En plein cœur de Tokyo, une librairie à un seul livre !

Photo : Miyuki Kaneko

Photo : Miyuki Kaneko

L’idée semble un peu farfelue, voire portée par un individu qui n’a pas conscience de la réalité du monde. Et pourtant, le concept de Yoshiyuki Morioka cartonne…

Un seul livre par semaine

C’est bel et bien ce que propose une librairie implantée en plein cœur de Ginza, un quartier chic de Tokyo, au rez-de-chaussée du bâtiment historique Suziki (qui date de 1929). Ouvert de 13h à 20 h tous les jours sauf le lundi, l’établissement de Yoshiyuki Morioka est atypique. Sa boutique est plutôt simpliste. Ici, pas de grands rayonnages pour exposer des dizaines de livres différents, un seul livre étant présenté par semaine. Le décor est assez sommaire : peinture blanche sur les murs, sol en béton. Quant au support servant à présenter l’unique ouvrage, il consiste en une sorte de chevalet. Rien d’extraordinaire donc. Et pourtant, la librairie attire de très nombreux japonais depuis son ouverture en mai dernier. Car si le livre en vente est unique, chaque jour est l’occasion d’organiser un évènement autour de l’ouvrage et de son auteur. Un contexte propice à la découverte.

Une idée née d’une rencontre

Le concept trouve ses origines dans une rencontre avec un auteur, dans une librairie classique. Après avoir remarqué toute l’attention apportée à l’auteur en lui-même, Yoshiyuki Morioka s’est demandé pourquoi autant d’intérêt ne pourrait-il pas être porté à un seul livre. Pourquoi un ouvrage ne pourrait-il pas être mis autant en valeur qu’un auteur lors d’une séance de dédicaces ? Ce raisonnement a conduit le libraire à imaginer une boutique de livres sous un nouveau jour en mettant en scène le moindre détail afin de focaliser toute l’attention des clients sur le livre de la semaine. Mission réussie puisque tout y contribue. De la peinture blanche des murs au positionnement de l’ouvrage au centre de la pièce, rien n’est laissé au hasard. Même le concepteur de la boutique, Takram Design Engineering, semble séduit. Il déclare ainsi qu’une librairie avec un seule livre « offrira une meilleure compréhension, une relation plus étroite avec le lecteur ». Il est bien évident que les clients n’ont aucune raison de parcourir les allées dans tous les sens, ni de chercher après le livre qui les attirera le plus. Le choix est ici déjà fait, ce qui permet au lecteur de ne pas se fier à la seule couverture du livre mais d’apprendre à connaitre son auteur et son contenu.

De par son action, Yoshiyuki Morioka lutte contre le principe économique de long tail qui consiste à vendre un ouvrage sur la durée et donc à en stocker plusieurs exemplaires. Son idée n’a finalement rien de si loufoque. Dans les métiers du livre depuis plus de dix ans, Yoshiyuki Morioka n’est pas un débutant. Sa librairie japonaise en est une belle preuve.

« Aru wa nai ni masaru » (« mieux vaut quelque chose que rien », « c’est mieux que rien »). Un « hon » (« livre »), c’est déjà bien, n’est-ce pas ?

Source : Japonisez-vous  2016

Voir aussi : Rubrique International, rubrique Asie, Japon, rubrique Livre, Lecture,

Les grands auteurs classiques ibériques

don-quichotte-1957-1972-01-gRencontres littéraires. Une proposition de Cœur de livres en préambule de la
Comédie du livre qui célèbrera en 2015 les littératures espagnoles et portugaises.

Du 29 au 31 mai 2015, la  Comédie du livre fêtera ses 30 ans. Cette édition exceptionnelle aura pour invitée la littérature ibérique. Fidèle à sa vocation de promouvoir le livre et la lecture dans la ville et à la vitalité des libraires associées à cette démarche, l’association Cœur de livres propose au grand public un cycle de rencontres littéraires mensuelles.

L’occasion de redécouvrir les auteurs classiques des pays mis à l’honneur (Espagne et Portugal en 2015) lors de la manifestation. Ces rencontres sont une opportunité pour appréhender le patrimoine littéraire des pays invités. Elles permettent en outre de se familiariser avec le corpus littéraire dans lequel les auteurs contemporains invités à Montpellier ont baigné. Après un tour vers le grand Nord l’an dernier, 2015 sonne donc le retour vers la Méditerranée.

