Villiers-le-Bel : « la juge a eu dès l’origine une position favorable à la thèse policière »

J-P Mignard

Avocat des familles des deux jeunes tués dans une collision avec une voiture de police, le 25 novembre 2007 à Villiers-le-Bel, Me Jean-Pierre Mignard explique qu’il a déposé plainte contre les policiers pour « faux témoignage » pour révéler le dysfonctionnement de la justice dans cette affaire.

Vous portez plainte contre les policiers pour « faux témoignage ». Quelles déclarations mettez-vous en cause ?

Les policiers, qui ont été entendus dans cette enquête exclusivement en tant que témoins, ont manifestement voulu cacher les circonstances exactes du choc et notamment la vitesse de leur véhicule. Devant le juge, sous serment, ils ont affirmé qu’ils avaient une circulation normale, de routine. Or, l’expertise judiciaire dit le contraire : la voiture de police a en fait connu une phase d’accélération considérable au moment du franchissement du carrefour où a eu lieu l’accident, passant en quelques secondes de 57 km/h à 64km/h. Cela montre un brusque changement d’intention, ce qui est corroboré par les enregistrements des communications entre le commissariat central et la voiture de police dans lesquelles on entend que la patrouille a décidé de se mettre à la recherche de jeunes délinquants qui auraient volé un GPS.

Cela non plus, les policiers entendus n’en ont rien dit. Idem pour la non utilisation du gyrophare ou de l’avertisseur : c’est une obligation pour tout véhicule prioritaire lorsqu’il s’affranchit des limites de vitesse, afin de permettre à n’importe qui de se mettre à l’abri. Là nous n’avons ni gyrophare ni avertisseur. Certains policiers disent que c’est parce qu’ils roulaient à une vitesse normale, mais l’expertise prouve qu’ils roulaient à 64 km/h alors que la limitation était à 50 km/h. D’autres policiers vont se justifier en disant que c’était pour réserver un effet de surprise. Pourquoi ? A l’intention de qui ? Le problème c’est que ces questions n’ont jamais été posées aux policiers ! Le rapport d’expertise, commandé par la juge, n’a été remis qu’après la première audition des policiers par l’Inspection générale de la police nationale.

Ce que vous dénoncez, c’est que la juge ne les ait pas confrontés aux incohérences entre leurs déclarations et les résultats de l’expertise scientifique ?

Exactement. Moi je crois le rapport d’expertise. Donc il faut demander aux fonctionnaires pourquoi ils n’ont pas dit la vérité, pourquoi ils ont caché avoir accéléré, pourquoi ils ont présenté des explications contradictoires sur le non-usage du gyrophare et de l’avertisseur… Ce sont des questions capitales que la juge aurait pu leur poser puisqu’elle les avait déjà entendus sous serment.

Pour moi, la juge a eu dès l’origine une position favorable à la thèse policière, ce qui fait qu’elle a décidé de ne tirer aucune conséquence du fait que l’expertise soit contraire, sur des points majeurs, à la position des policiers. Elle a considéré que la vitesse de la voiture de police, même excessive, était sans incidence sur la mort des adolescents. Or pour nous la violence du choc, qui provoque leur mort, est liée à la phase d’accélération que connaît le véhicule de police à ce moment précis. L’instruction a été exclusivement à décharge des fonctionnaires. Or elle doit être à charge et à décharge. Nous ne demandons pas plus que cela. Il n’y a même pas eu de transport sur les lieux : on ne s’est jamais rendu sur les lieux ni avec le procureur ni avec le juge !

Nous n’omettons pas que les deux adolescents roulaient sur une mini-moto interdite de circulation dans les villes, qu’ils n’avaient pas de casque et roulaient très vite. J’ai même plusieurs fois évoqué l’hypothèse qui me semblerait équitable d’un partage de responsabilité. Mais de là à exonérer les fonctionnaires de toute responsabilité, le simple fait de ne pas leur poser de question, est totalement inacceptable ! C’est la loi du silence et ce n’est pas la loi de la République.

La juge a rendu son ordonnance de non-lieu le 26 octobre. Pourquoi porter plainte maintenant ?

Parce que nous avons fait appel de cette décision et que notre appel sera examiné le 17 février par la cour d’appel de Versailles. Donc nous voulons dire devant la chambre d’instruction de la cour d’appel que cette information judiciaire a été tellement mal menée et que nous avons été contraints de déposer plainte du fait d’un dysfonctionnement de la justice. Et nous allons demander à la chambre d’instruction de s’emparer elle-même de cette affaire.

