociétés non financières, comme sur son approfondissement, refusant, par exemple, la transparence totale sur la localisation des profits pays par pays. Pour Bercy, pas question de prendre une initiative isolée risquant de porter atteinte à la compétitivité des entreprises françaises. «A moins d’une réciprocité très large, la publication de telles informations pourraient mettre nos sociétés en difficulté vis-à-vis de leurs concurrentes», avait ainsi fait valoir mi-décembre le ministre des Finances, Michel Sapin.

Les avancées, quand il y en a, se négocient donc désormais au niveau international ou européen. C’est notamment le cas du projet de directive, inspiré par l’OCDE, et présenté fin janvier par le commissaire européen Pierre Moscovici. Toutefois, même une fois votée, cette directive n’instaure de transparence sur les données des grandes entreprises qu’entre administrations fiscales des membres de l’Union. Un clair-obscur qui pourrait autoriser encore pas mal de dérives.

Nathalie Raulin

Source Libération 04/04/2016

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