L’oiseau vert. Pelly met en scène un rêve de théâtre

Le monde merveilleux et parfois cruel du théâtre de Gozzi. Photo dr

Le monde merveilleux et parfois cruel du théâtre de Gozzi. Photo dr

Printemps des Comédiens. L’oiseau vert, magnifié par le travail onirique du directeur du TNT, la pièce de Carlo Gozzi s’installe pour trois jours dans l’Amphithéâtre d’O.

Laurent Pelly ouvre, comme il aime à le faire, grandes les portes de la fantaisie en signant la mise en scène de L’oiseau vert de Carlo Gozzi. Ce spectacle, créé au TNT il y a quelques mois, emporte par sa magie, sa bonne humeur, et la qualité de l’interprétation, tous les publics, des amoureux du conte aux mordus de théâtre. C’est aussi une bonne occasion de découvrir le méconnu Carlo Gozzi dont Pelly se réapproprie, avec le goût pour la machinerie qu’on lui connaît, l’univers multiforme, tout en gardant le regard mordant.

Contemporain de Goldoni avec qui il aura quelques différents sérieux, Carlo Gozzi (1720-1806) est le sixième enfant d’une famille aristocratique vénitienne endettée. Après trois ans d’armée, à son retour Dalmatie, il est reconnu pour ses pièces satiriques. Carlo Gozzi souscrit aux principes de la convivialité et aux mots d’esprit, comme à la défense de la langue pour préserver la littérature toscane des influences étrangères.

Alors que la commedia del l’arte décline, l’heure est à la recherche d’un renouveau théâtral. Tandis que l’abbé Chiari, que Molière insupporte, se pique pour la comédie larmoyante, Goldoni s’adonne au réalisme. Pour faire face à cette concurrence tenace, Gozzi imagine de porter à la scène les contes féeriques tirés de vieux recueils populaires.

La force satirique de L’Amour des Trois oranges en 1761 lui apporte le succès. Encouragé par l’effet qu’a produit sur le public l’introduction du surnaturel, Gozzi creuse le sillon avec une série de neuf fables. Quatre ans plus tard, il triomphe avec la représentation de L’oiseau vert. Pièce fantaisiste et conte philosophique qui ouvre un espace pour le théâtre dans lequel tout peut arriver.

Des pommes chantent, de l’eau danse, des jumeaux pauvres sont métamorphosés, un palais apparaît parce qu’ils ont jeté une pierre magique, des statues parlent et deviennent humaines, une femme croupit sous un évier… Et pourtant tout se tient grâce à la magie traditionnelle du théâtre auquel le metteur en scène rend un hommage formel et coloré.

On prend plaisir au texte et au jeu d’acteurs proche de l’improvisation. Cette première collaboration artistique entre le Printemps des Comédiens et le TNT Midi Pyrénées co-dirigée par Laurent Pelly nous amène un oiseau de bon augure.

JMDH

L’Oiseau vert Amphithéâtre d’O du 12 au 14 juin à 22h

Source La Marseillaise 11/06/2015

Voir aussi ;  Rubrique Théâtre, rubrique Festival Italie, Littérature italienne,

Le Banquet d’Auteuil : Entre mythes et débauche créative

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C’est à un vrai banquet auquel nous convie Jean-Marie Besset avec sa dernière création mise en chantier actuellement au Treize Vents avec la complicité de Gilbert Désveaux et de Régis de Martrin-Donos. Le Banquet d’Auteuil, écrit par l’ex et controversé directeur du CDN de Montpellier, s’attache à révéler la face libertine de Molière.

On connaissait Jean-Baptiste Poquelin pour sa liberté de pensée et son athéisme qui lui valurent quelques déboires avec Tartuffe mais l’idée d’un Molière en vertueux disciple de l’épicurien Gassendi et fervant pratiquant du libertinage est moins répandue. La pièce donne ainsi matière à pousser notre réflexion sur le rapport entre Dom Juan et son auteur.

Le Banquet d’Auteuil est le lieu qui sanctionne le rang de ces illustres et turbulents convives parmi lesquels se retrouvent Chapelle, Dassoucy, Lully… artistes réputés aux moeurs très libérés.

