Paix au Proche-Orient: une « urgence », dit la France à Avigdor Lieberman

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La France devait insister  sur l’urgence » de faire progresser le processus de paix au Proche-Orient, lors de la première visite à Paris du nouveau ministre israélien des Affaires étrangères, l’ultra-nationaliste Avigdor Lieberman.
Le responsable israélien, qui effectue cette semaine une tournée européenne, devait s’entretenir en fin d’après-midi avec son homologue français, Bernard Kouchner, et rencontrer le secrétaire général de l’Elysée, Claude Guéant, bras droit du président Nicolas Sarkozy. « Cette visite à la demande du ministre israélien va nous permettre d’écouter ce qu’il a à dire et de lui rappeler que pour la France il y a urgence à traiter du processus de paix » pour favoriser les modérés et marginaliser les radicaux, souligne un diplomate français.

« Nous souhaitons un accord (entre Israéliens et Palestiniens) avant la fin de l’année qui permette la fondation d’un Etat palestinien », a précisé  le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, Eric Chevallier. A Rome, Avigdor Lieberman a surtout évoqué, comme le président israélien Shimon Peres dans le même temps à Washington, la menace iranienne. « Le problème principal » dans la région est « l’Iran qui se nucléarise et qui est un facteur déstabilisant pour toute la région et le monde entier », a-t-il dit, en rappelant que toutes les tentatives de règlement entre Israéliens et Palestiniens avaient échoué depuis 16 ans.

La volonté de dialogue de Washington avec l’Iran représente une source de division entre Israël et les Etats-Unis où doit se rendre à la mi-mai le nouveau chef du gouvernement israélien, Benjamin Netanyahu.     Ce dernier s’est déclaré  en faveur d’une « nouvelle » approche de la paix avec les Palestiniens, incluant une reprise immédiate des pourparlers. Le vice-président américain Joe Biden a appelé  Israël à stopper la colonisation des territoires occupés et les Arabes à mettre fin à l’isolement de l’Etat hébreu.

Entre la France et Israël, la « relation reste amicale », assure-t-on côté français. Mais les désaccords sont multiples et ont été renforcés par l’opération militaire israélienne à Gaza en début d’année, qualifiée d' »échec » à Paris. En dépit de la personnalité controversée d’Avigdor Lieberman, des discussions sont possibles dans plusieurs domaines, estime-t-on au ministère français des Affaires étrangères. Pour la France, « il est essentiel qu’Israël se prononce en faveur d’un Etat palestinien, fasse un geste à l’égard du Liban, gèle ses colonisations, discute avec la Syrie et rouvre les accès à Gaza », résume un diplomate. En revanche, aucun échange n’est possible sur les positions du ministre israélien en faveur d’un « Etat juif homogène » aux dépens des Arabes israéliens, précise-t-il.

La visite en France du responsable israélien a été dénoncée par plusieurs partis politiques de gauche français et faisait l’objet mardi après-midi d’une manifestation hostile de quelque 150 militants pro-palestiniens aux abords du ministère français des Affaires étrangères. « Recevoir Avigdor Lieberman revient à encourager le gouvernement israélien dans sa politique du pire », a affirmé Djamila Sonzogni, porte-parole du parti des Verts. « Cet homme est une insulte permanente au combat des progressistes et des pacifistes israéliens », a abondé le Parti communiste français.
Après la France, Avigdor Lieberman devait se rendre à Prague, présidente en exercice de l’Union européenne, puis à Berlin.

Il était une fois le Hezbollah

Un état des lieux sur le Hezbollah qui tombe à point nommé pour ceux qui souhaitent se faire une idée plus précise sur cet acteur incontournable du Moyen-Orient. Et accessoirement sortir du prisme médiatique occidental perturbant dans lequel on le cantonne. Livre instructif, au moment où le Liban se trouve en prise à de vives tensions et où le président Sarkozy tente une rupture de la politique arabe française pour adopter une vision de la construction européenne plus pro américaine.

Le livre est le fruit d’un travail collectif mené à l’Institut français du Proche-Orient  à Beyrouth. Soucieuse d’objectivité, la démarche tente de brosser un panorama large des acquis de la recherche en sciences sociales sur le Hezbollah.