Le Monde recueilli par Aline Leclerc

Voir aussi : Rubrique Société Montée supposée de la délinquance , rencontre avec un superflic, Justice Sans-papiers un juge témoigneRecul des droits et liberté,

Assises de la consommation : le patronat reste opposé aux actions de groupe

La Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) s’est déclarée opposée, lundi, à l’instauration en France d’une procédure d’action collective, à l’occasion de l’ouverture des Assises de la Consommation.²La CGPME « ne souhaite pas l’instauration en France +d’actions collectives+ (class action), qui, sous couvert de conflits de consommation de masse avec certains grands groupes, risqueraient, au final, de pénaliser également les PME », affirme-t-elle dans un communiqué. Estimant que « la France dispose d’un droit de la consommation particulièrement protecteur », le syndicat patronal dit vouloir éviter « une judiciarisation excessive de l’économie » et « milite en faveur des voies amiables de règlement des litiges ».

Une représentante du Medef, Véronique Discours-Buhot, a également exprimé son opposition aux actions de groupe, lundi à Bercy, où le gouvernement a réuni les Assises de la consommation pour examiner les moyens de « mieux protéger » le consommateur. La création d’une procédure d’action collective (« class action ») à la française est réclamée depuis plusieurs années par les associations de consommateurs. Son introduction dans le droit français permettrait aux associations de consommateurs agréées de porter plainte contre une entreprise au nom d’un groupe de consommateurs. La ministre de l’Economie Christine Lagarde a indiqué lundi qu’elle restait « ouverte » à terme à une discussion sur les actions de groupe, promise par les gouvernements successifs. Elle a toutefois ajouté qu’il faudrait « prévoir un mécanisme qui permette de parler avant de tirer pour éviter les actions tous azimuts sans fondement sérieux ».

Affaire Kieffer: les juges français à Abidjan pour entendre Simone Gbagbo

Les juges français chargés de l’enquête sur la disparition du journaliste Guy-André Kieffer en Côte d’Ivoire en 2004 sont actuellement à Abidjan pour entendre cette semaine comme témoin Simone Gbagbo, l’épouse du président ivoirien.

Les juges d’instruction Patrick Ramaël et Nicolas Blot sont arrivés dimanche soir en Côte d’Ivoire, ont indiqué ces sources.

Ils doivent auditionner jeudi Mme Gbagbo, ainsi que le ministre d’Etat ivoirien chargé du Plan et du Développement, Paul-Antoine Bohoun Bouabré, selon des sources proches du dossier.

Mme Gbagbo et M. Bohoun Bouabré, qui ont par deux fois refusé de déférer à une convocation des magistrats à Paris, ont accepté d’être entendus à Abidjan, en présence de leurs avocats français, Georges Kiejman et Pierre Cornut-Gentille.

Ces auditions, auxquelles assisteront également des magistrats ivoiriens, sont toutefois conditionnées à trois autres auditions qui doivent se dérouler dans les jours précédents.

Les juges souhaitent notamment entendre Patrice Baï, à l’époque chef de la sécurité de la présidence, mis en cause notamment par le beau-frère de Simone Gbagbo, Michel Legré, qui est depuis revenu sur ses déclarations.

Les enquêteurs français ne soupçonnent pas le couple présidentiel ivoirien d’être impliqué directement dans cette affaire, mais certains cadres du régime liés aux milieux d’affaires.

Journaliste franco-canadien indépendant enquêtant sur diverses malversations en Côte d’Ivoire, notamment dans la filière cacao, Guy-André Kieffer a été enlevé le 16 avril 2004 à Abidjan. Il aurait été assassiné par ses ravisseurs. Son corps n’a jamais été retrouvé.

Voir aussi : Rubrique Françafrique : Elections

Le Contrôleur des prisons dresse un implacable « portrait de la France captive »

Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté a dressé mercredi un panorama sans concession de « l’arbitraire » que subit « la France captive » dans les 5.800 lieux d’enfermement de l’Hexagone.
Nommé en juin 2008 pour exercer un contrôle indépendant sur les prisons, locaux de garde à vue, dépôts de palais de justice ou hôpitaux psychiatriques, Jean-Marie Delarue a rendu public son premier rapport annuel.
Ce conseiller d’Etat, connu pour ses engagements contre les abus de la détention provisoire, a pris d’emblée à coeur sa nouvelle mission en multipliant les contrôles, inopinés pour certains.