Les littératures espagnoles -?basques, castillanes, catalanes, galiciennes?- et portugaises sont  ainsi mises à l’honneur à travers cinq rencontres, à partir de janvier et jusqu’à la Comédie du livre. Chaque rencontre donne lieu à un dialogue entre un intervenant en lien avec l’auteur classique mis en avant et un modérateur.

En préambule de chaque rencontre, le public pourra trouver, dans les librairies partenaires de l’événement, une brochure d’une dizaine de pages présentant l’auteur classique dont il sera question et les différents auteurs présents lors de cette rencontre à travers leurs biographies, accompagnées de l’extrait d’une œuvre lu par des comédiens pendant la rencontre.

Partenaire de l’événement, L’Hérault du Jour consacre une page  pour présenter chaque rencontre également enregistrée par Radio Campus Montpellier.

Au programme 2015
Jeudi 22 janvier : Miguel de Cervantès avec Olivier Weber. Jeudi 26 février : José Saramago avec Carmen Castillo. Jeudi 26 mars :  Luis de Camoes avec Sébastien Lapaque. Jeudi 30 avril : Fernando Pessoa avec Stanislas Grassian. Vendredi 29 mai : Federico Garcia Lorca avec Serge Mestre. Salle Pétrarque à 19h. Entrée libre.

Source : L’Hérault du Jour 30/12/2014

Faire voler les pages des libraires

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Librairie L’Ivraie. Photo Rédouane Anfousi

On le sait déjà, pour choisir un livre, notre ordi ne sert pas à grand chose. Rien ne remplace une petite visite chez le libraire du coin qui est au fait de la vie littéraire et peut nous conseiller. Ce libraire donne une valeur à nos critères de choix et finalement à nos lectures. C’est un travail  important que celui de libraire. Le problème c’est qu’on en prend conscience au fur et à mesure qu’ils disparaissent.

A force d’acheter des livres en fonction du coût et de la facilité, on finira par lire n’importe quoi. A vouloir économiser quelques euros, gagner du temps, rester chez soi sans entrer en relation,  on ne sait même plus ce qu’on perd. Et l’on oublie ce que nous offre ce métier prodigieux de libraire : des informations non commerciales sur un auteur, une forme de langue particulière, des pistes de lecture pour entrer dans un bouquin, tous ces facteurs de découverte qui contribuent au plaisir de lire. Il se pourrait même qu’on oublie l’existence des librairies… A ce sujet, on pourrait dire que l’association Cœur de Livres joue un rôle de berger…

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Librairie Nemo. Photo R.A

Des passeurs de livres
La manifestation Escapades en Librairie nous réveille la mémoire depuis hier et durant tout le week-end, elle rafraîchit la signalétique sur l’ensemble de la ville pour nous ramener vers les passeurs de livres. L’idée originale s’articule autour d’une programmation faite de concert, performance, théâtre, lecture, art en tout genre qui se tiennent dans toutes les librairies indépendantes de Montpellier. Comme il fallait s’y attendre, tous ont accepté de sortir la tête de leurs cartons pour ouvrir leur portes à la création et s’y impliquer.

Entre autres propositions, on peut se rendre ce matin à la librairie Nemo à 10h30 pour combattre les stéréotypes sur le rôle des filles et des garçons. « A l’instar des cafés philo, on organise un chocolat philo autour des idées reçues du genre : les filles pleurent tout le temps, les garçons n’ont peur de rien ! Idées qui trouvent écho dans la littérature jeunesse, explique une représentante de la librairie,  l’auteur et prof de philo  Isabelle Wlodarczyk fera circuler la parole. On a aussi proposé l’idée à notre comité de lecture ado qui s’est s’impliqué avec enthousiasme en préparant des petites saynètes d’impro. »

Librairie Okoku photo R.A

Librairie Ioku photo R.A

Pas très loin, toujours au centre-ville, la librairie Ikoku spécialisée dans le Manga propose demain à 14h des ateliers de calligraphie, confection de maki ou encore d’ikebana. A noter, que le graveur typographe Marc Granier débarque cette après-midi avec ses presses à la librairie l’Ivraie pour un atelier création. L’objectif est de repartir avec son livre. « Les gens peuvent venir avec leurs écrits mais nous mettrons aussi des textes à disposition » explique le gérant.

Bien d’autres propositions alléchantes sont proposées en ville pour nous rappeler que les librairies ne sont pas seulement des espaces où l’on range les livres.

