Montpellier Danse. Saisir le corps sous d’autres coutures

Création. Avec « Les Oiseaux » de Nacera Belaza et « Nou » de Matthieu Hocquemiller le festival explore de nouvelles formes.

Nacera Belaza

Nacera Belaza

Grand chantier ouvert à la création, comme chaque année, le festival Montpellier Danse accorde une place non négligeable aux chorégraphes en quête de nouvelles formes. On a pu voir dans ce registre la création perturbatrice Les Oiseaux de Nacera Belaza dont la pratique introspective nous rend complice d’une écoute intérieure qui ne cherche pas à démontrer ou à éblouir tout au contraire. « En cherchant à répéter la même action, on se rend compte qu’il est impossible de se répéter car répéter revient à aller plus loin en soi. » La pièce qui se tient dans une certaine pénombre laisse le souvenir d’un moment partagé avec deux oiseaux sur la branche d’un arbre avant l’aurore. Elle propose aussi une ouverture sur un bouleversement nécessaire qui enrichit la programmation.

« Nou » de Hocquemiller

Nou de Matthieu Hocquemiller

Nou de Matthieu Hocquemiller

Dans un tout autre registre la création nou de Matthieu Hocquemiller apparaît également dans le volet des controverses fructueuses qui va chercher sa pertinence dans la confrontation du vocabulaire corporel de la danse et celui du sexe. A la recherche d’un imaginaire nouveaux le chorégraphe « met en concurrence » des travailleurs du sexe avec les danseurs afin d’investir d’autres usages du corps. Les interprètes explorent leur corps dans les moindres recoins. Le sexe soleil de la création s’expose et nous éblouit mais l’astre de lumière éclaire d’autres aspects qui déplacent notre regard et transforment du coup notre mode de perception souvent stéréotypé à l’égard de la sexualité. Mark Tompkins ou Pascal Rambert s’étaient déjà attaqués au sujet sous d’autres angles.

Hocquemiller use de l’humour, qui se révèle un antidote efficace à la vulgarité. Il affirme aussi un acte politique. La mise en débat de la sexualité et du porno dans la sphère publique permet de couper court à certains comportements exclusivement réservés à la sphère privée qui bénéficie d’une forme d’immunité morale.

JMDH

Voir aussi : Rubrique Danse, rubrique Festival, Montpellier Danse 2014, rubrique Montpellier

Matthieu Hocquemiller : Nouvelle du désarroi ambiant

Le studio Cunningham de l’Agora recevait cette semaine le chorégraphe Matthieu Hocquemiller et sa compagnie A contre poil du sens pour Bonnes Nouvelles. « Où commence et où finit l’individu ? Peut-on le délimiter ? Si oui, où couper ? » Ces questions sont le fondement de la nouvelle création de Matthieu Hocquemiller.

matthieu-hocquemillerphpOn décèle un propos social assumé chez ce jeune chorégraphe issu des arts du cirque et passionné pour les arts du mouvement et de l’image. Dans cette création autour de l’identité, il y a l’idée politique que la recherche identitaire fait diversion pour échapper à la question sociale. Que ramener chacun à son identité est un moyen pour oublier les conditions que l’on a en commun. Le corps se substitue aux mots pour aborder la question du sens, corps à l’envers ou à l’endroit… Matthieu Hocquemiller joue de l’illusion pour pointer le non sens. Corps objet de performance sportive, mouvements programmés, corps épuisé, brisé sans nerf, comme une marionnette. Corps qui cherche son appartenance sexuel, corps perdu dans l’image qu’il est censé incarner. Un beau travail sur l’image intime et poétique qui se morcelle au fur et à mesure qu’elle gagne en notoriété puis disparaît. L’art de Matthieu Hocquemiller s’inscrit résolument dans le mouvement de son temps. Court, total et troublant, le spectacle aborde le désarroi comme une bonne nouvelle.

Jean-Marie Dinh

Voir aussi : Rubrique Danse,