Electra de Richard Strauss : Une vision barbare de la Grèce antique

Opéra de Montpellier Electra: le désir d'aller à l'essentiel. Photo Marc Ginot

Lyrique. Electra de Richard Strauss sera donnée vendredi à 20h et dimanche à 15h à l’Opéra Berlioz.

C’est l’opéra le plus attendu de la saison de Montpellier, Electra de Richard Strauss (1864-1949). La tragédie en un acte créée à Dresde le 25 janvier 1909, sera donnée vendredi sous la direction de Michaël Schowand, dans une mise en scène de Jean-Yves Courrègelongue.

La personnalité de Richard Strauss et la place qu’on lui attribue dans l’histoire de la musique  restent sujettes à caution. Le compositeur munichois a vécu toute sa vie dans cette région conservatrice de l’Allemagne. Lorsque les nazis s’emparent du pouvoir, il accepte de diriger « La Chambre de musique du Reich », mais il ne partage pas l’idéologie raciste du régime. Il exige par exemple, que le nom de Stefan Zweig, qui est de confession juive,  reste sur l’affiche de La Femme silencieuse. Au début du XXe, à l’heure où beaucoup de compositeurs s’affirment par la rupture avec le post-romantique, Richard Strauss demeure dans la continuité de l’art allemand wagnérien. Son œuvre se teinte cependant fortement de la pensée nietzschéenne.

C’est avec Electra que Strauss commence une féconde collaboration avec Hugo von Hoffmannsthal. L’écrivain viennois réadapte la pièce de Sophocle en resserrant l’action entre les deux sœurs et la mère et en accentuant l’aspect tragique et sombre. On quitte la Grèce d’Apollon pour rejoindre celle de Dionysos, porteuse de mort, de menace et de destruction. Richard Strauss compose une version musicale plus expressionniste, sans la dimension sensuelle de Salomé. La musique semble épouser les méandres de la psyché humaine. L’acte unique répond au désir d’aller à l’essentiel. L’élimination de tout superflu, de tout ornement, privilégie, l’intériorisation des conflits et la recherche de l’expression violente du moi en crise.

JMDH

Avec Janice Baird (Elektra), Jadwiga Rappe (Clytemnestre) Edith Haller (Chrysothémis), les Choeurs de l’Opéra National de Montpellier L-R et l’Orchestre national Montpellier L.R. Resa : 04 67 601 999.

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Festival de Radio France : Au carrefour du cinéma et de la littérature, le cas Herrmann

Herrmann : un certain goût pour la dissonance

Dans le cadre de ses soirées, le Festival de Radio France propose ce soir au Corum la version concert des Hauts de Hurlevent. Un opéra en quatre actes composé entre 1943 et 1951 par Bernard Herrmann. Si le patronyme de ce compositeur américain est assez méconnu (1911-1975) tout le monde connaît en revanche sa musique. Il est l’auteur d’une cinquantaine de musiques de films célèbres. Introduit à Hollywood par Orson Welles avec lequel il travaille sur Citizen Kane, il se lie avec Hitchcock avec qui il entreprend une collaboration longue et fructueuse.

psychoseCelle-ci débute en 1955 avec La main au collet et se poursuivra durant neuf films, dont L’homme qui en savait trop, Vertigo, et l’inoubliable partition de La Mort aux trousses (1959) où les images du maître du suspens viennent littéralement se baigner dans les nappes musicales du compositeur. Dans Psychose (1960), le couple Hitchcock /Herrmann tente un nouveau pari en réalisant un film où la moitié de la bobine ne comporte pas un seul dialogue, uniquement de la musique. La carrière cinématographique du compositeur s’émaille de collaborations prestigieuses avec François Truffaut, pour qui il compose la musique de Fahreinheit 51, et de La mariée était en noir. Et plus tard avec Brian de Palma Obsession, et Scorsese Taxi Driver.

Fils aîné d’une famille d’origine russe juive émigrée aux Etats-Unis, Bernard Herrmann reçoit dès son plus jeune âge une sérieuse éducation musicale. Il s’illustre très tôt pour son talent de compositeur qu’il forge notamment à travers l’étude minutieuse du Grand traité d’instrumentation et d’orchestration modernes d’Hector Berlioz. Un compositeur dont on retrouve les fondements de l’harmonie teintée des dissonances qui caractérisent l’écriture de Herrmann.

Les Hauts de Hurlevent, est le seul opéra du compositeur. Achevé en 1951 d’après le roman de la poétesse britannique Emily Brontë. L’auteur réputé pour son âme farouche inscrit les personnages de son unique roman dans une grande maison secouée par les vents. Ceux-ci sont animés d’une perversité, d’une pauvreté d’esprit et d’une violence inouïes. Un des héros, Heathcliff va jusqu’à défaire le cercueil de sa Catherine aimée pour mieux l’enlacer, ce qui témoigne de la puissance de ses sentiments mais relève aussi d’une certaine morbidité. Une atmosphère qui avait tout pour inspirer Bernard Herrmann.

L’ouvrage ne fut monté à la scène que le 6 novembre 1982 (à Portland, Oregon). Après le prologue, l’opéra se déroule en flash-back. Il ne correspond qu’à la première partie du roman, se concentrant sur l’histoire d’amour romantique de Cathy et Heathcliff, mais la poignante conclusion de l’original est préservée. Les Hauts de Hurlevent est orchestré de façon dramatique, avec plusieurs thèmes musicaux provenant des musiques de films de l’auteur. De quoi se glacer le sang après la canicule !

Jean-Marie Dinh

Les Hauts de Hurlevent le 14 07 10 au Corum . Orchestre National de Montpellier, direction Alain Altinoglu, avec  Catherine Earnshaw (soprano) Boaz Daniel (baryton)