Jacques Clauzel peintre de l’émergence

2013, acrylique sur papier kraft, 220 x 158 cm

2013, acrylique sur papier kraft, 220 x 158 cm

L’exposition d’hiver du Musée Paul-Valéry est placée sous le double signe de l’art contemporain et de son ancrage régional. A l’occasion d’une donation de 47 œuvres de l’artiste Jacques Clauzel, venue enrichir le fonds d’arts graphiques du musée, celui-ci lui consacre une exposition à découvrir jusqu’au 25 janvier 2015.

L’œuvre singulière et poignante de Jacques Clauzel résulte de combinaisons imprévues où la matière peinture occupe une place prépondérante. L’artiste explore les potentialités chromatiques du noir et du blanc, absolu où se résume la totalité des couleurs.

« Au début on regardait mes tableaux et on me disait : vous avez de belles couleurs. C’est sans doute ce qui m’a décidé à ne plus utiliser que le noir et le blanc sans faire de mélange. Les couleurs que l’on voit viennent de la lumière, comme par une sorte de miracle », confie l’artiste qui n’use que de matériaux pauvres comme la peinture acrylique de base, des vieux pinceaux ou outils d’ouvriers comme la truelle du maçon, « tout ce qui me tombe sous la main sauf les outils des gentils peintres », précise-il avec un petit sourire.

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Jacques Clauzel dans son atelier

A partir de 1985, il utilise le papier kraft comme support, accumule les couches pour faire surgir les traces en jouant sur le rapport support et surface. Il s’impose un effacement, refuse la maîtrise, en laissant la peinture aux commandes.

Jacques Clauzel croise les tenants du mouvement d’avant-garde français support-surface Vincent Bioulès, Daniel Dezeuze, Claude Viallat… qui sont de sa génération, sans trouver de convergence avec leur réflexion théorique.

« De par ma pratique et mon rapport simple et spirituel à la peinture, je ne pouvais m’inscrire dans les intentions affichées ce qui ne m’empêchait pas de côtoyer ces artistes par ailleurs. En peinture, il faut être de son époque. Cela ne veut pas dire qu’il faut aller voir ses amis pour savoir si ça fonctionne. On n’a pas à dire, je veux dire ceci ou cela. C’est la peinture qui demande au peintre de travailler pour elle. Je travaille par série. Je suis aspiré par plusieurs toiles qui évoluent chacune à leur rythme et puis il y a un moment où ça fonctionne. Où on est dans le sujet et on réalise un, deux, trois, dix tableaux. C’est ce moment qui me captive où je sens que ça peut apporter quelque chose au monde, puis ça s’arrête et je m’en désintéresse. Je n’ai pas envie d’exploiter des filons. Je fais ce que j’ai à faire et rien d’autre. »

2013, acrylique sur papier kraft, 220 cm x 158 cm

2013, acrylique sur papier kraft, 220 cm x 158 cm

L’exposition permet d’observer à différentes échelles, les étapes d’une création aux contours multiples qui appelle l’interprétation.

27 œuvres présentent différentes étapes et recherches de l’artiste. La seconde partie composée de 20 grands formats propose des travaux récents, « l’aboutissement de cinquante ans de peinture ». Où l’on sent de quelle manière la position de retrait de l’artiste agit sur notre rapport à la peinture.

Le musée Paul-Valéry renforce au fil du temps les liens tissés entre l’établissement et les créateurs liés à la région. Un travail précieux qui fait entrer les œuvres d’artistes vivants dans le patrimoine et les rend ainsi accessible à tous.

Jean-Marie Dinh

Source : LHérault du Jour 12/12/2014

Jacques Clauzel Bio

Né le 4 Mai 1941 à Nîmes. Étudie la peinture dans les écoles des Beaux Arts de Tourcoing, Montpellier et Paris (atelier Chastel). Grand logiste au Prix de Rome en 1964. De 1965 à 1973, d’abord décorateur à la télévision ivoirienne, puis enseignant de Peinture à l’École Nationale Supérieure des Beaux Arts d’Abidjan.

Nombreux reportages photographiques sur l’Afrique (Mali, Burkina-Faso, Niger, Ghana, Togo, Dahomey). De 1965 à 1968, périodes des papiers, peints, découpés et recomposés. A partir de 1968 se consacre à la photographie de reportage. En 1973, retour en France. Est recruté par l’École des Beaux Arts de Montpellier en 1975 pour y fonder l’atelier de photographie. En 1976, retour à la peinture par le biais de dessins automatiques. Période de recherches (papiers froissés, puis déchirés et collés, grands papiers marouflés…).

Il choisit de travailler sur papier kraft. À partir de 1985, les thèmes essentiels qui déterminent son œuvre sont identifiés et présents dans l’ensemble du travail. Jacques Clauzel pratique d’autres techniques (gravure, lithographie, sérigraphie, et photographie), édite des livres d’artiste aux éditions « A travers » et collabore avec de nombreuses autres maisons d’éditions.

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