Qu’est-ce qui oppose les sunnites et les chiites ?

Chiite et Sunnite dans le monde musulman

Chiite et Sunnite dans le monde musulman

La rupture par l’Arabie saoudite de ses relations diplomatiques avec l’Iran, dimanche 3 janvier, a creusé la cassure confessionnelle entre chiites et sunnites au Moyen-Orient. Cette montée des tensions entre les deux puissances rivales de la région est trop rapidement réduite à un conflit confessionnel entre sunnites et chiites. Pour y voir plus clair, voici un résumé de ce qui lie, différencie et oppose ces deux grandes familles de l’islam.

Une division historique

La division entre sunnisme et chiisme est historiquement le fruit d’un conflit de succession, après la mort du prophète, en 632 à Médine, dans l’actuelle Arabie saoudite. Les compagnons du prophète choisissent l’un d’entre eux, Abou Bakr, en conclave selon la tradition tribale. Selon les chiites, le pouvoir légitime revenait en droit aux descendants directs du prophète, par sa fille Fatima et son gendre Ali. Ecarté du pouvoir, ce dernier deviendra, vingt-cinq ans plus tard, le quatrième calife. Son règne, contesté par Mouawiya, un proche du troisième calife, Osman, assassiné, se termine dans la confusion et il meurt tué par d’anciens partisans devenus dissidents, les kharidjites.

Hussein, le fils d’Ali, qui se soulève contre l’autorité du calife Mouawiya, installé à Damas, sera tué lors de la bataille de Kerbala, en 680. Les chiites révèrent Ali, ses descendants et successeurs comme les « douze imams », persécutés, qui servent d’intermédiaires entre les croyants et Dieu. L’islam sunnite, lui, se voit comme la continuité des premiers califes de l’islam, qui ont conservé intacts et fait observer les commandements de Mahomet.

Une différence de doctrine

Le sunnisme, qui rassemble environ 85 % des musulmans, tend à se définir par opposition aux sectes qui ont parcouru l’histoire de l’islam, en premier lieu le chiisme, et revendique un idéal de consensus. Il se veut fidèle aux origines et pur d’influences étrangères, bien qu’il comprenne une grande variété d’interprétations et de traditions.

Il se définit par l’acceptation du Coran, parole de Dieu, et des enseignements et exemples donnés par le prophète, transmis sous forme de récits et d’informations (« ?adith » et « khabar »). Il opère un constant retour à ces textes.

Le chiisme partage ces sources fondamentales. Il est, lui aussi, très diversifié. Sa branche principale (« duodécimaine ») est caractérisée par le culte des douze imams et l’attente du retour du dernier d’entre eux, Al-Mahdi, « occulté » en 874 aux yeux des hommes mais toujours vivant, qui doit réapparaître à la fin des temps. En son absence, le clergé est investi d’une autorité particulière : il permet une médiation de l’autorité divine. Les religieux chiites sont structurés en une véritable hiérarchie cléricale, à la différence des oulémas (théologiens) sunnites.

Quelle répartition géographique ?

Le sunnisme est majoritaire au Maghreb et en Afrique noire, en Libye et en Egypte, en Turquie, en Arabie saoudite et dans le Golfe, en Syrie, en Afghanistan et au Pakistan, en Inde et en Indonésie. Les chiites sont majoritaires en Iran, en Irak, à Bahreïn et en Azerbaïdjan, et significativement présents au Liban, au Yémen et en Syrie, en Afghanistan, au Pakistan et en Inde.

  • Voir aussi : Carte interactive : où vivent chiites et sunnites au Moyen-Orient
  • Des rivalités exacerbées par les luttes politiques
  • Les divisions entre sunnites et chiites fluctuent à travers l’Histoire, selon les luttes politiques. Au XVIe siècle, la dynastie safavide, qui impose le chiisme en Iran, combat ainsi la Turquie ottomane, sunnite, même si la religion n’explique qu’en partie leur différend.
  • A l’époque moderne, en 1979, la révolution islamique iranienne polarise le Moyen-Orient. La volonté iranienne d’exporter sa révolution et sa politique de soutien à des groupes armés chiites, en premier lieu le Hezbollah, au Liban, mais aussi au Koweït, cristallisent les rivalités avec les pays arabes sunnites de la région, qui soutiennent Saddam Hussein dans sa guerre contre l’Iran (1980-1988). Au même moment l’Arabie saoudite, où le wahhabisme, un courant du sunnisme ultrarigoriste et antichiite, est religion d’Etat, soutient le djihad antisoviétique en Afghanistan. Al-Qaida s’y forgera.En 2003, l’invasion américaine de l’Irak déclenche une guerre civile entre chiites et sunnites irakiens. La branche irakienne d’Al-Qaida y développe un djihad spécifiquement antichiite, et forme, avec le renfort d’anciens cadres du régime de Saddam Hussein, la matrice de l’actuelle organisation Etat islamique (EI). Celle-ci profite aujourd’hui du ressentiment des populations sunnites d’Irak contre le gouvernement dominé par les partis chiites, et sous influence iranienne. L’EI a par ailleurs mené des attentats terroristes contre des communautés chiites loin de ses lignes de front d’Irak et de Syrie, jusqu’en Arabie saoudite, au Koweït, au Yémen et au Liban.