Au cours du banquet s’instaure un cérémonial guidé avec panache par le spectre de Cyrano. Après avoir orchestré quelques truculentes animations, l’ancien libertin tentera de tromper sa solitude. Le jeu d’acteur se déploie avec une belle énergie ordonnant hiérarchiquement et rhétoriquement l’état social des convives, comme les manières et postures de l’époque.

Besset puise dans l’histoire avec une érudite précision mais il s’accorde la liberté du langage et celle de dépeindre les moeurs de son temps. Son goût pour la provocation s’exerce avec jubilation sans peur de malmener les références sacrées.

Après les quelques secousses du démarrage, un jeu de miroir se met en place qui bouscule nos représentations. On découvre que l’invention dramatique de Molière s’appuyait sur des inventions narratives originales dont la pièce nous dévoile quelques secrets.

JMDH

Source L’hérault du jour 17/01/2014

Voir aussi : Rubrique Théâtre,

Printemps des Comédiens : Une orageuse réussite !

bedos2C’était l’heure du bilan, avant que le Printemps des Comédiens ne referme sa boîte à images. Face aux journalistes, Daniel Bedos ne s’enfonce pas dans la mousse des commentaires.  » Quelqu’un de vous a écrit que nous faisons un festival pour les riches. C’est une évidence, indique le directeur du festival qui prêche souvent une chose pour dire son contraire, ce sont les riches et les bobos qui font le public. Notre particularité est justement de le déborder un peu en concernant une partie de la population qui ne constitue pas le public culturel habituel.« 

La 24 édition proposait cette année 21 spectacles et pas moins de 79 soirées. Le taux de remplissage est estimé à 82 % soit 45 000 spectateurs.  » C’est une édition pleine de culture des autres, d’inattendu et de propositions rares. Avec des choses réussies et d’autres moins appréciées. On n’est pas obligés de faire l’unanimité« , rappelle Daniel Bedos.

La programmation artistique empruntait cette année ses couleurs à la culture tsigane, avec la Route du même nom rythmant la tranche du 18h-20h. L’hommage à Django Reinhardt et à l’été, rendu par Tony Gatlif avec Didier Lockwood, a rempli de joie vive l’amphithéâtre tout comme Le Cirque Romanès, plus modestement. On retiendra la performance imaginative du nouveau cirque du Vietnam saisissant d’un même élan la modernité et la puissance des origines. Ailleurs, mais quelque part aux mêmes sources de la richesse interculturelle, il faut citer la rencontre remarquable de deux auteurs d’exception, Sade et Mishima, dans une mise en scène très aboutie de Jacques Vincey, avec Madame de Sade, et encore, l’intelligence de Sébastien Lagord et de la Cie de l’Astrolabe qui revisitent Molière. Le travail d’ouverture exigeant avec des acteurs sud-africains s’avère dans Monsieur de Pourceaugnac suffisamment novateur pour offrir des perspectives à la langue française dans le monde interpolaire d’aujourd’hui. Un esprit situé aux antipodes des néo-classiques qui s’arqueboutent sur une identité figée.

L’autre chapitre de ce bilan est moins ensoleillé. Conformément aux vœux du vice-président du Conseil général Jacques Atlan, l’objectif des 25% d’autofinancement du budget global est atteint. Mais l’avenir de la manifestation dans cette forme demeure incertain. Avec un désengagement financier conséquent de l’Agglomération de Montpellier et de la Région, le Printemps des Comédiens fait les frais d’un climat politique délétère. Evoquant pêle-mêle un dégraissage des effectifs, une nouvelle augmentation des tarifs et une réduction de la durée du festival, Daniel Bedos, qui se sait défendu par l’institution départementale, fait monter les enchères, sans se soucier du sort moins enviable des autres acteurs et de sa propre équipe. Mais chacun sait qu’une hirondelle ne fait pas le printemps.

Jean-Marie Dinh

Voir aussi : Rubrique politique culturelle, Crise : l’effet domino,