Prix du livre unique et taxe aveugle

Un point un trait, librairie à Lodève. Photo Sylvie Goussopoulos

De façon fortuite, la  célébration des 30 ans du prix du livre unique programmée hier à la Médiathèque Emile Zola par Languedoc-Roussillon livre et lecture (LR2L) tombe de concert avec l’effet dévastateur pour la chaîne du livre du nouveau plan de rigueur Fillon. « Une augmentation du prix du livre est la pire chose à faire dans un moment où le livre est fragilisé par de nouvelles pratiques, l’arrivée du livre numérique et un pouvoir d’achat en baisse », s’inquiète la structure régionale qui accompagne les différents acteurs de la chaîne du livre. « Cette situation appelle à s’unir autour du livre pour que cette mesure soit retirée, s’alarme l’élue régionale à la culture Josiane Collerais. On est devant un choix de société, celui de la conception que l’on a du livre et de la culture et au-delà de celle de l’humain. »

Cette mesure devrait se traduire par un surcoût de 60M d’euros, estime le Syndicat national de l’édition (SNE) qui a demandé mardi un rendez-vous d’urgence avec le Premier ministre. Evidemment, aucun des acteurs  économiques concernés, ne voit avec bienveillance le relèvement du taux de TVA qui devrait passer de 5,5 à 7% sur tous les produits culturels, mais concernant les libraires indépendants, dont beaucoup ont déjà la tête sous l’eau, cette mesure va précipiter l’hécatombe.

Les libraires menacés

Hier, l’ex-président de LR2L, Bernard Pingaud*, dont le travail auprès de Jacques Lang sur la politique publique du livre a joué un rôle déterminant dans l’adoption du prix unique du livre en 1981, s’est félicité de l’action menée par l’actuelle équipe de la structure régionale. L’écrivain et compagnon de route de Michel Butor a également souligné : « Le problème nouveau et fondamental pour les libraires que représente la vente de livres en ligne. »

Si les développements autour de l’iPod ont relancé un marché du disque moribond (pas concerné par la hausse en raison d’un taux déjà maximal), le développement irrémédiable des ventes de livres en ligne risque en effet de porter un coup fatal aux libraires dans les prochaines années. Aux Etats-Unis, le site de vente Amazon est déjà en situation de quasi monopole pour le livre numérique avec 60% à 70% du marché. Il lorgne désormais avidement sur l’Europe.

Face à cette offensive peu amicale, les acteurs de la chaîne du livre demeurent dispersés. Certains éditeurs qui veulent être absolument dans la course pratiquent des remises aux opérateurs qui pénalisent le réseau des libraires. Ceux-ci peinent à faire front commun comme en témoignent les difficultés pour rendre vraiment opérationnel le portail des libraires indépendants. Dans ce contexte tendu, l’augmentation du taux de TVA pour les livres, décidé par le gouvernement, s’inscrit à l’opposé de l’action publique nécessaire au soutien au secteur. A son échelle, LR2L engage une action dont la philosophie est de développer du lien avec les librairies indépendantes. Ce sera  le cas avec l’exposition itinérante de la photographe Sylvie Goussopoulos  qui présente le portrait de 30 libraires de la région mis en relation avec les textes de 30 auteurs choisis sur le territoire.

Dans une ville qui compte beaucoup de lecteurs comme Montpellier, on recensait plus de 30 librairies indépendantes, il y à 25 ans. Aujourd’hui, elles ne sont que 13 et nombre de leurs propriétaires connaissent des difficultés quotidiennes pour maintenir leurs activités. La mobilisation pour la diversité culturelle et celle de ses acteurs reste plus que jamais à l’ordre du jour.

Jean-Marie Dinh

*Dernier ouvrage paru : L’horloge de verre, Acte sud 2011

Voir aussi : Rubrique Livre, rubrique Edition, On line, Sauvez la librairie : ouvrez une librairie,

Montpellier : Le retour des « Guitar Heroes » à tous vents.

Al Di Meola le 13 octobre au Rockstore

Les Internationales de la guitare, IG pour les familiers, figurent à Montpellier et dans l’Agglo comme le festival musical de la rentrée. La 16e édition qui se tiendra du 24 septembre au 15 octobre répond aux principes fondateurs de cette manifestation. Le cocktail artistique original  du directeur Talaat El Singaby fait recette. Il se compose d’une ouverture sur le monde tirée par des grandes pointures de l’instrument à six cordes relayé par une armée de petites mains. Ajoute un souci d’éclectisme qui associe des origines très diverses (treize pays sont représentés cette année) et une redistribution qui casse le cloisonnement des genres. Classique, rock, jazz, flamenco, blues, musique tzigane, world… se côtoient à l’affiche des IG avec la volonté affichée de cohérence. Autour des grands concerts, 24 cette année, le festival propose une myriade de concerts et manifestations associées. Le programme 2011 compte près de 300 propositions, réparties dans quatre départements de la Région concernant 19 communes de l’Hérault, et dix sept villes de l’agglo.