    En 2011, dans la foulée des « printemps arabes », la Syrie bascule dans la guerre civile. La répression du régime, tenu par la minorité alaouite (une branche du chiisme) à laquelle appartient la famille Assad, a favorisé la montée en puissance d’un extrémisme sunnite, communauté dont est issue la quasi-totalité de la rébellion anti-Assad. Par la suite, le régime a libéré des prisonniers djihadistes sunnites, dont certains ont rejoint l’EI, le Front Al-Nosra (la branche syrienne d’Al-Qaida) et des groupes radicaux, afin de diviser et discréditer l’opposition comme la rébellion.

  • Une rivalité mise en scène par l’Iran et l’Arabie saoudite
  • Le conflit syrien est devenu un terrain d’affrontement, par alliés interposés, entre l’Iran, dont les forces et les milices chiites internationales (Liban, Irak, Afghanistan) combattent aux côtés des troupes régulières et de la Russie, et les puissances sunnites que sont l’Arabie saoudite, la Turquie et les monarchies du Golfe, qui appuient des groupes rebelles.

    Arrivé au pouvoir en janvier 2015 en Arabie saoudite, le roi Salmane a adopté une stratégie agressive pour contrer l’influence iranienne au Moyen-Orient. Ce raidissement s’est matérialisé par l’entrée en guerre de l’Arabie saoudite au Yémen, en mars 2015. Le royaume saoudien, qui a formé une coalition de neuf pays arabes sunnites, cherchait à empêcher la rébellion des houthistes, de confession zaïdite (une branche du chiisme), alliés à l’Iran, de s’emparer de son voisin du Sud.

  • Louis Imbert

Source : Le Monde.fr 08/01/2016

La mosquée de Lunel a élu son nouveau président après des mois de tensions

 La mosquée de Lunel, . PASCAL GUYOT / AFP

La mosquée de Lunel (Hérault) a un nouveau président. Après des mois de vives tensions avec un groupe de jeunes radicalisés, l’équipe dirigeante de l’Union des musulmans de Lunel ? association gestionnaire de la mosquée de cette ville de 26 000 habitants ? avait été contrainte de démissionner. Les hostilités avaient été attisées par le départ d’une vingtaine de jeunes Lunellois pour le djihad en Syrie, où au moins huit d’entre eux ont été tués.

Le scrutin, initialement prévu dimanche 25 octobre, avait dû être interrompu, en raison de discussions qui avaient viré à la bagarre entre une poignée de jeunes intégristes et d’autres fidèles à l’intérieur même du lieu de culte.

Le nouveau président, Benaissa Abdelkaoui, est un habitué de la mosquée, bien connu de toute la communauté. Il a travaillé dans le maraîchage en Petite Camargue avant de devenir chauffeur routier. Il a dit après son élection ne souhaiter qu’une chose : « Que nous puissions vivre notre religion dans la tranquillité. »

« Que tout rentre dans la normale »

Benaissa Abdelkaoui bénéficiait du soutien d’une figure incontournable de la communauté musulmane régionale, Driss El Moudni, président depuis 2008 du Comité régional du culte musulman (CRCM). Pour ce dernier, « le nouveau président et le nouveau bureau vont tout faire pour que tout rentre dans la normale. Nous allons faire très vite une journée portes ouvertes pour bien montrer ce qui est fait à la mosquée ». L’une des premières tâches de l’association sera de chercher un imam. « Ce n’est pas simple. Il faut trouver quelqu’un de bien formé et de bilingue. On va les aider », a assuré M. El Moudni.

L’imam précédent, Elhaj Benasseur, a lui aussi démissionné en raison des tensions avec un groupe de jeunes radicalisés. La communauté musulmane est particulièrement importante à Lunel. Le chômage également. Certains jeunes de la communauté, en mal d’avenir, se sont laissés séduire par les discours des mouvances djihadistes et sont partis en Syrie, en 2014, sous la bannière de l’Etat islamique.

À l’époque, l’Etat s’alarme, le préfet multiplie les déplacements dans la ville et cherche à voir s’il y a à Lunel « une filière de recrutement de djihadistes ». Le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, fait le déplacement en février pour bien affirmer qu’il fait la différence entre « l’islam de tolérance » souhaitée par la très grande majorité de la communauté musulmane, à Lunel comme ailleurs, et une poignée de jeunes à la dérive et radicalisés.