Souci de documentation

Le mouvement est abordé à partir d’articles thématiques qui couvrent les champs social, politique et religieux où il se déploie. L’ouvrage retrace l’histoire du Hezbollah, depuis sa genèse, avec l’émergence du mouvement islamique chiite transnational, fondé dans les années 1960 et partisan d’une troisième voie entre le communisme et le libéralisme. Il explique sa construction dans les années 1980, suite à la victoire de la révolution islamique en Iran et à l’occupation israélienne du Sud Liban en 1982. Et aborde la phase de libanisation qui commence en 1992 avec la participation du Hezbollah aux législatives et se prolonge après la guerre de juillet 2006 et la destruction, par l’aviation israélienne, du périmètre de son quartier général. Aujourd’hui, le parti s’est redéployé aux quatre coins de la banlieue sud de Beyrouth. On croise une actualité encore plus proche dès le premier chapitre dans lequel la politiste Olfa Lamloum démontre l’importance que le Hezbollah donne aux médias dans sa stratégie politique.

Guerre de l’info

Il est connu aujourd’hui que la guerre de l’info précède et accompagne la guerre physique. De tous les partis islamistes, le Hezbollah est celui qui a le plus investi l’espace médiatique en diversifiant les modes de production, de diffusion et de circulation de son message.   » Deux constantes résument la démarche du Hezbollah en matière de communication. D’une part assurer sa visibilité auprès des médias nationaux et internationaux, de l’autre, se doter d’un appareil médiatique autonome en mesure de rapporter fidèlement ses positions. « 

A l’instar de son inégalable concurrent américain, l’information de guerre est conçue dès les années 1980 comme arme et outil de mobilisation en faveur de la résistance.

Quand on apprend par ailleurs que Beyrouth figure depuis les années 70 comme un laboratoire de la presse indépendante arabe et un refuge des plumes proscrites par tous les régimes autoritaires de la région, on comprend que la récente mise hors la loi du réseau de communication du Hezbollah au Liban s’inscrit bien dans une logique de guerre.

L’affaire Al-Manâr

Logique qui a trouvé son pendant en France, avec l’affaire de la chaîne de télévision Al-Manâr en novembre 2003. Invité par le CRIF, Jean-Pierre Raffarin s’était indigné publiquement du caractère  » antisémite  » d’un programme diffusé sur Al-Manâr. L’offensive du Premier ministre se termine en décembre 2004, avec la résiliation par le CSA de la convention signée avec la chaîne de télé. Olivier Koch, docteur en science de l’information à Paris XIII rappelle que cette sanction présente  » un caractère exceptionnellement sévère  » et résulte en fait, d’une campagne internationale pour limiter la diffusion de l’idéologie politique du Hezbollah. La chaîne al-Jazira, s’est trouvée confrontée aux même types de problèmes.

Quand l’espace arabe se donne à voir par lui-même et appréhende les conflits et le monde à travers un prisme qui lui est propre, tout est fait pour limiter son territoire de diffusion.

On en conclut que l’image du parti chiite qui se diffuse au sein de l’espace géopolitique de l’information occidentale gagnerait à être un peu plus nette.

Le Hezbollah, chez Actes Sud dans la collection Sindbad, 24 euros

Un des principaux acteurs de la scène politique moyen-orientale

 

Photo : Marwan Naamani

Salah Stétié : Une restitution de l’identité par la cruauté

 

Voix de la Méditerranée . En échos des rêveries, le poète libanais Salah Stétié explore à Lodève  le fracas créatif des batailles de la civilisation.

 

« Seule une quête, une conquête, donnera vie à ce qui n'a plus de vie ». Photo DR

« Seule une quête, une conquête, donnera vie à ce qui n'a plus de vie ». Photo DR

Salah Stétié figure comme un grand itinérant du songe et de l’action. A Lodève, on a pu goûter la substance étincelante de son œuvre poétique. Mais l’homme de culture, qui a mené une double carrière de diplomate et de poète, souhaitait intervenir sur un registre plus large pour aborder le vaste héritage que cette petite mer n’a cessé de léguer au monde. Une volonté exprimée et reçue par Maïthé Vallès-Bled, la directrice du festival.

Le propre des évidences est de se transformer en transparence. Ce que Stétié s’est efforcé de combattre à travers toute son œuvre.

