Gleizes et Metzinger : Approfondir le cubisme au Musée Fleury

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Peinture. Le Musée de Lodève consacre son exposition d’été à deux figures marquantes du mouvement : Gleizes et Metzinger. Du 22 juin au 3 novembre.

Le cubisme s’expose sous tous les angles au Musée de Lodève jusqu’au 3 novembre. Entre 1907 et 1914, ce mouvement bouleverse la notion de représentation. Il renvoie généralement à Picasso et à Braque : « Mais ce que retient l’histoire de l’art et ici lié au cé- lébre marchant Kahnweiler qui avait signé un contrat d’exclusivité avec ces deux artistes, précise la conservatrice du Musée Fleury, Ivonne Papin-Drastik, la notoriété de Gleizes et Metzinger en a un peu pâti alors que ces deux peintres dont nous présentons 80 oeuvres
jouèrent un rôle prépondérant dans la propagation du cubisme. » L’exposition de Lodève retrace les trois périodes clés des deux artistes. Leurs premiers pas dans le cubisme à travers un choix des œuvres réalisées avant 1911. Les deux artistes qui ont des parcours forts différents se rencontrent en 1910, date à partir de laquelle ils ne cesseront de confronter leur travaux.

La seconde partie de l’expo rend compte de la diversité du cubisme. Après la formation du groupe de Puteaux qui fédère les artistes autours des frères Duchamps (Raymond et Marcel), Metzinger développe les préoccupations psychologiques liées au cubisme qui s’exprime par l’interpénétration et la transparence des êtres et des choses. De cette confrontation naîtra l’exposition de la Section d’Or. Gleizes et Metzinger qui en sont les chefs de file publieront leur traité sur le cubisme en 1912. Ce manifeste a été suivi en 1913 par les Peintres cubistes dont l’exposition donne un aperçu. Une collection de réflexions et de commentaires de Guillaume Apollinaire montre l’attention qu’il portait à Metzinger, Gleizes, comme à Delaunay, Picabia et Duchamp.

La troisième section de l’expo s’attache à la trajectoire des deux artistes après 1914. Durant l’Entre deux-guerres, les deux artistes suivent le mouvement général qui se traduit par une forme de retour à l’ordre. Gleizes dont les influences pré-cubistes tendaient vers l’impressionnisme évolue vers l’abstraction tandis que Metzinger plus influencé par le fau- visme se réorientera vers la figuration.

JMDH

Source : L’Hérault du Jour 22/05/2013

Voir aussi : Rubrique Expositions, rubrique Art,

Le peintre de la grâce intimiste à Lodève

Jour d'hiver

L’œuvre du Français Pierre Bonnard est visible jusqu’au 1er novembre au Musée de Lodève, qui consacre une exposition à ce peintre de l’intérieur intitulée Bonnard guetteur sensible du quotidien. « A partir de tableaux provenant de plusieurs musées et collections particulières, j’ai voulu livrer l’ensemble des sujets traités par Bonnard, explique le commissaire général Maïthé Vallès-Bled. Les paysages, natures mortes, personnages, et bouquets présentés dans l’exposition offrent un regard d’ensemble sur l’itinéraire singulier de cet artiste dont le travail est une célébration ininterrompue de la peinture. »

Esthétique Nabis

Issu d’une famille aisée de la bourgeoisie, le jeune Bonnard se destine à la carrière administrative avant d’être happé par la peinture. Bonnard est rapidement converti par Serusier, le catalyseur du mouvement Nabis qui se débarrasse des contraintes imitatives avec Gauguin pour s’engager sur les voies de la modernité. Les Nabis émergent en 1888, constitués d’un groupe d’individualités disparates dont Bonnard, Vuillard, Verkade, Serusier…. Adeptes des saveurs et de la sensation primitive, ils souhaitent retrouver les sources pures de l’art en s’échappant du modelage et de la perspective enseigné depuis le XVIe italien. Leur théoricien  Maurice Denis, est l’auteur de la phrase connue : « Le tableau avant d’être un cheval de bataille, une femme nue ou une quelconque anecdote, est essentiellement une surface plane recouverte de couleurs et un certain ordre assemblé. »