A la mosquée, les tensions s’aggravent quand l’imam essaie de dissuader les jeunes de partir en déclarant dans un prêche qu’aller faire le djihad en Syrie ou en Irak n’est en rien un précepte de l’islam. Des jeunes radicaux s’en prennent à lui, et professent des menaces de mort contre lui et sa famille.

L’imam porte plainte et gagne son procès en septembre 2015 : deux jeunes d’une trentaine d’années sont condamnés en correctionnelle à 18 mois avec sursis et interdiction de retourner à la mosquée. Mais ils font appel du jugement et, en attendant un nouveau procès, reviennent à la mosquée. L’imam préfère alors jeter l’éponge. Le 18 octobre, le président de l’association, Rachid Belhaj, lui emboîte le pas et démissionne à son tour, après seulement dix mois de mandat.

Le nombre de fidèles a baissé de moitié

Deux semaines plus tard, c’est dans un climat apaisé que la communauté s’est retrouvée dimanche pour voter, sous le regard de quelques policiers restés de l’autre côté de la route, « au cas où ». Quatre-vingt-treize personnes ont voté (sur 800 adhérents), soit un nombre dans la norme des élections précédentes. « Notre système de vote est simple, explique un fidèle, un papier d’une couleur par candidat. Comme il n’y avait qu’un candidat, on n’avait cette fois-ci qu’un papier à mettre si on souhaitait voter ! ».

La plupart des musulmans qui avaient fait le déplacement refusaient néanmoins d’échanger avec les journalistes et préféraient partir discrètement… « Je n’ai rien à dire », « Je ne parle pas français », « Je ne suis pas le responsable, je ne peux pas vous parler »… Les traces des tensions précédentes sont aussi visibles à la prière du vendredi : en un an, le nombre de fidèles a diminué de moitié, de nombreux musulmans ayant fini par déserter le lieu de culte pour prier chez eux. D’après la préfecture, aucun jeune Lunellois n’est parti pour la Syrie cette année.

Anne Devailly

Source Le Monde.fr 01/11/2015

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Boualem Sansal « L’univers romanesque permet de s’adresser à tous »

Boilal Sansal  à Montpellier Photo JMDI

Boilem Sansal à Montpellier Photo JMDI

Boualem Sansal. En lice pour le Goncourt, l’auteur algérien fait escale à Montpellier pour présenter son roman « 2084 La fin du monde » fenêtre sur le totalitarisme du big brother islamiste.

L’écrivain algérien francophone Boilem Sansal vit à Boumerdès, près d’Alger. Censuré dans son pays d’origine à cause de sa position très critique envers le pouvoir en place et l’obscurantisme islamiste. Il était l’invité de la librairie Sauramps à Montpellier où il a évoqué son dernier roman 2084* La fin du monde.

Dans 2084, vous reprenez la matrice de 1984 d’Orwell pour offrir un panorama de réflexions sur le totalitarisme islamique. Qu’est-ce qui a motivé ce choix ?

La réalité. L’islamisme se propage de manière préoccupante. Sur le plan théorique, il a démarré en 1928 avec la création de l’association des Frères Musulmans et d’une idéologie de reconquête des terres d’Islam puis à travers la volonté d’étendre la prédication à l’ensemble de la planète. Au départ la stratégie reposait sur l’armée et sur un rapprochement avec le peuple. Avec l’idée que la force c’est le peuple, celui qui rendra l’islam invincible. Ensuite ils ont évolué en choisissant de travailler de manière pacifique mais aussi plus insidieuse en empruntant toute une série de techniques au marketing et à la politique, pour conquérir des marchés et des territoires.

A partir de l’Afghanistan on a vu l’islamisme basculer. Cet islamisme radical, a été artificiellement créé par la CIA qui a joué le développement de l’islam comme rempart au communisme afin de préserver l’accès au pétrole. Les Etats-Unis ont trouvé dans cette démarche des alliés très intéressés comme l’Arabie Saoudite et le Qatar. Tout cela est arrivé dans mon pays dans les années 80. On a vu que la démarche commençait par la destruction de l’ordre et de notre manière de vivre.

C’est un roman d’anticipation essentiellement politique. Vous ne décrivez pas d’autres évolutions ?

Un système totalitaire fige la situation. Après la prise du pouvoir, il entre dans une logique nouvelle. Celle de conserver le pouvoir. Et pour cela, met en place une dictature qui efface la langue, la culture, l’histoire, et toutes perspectives d’avenir afin de mettre en place un système carcéral. La pensée des prisonniers s’éteint et finalement, ils ne souhaitent plus être libérés.