En tout, 52 établissements ont reçu la visite de contrôleurs sur les quatre derniers mois de 2008, de quoi brosser le premier « portrait de la France captive » et « la description froide d’une réalité qui ne se laisse pas voir », selon les mots de M. Delarue au cours d’une conférence de presse à Paris.
Cet état des lieux opéré par une équipe de vingt contrôleurs a permis de constater « un déséquilibre entre les besoins de sécurité et les droits de la personne » enfermée, source de « tensions, souffrances, rapports de force et violences ».
Jean-Marie Delarue a comparé la sécurité à « un ogre jamais rassasié (qui) mange trop les droits de la personne ».
Ce « sentiment d’arbitraire », on le ressent en garde à vue, où on retire  lunettes ou soutien-gorge de toute personne arrivant (578.000 en 2008), où aucun budget n’est prévu pour acheter des médicaments en cas de besoin et où les locaux sont « exigus et mal entretenus ». « Ce n’est pas digne de la France de 2009 », a jugé le Contrôleur Delarue.

Dans les centres de rétention pour étrangers en situation irrégulière, « le port d’armes par les fonctionnaires (…) ne s’impose pas d’évidence ». Plus ubuesque, « on vous retire tout instrument pour écrire ». En revanche, « quand on arrive en prison, on vous remet de quoi écrire »…     Dans les établissements pénitentiaires, justement, dominent « les tensions, les menaces, les rackets ». Un paradoxe dans des « lieux où la règle est omniprésente, où la puissance publique est sur votre dos 24 heures sur 24 mais où tout peut arriver ».
Jean-Marie Delarue égrène les suicides (115 en 2008), les tentatives, dix fois plus nombreuses (1.200), les automutilations « jamais décomptées, pas plus que l’angoisse ou le désespoir » qui saisissent les détenus entassés les uns sur les autres.

Il y avait au 1er mars, 62.700 détenus pour 52.535 places dans les 200 prisons françaises. « Le surpeuplement, ce n’est pas seulement les matelas par terre », insiste le Contrôleur. C’est aussi « la croissance de la pauvreté » avec des accès aux activités et au travail « chichement mesurés. C’est encore « la diminution des parloirs avec les familles » et enfin un accès difficile aux soins .
Les dépôts de tribunaux, les hôpitaux psychiatriques qui manquent de lits et de personnel… Aucun type de structure n’a échappé aux premiers contrôles. Ceux-ci vont s’intensifier avec un objectif de 150 par an. Ils seront de plus en plus inopinés et le Contrôleur veillera à ce que soit préservée la sécurité des personnes qui se confient à lui.
Jean-Marie Delarue, au « travail objectif » pour la CGT-pénitentiaire et « pertinent » aux yeux de Christine Boutin, a jugé la situation « mauvaise, grave ». Il attend désormais « des réponses » du gouvernement.

Propos hors antenne de Sarkozy: trois journalistes entendus par la police

Trois journalistes convoqués après une plainte de France 3 concernant la diffusion sur internet de propos tenus hors antenne par Nicolas Sarkozy, sont arrivés ce matin dans les locaux de la Brigade de répression de la délinquance contre la personne (BRDP) à Paris pour y être entendus.Augustin Scalbert du site Rue89, Joseph Tual et  Karine Azzopardi de France 3, sont arrivés vers 9H10 devant le siège de la BRDP, accompagnés par une cinquantaine de journalistes venus manifester leur solidarité.
Peu avant, les représentants syndicaux de France Télévisions avaient dénoncé cette convocation « extrêmement grave » et « une tentative de mise au pas des journalistes que nous n’accepterons pas ».  Pierre Haski, directeur du site Rue89, rappelant pour sa part aux manifestants « nous sommes là pour défendre le droit à l’information » et jugeant les images diffusées sur internet d’éléments « parfaitement légitimes et intéressants d’information ».

Les trois journalistes ont été escortés par leurs confrères jusqu’à l’immeuble de la BRDP situé rue du Château des Rentiers (XIIIème) aux cris de « liberté d’information » certains brandissant des cassettes vidéo. Cette convocation fait suite à une plainte déposée le 8 juillet par France 3 pour « vol, recel et contrefaçon » après la diffusion sur internet, en particulier sur Rue89, d’une vidéo montrant Nicolas Sarkozy hors antenne, avant un passage au journal « 19/20 » le 30 juin.

Sur cette vidéo, qui avait été visionnée à plusieurs centaines de milliers de reprises, M. Sarkozy semblait irrité parce qu’un technicien de France 3 ne lui avait pas rendu son salut avant l’interview. Il avait également demandé au journaliste de France 3 Gérard Leclerc combien de temps il était resté « au placard ».

France 3 avait immédiatement lancé une enquête interne et « condamné avec la plus grande fermeté le piratage des images tournées pendant la mise en place de l’édition spéciale du 19/20 ». « Je suis serein, je ne suis ni un voleur, ni un contrefacteur, ni un receleur, je suis un journaliste du service public qui informe le public », a déclaré à son arrivée Joseph Tual.