Miroirs complexes

Cette idée que la peinture est une interprétation de la nature, par le choix et la synthèse opérés par l’artiste, est un fil conducteur dans l’œuvre de Bonnard même si celui-ci s’éloigne du mouvement Nabis au début du XXe siècle. L’artiste participe au mouvement qui tente de lever les barrières entre art décoratif et la peinture de chevalet. C’est un contemporain du peintre tchèque Mucha que l’on peut découvrir actuellement au Musée Fabre de Montpellier. Dans la deuxième partie de son œuvre, Bonnard réintroduit la perspective et la profondeur à travers un système de reflets et de miroirs complexes plein d’ingéniosité. La totalité de son œuvre est empreinte d’une grande élégance.

Pierre Bonnard : Jour d’Hiver, 1905, Musée Calvet, Avignon

DR

« Il ne s’agit pas de peindre la vie, il s’agit de rendre la peinture vivante… »

En trompant la torpeur de l’été ou en prolongeant la féerie des couleurs d’automne, les amateurs de peinture trouveront refuge au Musée Fleury pour découvrir le parcours d’un peintre (1867-1947) sensitif et sensoriel.

Nu aux babouches rouges

Nu aux babouches rouges

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La visite de l’exposition qui rassemble près de soixante-dix- œuvres se ponctue de citations de l’artiste qui donnent des clés sur l’état d’esprit du peintre. « Il ne s’agit pas de peindre la vie, il s’agit de rendre vivante la peinture » lit-on sur l’un des murs. Bonnard semble parfois saisir les personnages de son entourage en tant que sujets, pour les confronter à sa recherche picturale. Ici, sa grand- mère s’incruste comme le temps dans son intérieur, face à la cage du serin témoignant du regard patient de l’artiste. Là, les vignerons autour du pressoir semblent écrasés par le lourd labeur de la journée. Le bas de leur corps a déjà disparu dans la masse boueuse (Le Pressoir 1893).

Le visiteur découvre plusieurs représentations de Marthe, la femme de l’artiste qui fut durant toute sa vie un sujet de prédilection et d’inspiration infini. On la voit (Nu couché au bras levé 1898), se lovant dans l’écume des draps du lit, le corps en suspension et l’expression du ravissement enfantin inscrit sur le visage. On la retrouve parmi les couleurs surgissant de son jardin. Dans des scènes intérieures (Femme nu à la lampes, 1900) où la peinture s’empare de son corps par les jeux de lumière. Une lumière qui introduit la couleur avec l’aplat sur la poitrine et saisit l’espace dans une dimension presque religieuse. Une lumière qui dévore la verticalité tandis que l’expression de contentement sur le visage reste dans l’ombre, et s’efface dans la tapisserie. Plusieurs tableaux rendent compte de l’intimité féminine dans le décor aquatique si cher à Bonnard que peut être la salle de bain. D’autres scènes d’intérieur évoquent les rêverie de la vie et notamment le regard sur ce qui se passe dehors.

Dans la première partie de l’exposition, les quelques toiles présentant des aspects de la vie de Paris, démontre l’intérêt que l’artiste portait à la décoration. Le peintre saisissait les scènes dans l’immédiateté, notant dans son agenda le temps météorologique pour retrouver la gamme chromatique. Il restituait ces instants de vie à travers un travail de mémoire, mettant en œuvre le souvenir revu et corrigé par les pensées qui le traversaient. Cette mise à distance lui permettait de laisser libre court à la liberté, la fantaisie, la mélancolie et la grande subtilité qui caractérise son œuvre.

Peintre sensualiste Bonnard s’est abandonné aux certitudes fugitives. Mais il est aussi un peintre verlainien soumis au subtilité de la lumière.

Jean-Marie Dinh

Voir aussi : Rubrique Livre, rubrique Littérature française, rubrique Exposition, De Gauguin au Nabis,