A la tombée du jour, dans le Cloître de la cathédrale, le poète débute en posant quelques parcelles de réalité souvent dissimulé par l’actualité brûlante. « Platon, Aristote, Augustin Averroès, Maimonide se bouchent le nez et baissent les yeux, Moïse, Jésus, Mahomet, se détournent. Ont-ils définitivement retiré leurs anges ? » questionne l’ancien délégué du Liban auprès de l’UNESCO. S’interrogeant sur ce que constitue la Méditerranée, il évoque le concept de personne morale. A travers l’ensemble de l’histoire méditerranéenne, le monde d’aujourd’hui, se trouve en souffrance. L’épopée des trois grandes religions monothéistes, dont elle fut le berceau, et avec elles, toutes les bases philosophiques de la réflexion des hommes.

Les nouveaux monstres

Pourtant, sous la fragmentation de sa surface, la civilisation méditerranéenne n’a jamais cessé d’être animée par le même mouvement de violence. Pour Salah Stétié, le principal débat se situe du côté de l’imaginaire. Là où par de singuliers détours, on croise les monstres. Sphinx, Minotaure, Hydre, Méduses et autre Cyclope peuplent l’esprit des peuples.  Mais il s’est toujours trouvé des hommes pour s’en débarrasser. « Les Méditerranéens sont armés pour la confrontation. Parce qu’ils ont su jadis, décomposer les monstres, ils sauront ne pas se laisser atteindre par ceux qui, aujourd’hui, dominent monstrueusement notre civilisation ». Et l’orateur de décrire le nouveau monstre sous un autre jour. Celui des machines qui endommagent sérieusement ce qu’il y a d’humain dans l’homme. Comme hier, la mythologie de notre modernité fait peur. « Bientôt l’idole robot en arrivera à nous expatrier dans notre propre maison et à nous exiler de notre propre seuil. Bref tout ce qui nous fut Méditerranée va mourir. A cette lumière, on réalise combien l’univers mental de chacun, serait appauvri si venait à lui être retiré tout ce qu’il a su accueillir de ces rivages, dans les domaines de la création artistique, littéraire et spirituelle. A cet égard, il est frappant de constater comment les tenants du pouvoir négligent cette dimension d’accomplissement. Discret dédain de la politique lorsqu’elle croise les civilisations sur son chemin…

 

Dialectique de la cruauté

Empêcher un tel effacement, se révèlerait contraire aux cultures de la Méditerranée soutient pourtant Salah Stétié. Eclairant les arcanes de son espace à travers l’histoire, il rappelle comment Rome détruisit la Grèce, la Syrie et l’Egypte, comment fut brûlée la bibliothèque d’Alexandrie, comment mourut sous le coup, des rois très catholiques, la flamboyante Andalousie, comment l’espace de l’inquisition se dévora lui-même. Comment l’Algérie fut détruite une première et une deuxième fois, comment les Balkans, le Liban, la Palestine, la Bosnie… Et pause ce qu’il nomme, la dialectique de la cruauté comme fil conducteur de l’histoire méditerranéenne. « On voit à travers tant de destructions, comment la faiblesse peut devenir une autre forme de la force. Comme le christianisme démantela la Rome et ses aigles de bronze. Comment un petit Corse deviendra Napoléon, non sans avoir trouvé le temps dans la plus vaste et la plus sanglante des confusions historiques de laisser un code et des lois pour les hommes. »

Réconcilier les contraires

Cette violence, qui déferle sur nous comme des vagues, mérite d’être évaluée, souligne Stétié, citant le génie de Picasso qui fait éclater le grand miroir des apparences. « Ce qu’il veut n’est rien d’autre que la fin de l’homme dans la fin sinistre et joyeuse du monde. De l’apparente destruction naîtra pour Picasso une affirmation majorée, une restitution de l’identité. Seule une quête, une conquête, donnera vie à ce qui n’a plus de vie. Il en est ainsi d’Orphée réfléchissant à la porte des enfers, de Camus pour qui la vie humaine commence de l’autre côté du désespoir. Les plus noires des tragédies vécues en Méditerranée sont des tragédies de l’identité. En réconciliant les contraires, Antigone en est un des symboles fondamentauxElle incarne l’accomplissement suprême de l’imaginaire et du mystère méditerranéen. » A en croire le poète libanais, cette violence si singulière constitue un socle. Lieu d’élaboration de toute culture, ou chaque religion, va puiser pour explorer le réel

Serait-ce, comme nous l’enseignent les rivages de cette petite mer bleue, à l’envers des choses que se trouvent leurs réalités ?

Jean-Marie DINH

 

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