Pour bien marquer son implication territoriale, samedi 24 septembre, l’ouverture des  IG aura lieu simultanément avec le swing manouche de Sanseverino au théâtre municipal de Mende, un concert de l’ex chanteur de Louise Attaque, Gaetan Roussel à Aigues-Mortes et la présence exceptionnelle de l’Irlandais Neil Hannon de The Divine Comedy au Corum de Montpellier.

Des concerts pour tous

Talaat El Singaby souligne la place que le festival accorde à la création citant le duo flamenco  Chicuelo et Duquende, accompagné pour l’occasion par le danseur Maria Del Mars Fuentes, 5 musiciens et un chanteur (le 25 septembre à Sérignan, La Sigalière), ou encore le trio Renan Luce, Alexis HK et Benoît Dorémus réunis pour une aventure éphémère (le 4 oct au Corum). L’épisode III de Opéra Rom est programmé au Corum le 1er octobre afin d’explorer en profondeur « tous les paroxysmes de la musique tzigane » en compagnie de grands professionnels du genre.

On peut citer aussi  Paco Ibanez qui chantera Brassens  à Lunel (le 30 septembre), Elliott Murphy au chai du Terral de Saint-Jean de Védas  le 6 octobre, John Scolfield  dans le nouvel Espace Lattara à Lattes, le 7 octobre. Le Rockstore qui s’apprête à souffler ses 25 bougies, accueillera notamment : Catherine Ringer (11 octobre), Saul Williams (12 octobre), Al di Meola (13 octobre).  Le réseau des Maisons pour Tous ainsi que certaines associations de quartier relaieront les IG au quatre coins de la ville, les médiathèques feront de même dans l’Agglo. On entend déjà les bruits de fond, la machine s’apprête à faire sonner ses moteurs à grands coups de larsens contrôlés.

Rens : Programmation 04 67 66 36 55 ou www.les-ig.com

Billet. L’ambiance des grands jours.

Couvert d’éloges pour son parcours atypique à la tête des IG, le frêchiste Talaat El Singaby affirme la cohérence de son projet. 

Talaat El Singaby

Il y avait du beau monde pour la présentation des IG 2011, mercredi. Artistes, partenaires économiques et médiatiques, acteurs culturels, emplissaient la salle de réception de la Maison des relations internationales de la ville pour cette rencontre protocolaire accessoirement baptisée conférence de presse. Cette présence immédiate à laquelle les journalistes n’ont pas vraiment accès pour exercer leur métier, les plongent parfois dans des visions oniriques intenses. Au côté de Philippe Saurel qui inaugurait ses nouvelles fonctions municipales en tant que délégué à la culture, le directeur Talaat El Singaby jubilait intérieurement de cette pleine reconnaissance. Il est en effet rarissime pour une structure associative d’accueillir à sa table l’ensemble des institutions culturelles que compte la décentralisation. Mais au-delà des répercutions en terme de financements croisés qui abondent et valident le projet, après un été mouvementé*, la plus grande satisfaction a sans doute été symbolique pour cet homme de réseau. On n’a finalement très peu parlé  d’organisation, de politique culturelle ou de programmation artistique  au cours de cette présentation. On s’est en revanche étendu sur les mérites, l’adhésion du public et la cohérence de la démarche.

« Les IG cultivent les traits qui ont fait sa marque de fabrique. Mais elles cultivent davantage leur mutation perpétuelle en prenant de court les accélérations flagrantes qui bouleversent notre monde , y compris  les arts et la culture. Elles cultivent la continuité et la rupture», affirme le directeur du festival à l’adresse du public. Ce qui replace la notion de cohérence dans une vision de confort, non dans la confrontation à un besoin concret ou exprimé, mais dans l’idée ou dans la perception qu’on s’en fait. Le directeur des IG se compte parmi les héritiers de Frêche. Il cite Nietzsche : « Je compte mes privilèges au nombre de mes devoirs ». Est-il pour autant un authentique héritier du prophète de « la mort de Dieu »  qui a cassé les systèmes ?

Jean-Marie Dinh

* En juillet, le Conseil des prud’hommes condamne l’association Confluence qui gère le personnel des IG pour non paiement d’heures supplémentaires et rupture anticipée du CDD d’une salariée. En Août, Talaat El Singaby reçoit la distinction honorifique de Chevalier des Arts et des lettres des mains du ministre de la Culture.

Voir aussi :  rubrique Musique, rubrique Montpellier Culture : Le bilan Koering, Les grandes expos à ne pas manquer en ville, rubrique Festival,   Festival de Radio France, Koering : Le public est devenu connaisseur,  rubrique Politique culturelle, rubrique Politique locale, On line Montpellier Journal IG : 390 000 euros de subvention et des interrogations ,