JMDH

Info programme : Cœur de livres

Source : L’Hérault du Jour 22/02/14

Voir aussi : Rubrique Livre, Littérature, rubrique Lecture, rubrique Politique Culturelle, rubrique Montpellier,

Prix du livre unique et taxe aveugle

Un point un trait, librairie à Lodève. Photo Sylvie Goussopoulos

De façon fortuite, la  célébration des 30 ans du prix du livre unique programmée hier à la Médiathèque Emile Zola par Languedoc-Roussillon livre et lecture (LR2L) tombe de concert avec l’effet dévastateur pour la chaîne du livre du nouveau plan de rigueur Fillon. « Une augmentation du prix du livre est la pire chose à faire dans un moment où le livre est fragilisé par de nouvelles pratiques, l’arrivée du livre numérique et un pouvoir d’achat en baisse », s’inquiète la structure régionale qui accompagne les différents acteurs de la chaîne du livre. « Cette situation appelle à s’unir autour du livre pour que cette mesure soit retirée, s’alarme l’élue régionale à la culture Josiane Collerais. On est devant un choix de société, celui de la conception que l’on a du livre et de la culture et au-delà de celle de l’humain. »

Cette mesure devrait se traduire par un surcoût de 60M d’euros, estime le Syndicat national de l’édition (SNE) qui a demandé mardi un rendez-vous d’urgence avec le Premier ministre. Evidemment, aucun des acteurs  économiques concernés, ne voit avec bienveillance le relèvement du taux de TVA qui devrait passer de 5,5 à 7% sur tous les produits culturels, mais concernant les libraires indépendants, dont beaucoup ont déjà la tête sous l’eau, cette mesure va précipiter l’hécatombe.

Les libraires menacés

Hier, l’ex-président de LR2L, Bernard Pingaud*, dont le travail auprès de Jacques Lang sur la politique publique du livre a joué un rôle déterminant dans l’adoption du prix unique du livre en 1981, s’est félicité de l’action menée par l’actuelle équipe de la structure régionale. L’écrivain et compagnon de route de Michel Butor a également souligné : « Le problème nouveau et fondamental pour les libraires que représente la vente de livres en ligne. »

Si les développements autour de l’iPod ont relancé un marché du disque moribond (pas concerné par la hausse en raison d’un taux déjà maximal), le développement irrémédiable des ventes de livres en ligne risque en effet de porter un coup fatal aux libraires dans les prochaines années. Aux Etats-Unis, le site de vente Amazon est déjà en situation de quasi monopole pour le livre numérique avec 60% à 70% du marché. Il lorgne désormais avidement sur l’Europe.

Face à cette offensive peu amicale, les acteurs de la chaîne du livre demeurent dispersés. Certains éditeurs qui veulent être absolument dans la course pratiquent des remises aux opérateurs qui pénalisent le réseau des libraires. Ceux-ci peinent à faire front commun comme en témoignent les difficultés pour rendre vraiment opérationnel le portail des libraires indépendants. Dans ce contexte tendu, l’augmentation du taux de TVA pour les livres, décidé par le gouvernement, s’inscrit à l’opposé de l’action publique nécessaire au soutien au secteur. A son échelle, LR2L engage une action dont la philosophie est de développer du lien avec les librairies indépendantes. Ce sera  le cas avec l’exposition itinérante de la photographe Sylvie Goussopoulos  qui présente le portrait de 30 libraires de la région mis en relation avec les textes de 30 auteurs choisis sur le territoire.

Dans une ville qui compte beaucoup de lecteurs comme Montpellier, on recensait plus de 30 librairies indépendantes, il y à 25 ans. Aujourd’hui, elles ne sont que 13 et nombre de leurs propriétaires connaissent des difficultés quotidiennes pour maintenir leurs activités. La mobilisation pour la diversité culturelle et celle de ses acteurs reste plus que jamais à l’ordre du jour.

Jean-Marie Dinh

*Dernier ouvrage paru : L’horloge de verre, Acte sud 2011

Voir aussi : Rubrique Livre, rubrique Edition, On line, Sauvez la librairie : ouvrez une librairie,

L’esprit du libraire dans l’univers ludique

Sauramps. La plus grande librairie de la région diversifie son offre dans la zone commerciale Odysséum. Ouverture prévue en août 2009.

Feu vert pour la librairie Sauramps qui ouvrira en août 2009 les portes d’un nouvel espace de 2 900 m2 au sein de la vaste zone de loisirs d’Odysseum. Le projet cible une clientèle plus importante et différente de celle du centre-ville. Pour faire face à cet enjeu de taille, l’entreprise inscrit son offre dans un univers ludique. « Il n’y aura pas de rayon sciences humaines qui conserve toute sa place au centre-ville, mais un rayon découverte du monde » illustre Jean-Marie Sevestre qui préside à la destinée du beau navire Sauramps.

