Cinemed. A bord d’une odyssée féminine

FX RosanvallonCompétition. « Fidélio, l’odyssée d’Alice », le premier long métrage de Lucie Borleteau privilégie la relation humaine.

Cette 36e édition du Cinemed donne une belle place aux jeunes réalisateurs et en l’occurrence aux réalisatrices avec le premier long-métrage de Lucie Moreau qui présente Fidélio, l’Odyssée d’Alice* en compétition pour l’Antigone d’Or. Née en 1980 à Epson en Grande-Bretagne, Lucie Moreau a travaillé avec Arnaud Desplechin et Claire Denis sur le scénario de White Matérial. Deux figures marquantes du cinéma d’auteur français dont le langage, un rien subversif, s’émancipe des contraintes pour réinventer ; l’antithèse, en somme, de Mélanie Laurent.

Après trois moyens-métrages, Lucie Moreau signe un superbe portrait de femme interprété par Ariane Labed qui a remporté pour ce rôle, le prix d’interprétation féminine du festival de Locarno. Ariane Labed coule dans son rôle de marin comme un poisson dans l’eau. Elle a surtout tourné en Grèce où elle vit actuellement. Encore peu connue en France, elle a déjà reçu la Coupe Volpi de la meilleure actrice à la Mostra de Venise en 2010 pour son rôle dans Attenberg, de la cinéaste grecque Athina Rachel Tsangari.

Vent nouveau

Alice, 30 ans est une mécanicienne confirmée qui embarque à bord du cargo le Fidélio pour remplacer un homme qui vient de mourir dans des circonstances non élucidées. Elle trouve dans sa cabine le carnet intime de son prédécesseur dont la lecture va résonner avec sa propre histoire.

Lucie Moreau tire habilement partie des contraintes d’espace et des conditions de tournage qui imposent à toute l’équipe de se soumettre au rythme du bateau. Ses images nous entraînent dans un rapport quasi organique avec l’embarcation, soutenu par un travail remarquable du son. Dans ce contexte, qui laisse du temps pour réfléchir et prendre du recul, la réalisatrice nous invite à suivre le voyage intérieur d’Alice. Un autre périple, prend forme à travers les moments de convivialité, de doute, de désir sexuel et de mélancolie amoureuse vécus par la jeune femme dans un univers exclusivement masculin.

Présente à Montpellier, Lucie Moreau évoque « le regard d’Alice sur les hommes » et le plaisir qu’elle a pris à filmer « leur charme et leur maladresse… » Une juste façon d’inverser la problématique que poserait une femme libre au milieu d’un équipage masculin. « Durant le tournage, j’ai aussi pris conscience de la dimension politique du film qui apparaît en toile de fond : la marine marchande est un champ d’expérimentation pour la mondialisation qui paye à qualification égale des salaires différents en fonction des nationalités.»

Dans l’Odyssée d’Homère ce sont les vents, parfois les lyres qui guident l’orientation du navire. Dans celle d’Alice, ce sont les sirènes du désir et de la bourse qui fixe le cap.

Jean-Marie Dinh

Source L’Hérault du Jour 30/10/2014

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*Sortie le 24 décembre.