Le concept se veut novateur. La mise en espace, confiée au cabinet MDR Architecte s’opérera sur deux niveaux. Elle privilégie un cheminement convivial au sein d’une offre culturelle de qualité, sélectionnée et diversifiée. L’entrée devrait abriter un espace presse et s’ouvrir sur un choix de nouveautés concoctées par des libraires. Le reste de l’espace sera divisé en plusieurs pôles, jeux, création, son, décoration, arts de la table… L’espace enfance occupera le centre de la librairie, les nouvelles technologies et le rayon régional tiendront toute leur place. Un espace Show case permettra de prolonger la politique de la maison qui conçoit le livre comme un lieu d’échange. Cette salle à taille humaine (une centaine de places) sera dédiée à l’accueil d’auteurs, aux concerts et à d’autres types de rencontres. L’investissement s’élève à 3 millions d’euros. Il permettra la création d’une cinquantaine d’emplois.

Genèse du projet

La nouvelle a « fuité » plus tôt que prévu. Si bien qu’à l’heure où les pelles mécaniques s’activent aux fondations, on spécule déjà sur la venue de Carla Bruni pour l’ouverture. L’équipe de direction gère la situation en gardant la tête froide.

L »idée a dix ans.  Jean-Marie Sevestre, patron et défenseur engagé des librairies indépendantes, se laisse convaincre par Raymond Dugrand, alors adjoint à l’urbanisme, d’acter une candidature pour s’implanter au cœur du complexe de loisirs et de commerces. Pensé comme extension logique du centre-ville, le projet du centre commercial à l’américaine patine. Il faudra du temps pour lever les réticences cristallisées par la CCI et le Polygone. Avec le concours de l’actuelle maire de Montpellier, les choses entrent dans la complémentarité. Entre temps Sauramps, qui a rejoint le peloton de tête des librairies indépendantes françaises, doit envisager son développement. Elle joue désormais dans la cour des grands et doit faire face à la concurrence des grandes enseignes culturelles qui se partagent avec la grande distribution, 35% des ventes de livres. La librairie réussit sa diversification avec le succès de la papeterie Polymôme, et plus récemment avec l’ouverture d’un espace au Musée Fabre. En 2007 le CA de Sauramps pèse 23 millions d’euros.

L’implantation d’une librairie indépendante dans une zone commerciale de ce type est une première hors Paris. Face aux enseignes culturelles, le savoir-faire et la notoriété acquise ont joué en faveur de l’outsider. A qui revient désormais la difficile mission de tirer l’offre de culture au grand public par le haut.

Jean-Marie Dinh

Odysseum. L’entrée d’une librairie indépendante dans une zone commerciale répond à une demande de la clientèle.

De la passion au pays du pop-corn

Avec 68 000 titres parus en 2006, la vitalité de l’édition n’est plus à démontrer. Le secteur du livre, dit malade, enregistre tout de même une augmentation des ventes, même si l’embellie ne profite pas à tout le monde. Les grandes enseignes progressent ainsi que les grosses librairies. Mais la clientèle boude le réseau secondaire des petites librairies qui peinent à s’adapter au nouveau mode de consommation. En revanche, celles qui se modernisent en ciblant les bons créneaux, parviennent à tirer leur épingle du jeu. Dans ce contexte, l’implantation de Sauramps au pays du pop corn peut donner à réfléchir.

« Lors des premières rencontres avec Icade Tertial, (promoteurs d’Odysséum) j’avais un peu l’impression qu’ils nous rendaient des visites de courtoisie », indique Jean-Marie Sevestre. Jusqu’ici la surface financière des candidats l’emportait sur le contenu de la proposition. Ce système aboutit à une préoccupante normalisation de l’offre culturelle. « Les réseaux centralisent de plus en plus leurs achats alors que dans notre système les gens qui achètent se sont les libraires. »

Pour Odysséum c’est au final l’innovation qui a fait la différence. « Je pense que les gestionnaires répondent à une demande des gens qui en ont marre de trouver les mêmes enseignes partout. Aujourd’hui la clientèle des centres commerciaux souhaite y trouver des indépendants. » Les contraintes imposées par le bail, impliquent néanmoins un nouveau mode d’organisation, un risque aussi, dans le passage environnemental de la passion à la consommation.

« On entre dans un monde qui n’est pas le nôtre », confie Jean-Marie Sevestre avec un brin d’appréhension tout en étant décidé à y insuffler des idées nouvelles.

Jean-Marie Sevestre « on entre dans un monde qui n’est pas le notre. »