Pour l’adversaire à l’obscurantisme déterminé que vous êtes, est-ce que le choix de la fiction permet de mettre en place un appareil critique plus éclairant que l’essai ou l’engagement politique ?

Si vous militez, vous devenez partisan. Par exemple de la démocratie, mais cela reste une vision parcellaire, et du coup, vous ne pouvez pas globaliser votre démarche. Je cherchais à trouver l’élément le plus fédérateur. L’univers romanesque permet de s’adresser à tous. Il transcende les visions partisanes et permet de construire une alliance sacrée contre l’islamisme. L’avantage de la fiction permet peut être de concerner les musulmans tandis que les appels partisans les rebutent parce qu’on critique l’islam qui est une partie d’eux-mêmes.

Quel regard portez-vous sur la révolution de Jasmin et ses suites ?

Connaissant toutes les inhibitions, les freins et les contradictions, religieuses, ethniques, qui traversent ces sociétés, je n’ai jamais cru au Printemps arabe. La démocratie ne se réduit pas au vote. A la base cela suppose une révolution philosophique. Cette révolution ne s’est pas faite dans les pays arabes. On adopte les élections comme on l’a fait en Egypte où en Algérie où les gens ont voté pour Bouteflika. On pourrait dire que c’est une démocratie mais on sait que l’on peut faire voter des ânes et faire élire un âne.

Il semble qu’il se passe quelque chose en Tunisie mais je n’y crois pas à long terme. Les questions fondamentales, comme la religion ou le statut des femmes ne sont pas traitées. La symbolique de la violence reste le pilier de l’Etat, ce qui est propre aux sociétés féodales. Il reste un long chemin, on peut considérer que l’on avance, mais comme on fait un pas en avant un pas en arrière, je n’y crois pas.

La réduction de l’autonomie individuelle passe par le vecteur de la peur, notamment du terrorisme qui conduit l’occident depuis le 11 septembre 2001 à une société sécuritaire. De la même façon, l’intégrisme n’est pas seulement islamique. Ne craignez-vous pas que certaines interprétations de votre livre n’entrent en contact avec l’islamophobie ambiante ?

Lorsque j’écrivais, je voyais à chaque ligne, l’exploitation que l’on pourrait faire de mon travail,  dans le bon et le mauvais sens. La société occidentale se radicalise on est dans l’atmosphère des années 30. L’Europe se délite, les contrôles aux frontières sont rétablis.

Cette question est vraiment centrale, est ce que la crainte que sa parole soit exploitée est une raison suffisante pour ne pas dire ? Est-ce qu’on ne fait pas en sorte de nous empêcher de nous exprimer ? Parce que dès qu’on dit un mot, on peut être taxé de raciste, à l’égard des blancs, des noirs, des islamophobes, des anti européens. Les accusations fusent dans tous les sens.

On dit que tel texte est récupéré par l’extrême-droite mais beaucoup de textes sont aussi récupérés par le discours islamiste. Le fait est, que partout dans le monde on ne peut plus parler. Je pense que comme les gens qui prennent les armes pour leur liberté politique, il y a des gens qui doivent se battre pour leur liberté d’expression quelle que soit l’exploitation que l’on peut en faire. Si j’avais tenu compte de ce paramètre, je n’aurais jamais écrit.

Vous dessinez un islam global, sans marquer la différence entre chiites et sunnites qui est actuellement un enjeu géopolitique majeur…

C’est actuel, mais je situe l’action de mon livre dans un siècle. A la différence de l’islamisme qui n’évolue guère, l’islam lui, évolue. Regardez ce qui s’est passé en trente ans. Tout cela est appelé à changer très vite. Dans un siècle, l’islam pourrait très bien se situer entre  le chiisme, le sunnisme et la démocratie.

Rejoignez-vous la pensée d’Orwell qui préférait les mensonges de la démocratie au totalitarisme ?

Absolument, j’ai un compagnonnage politique de longue date avec Orwell qui a écrit beaucoup de textes en dehors de son oeuvre romanesque. On a différé sur un point, malgré le fait que j’ai été très tenté de le suivre. 1984 s’articule autour d’une histoire d’amour. J’avais envie de reprendre cela mais dans l’environnement de l’islam, cela paraissait très difficile sur le plan de la narration. Comment envisager l’amour dans un pays où des amoureux de 17 ans mettent des mois pour parvenir à se toucher la main ?

Vous concluez votre livre sur une note positive ; le passage d’une frontière…

C’était pour le plaisir. Après une année à mariner dans cet univers carcéral, j’étais fatigué donc je me suis dit : sois un peu optimiste. Et puis cette idée de frontière qui est là bas et qu’il suffit de franchir m’est apparue très romantique. J’ai succombé à cette porte de sortie en me disant que cela ferait plaisir aux lecteurs.

Recueilli par Jean-Marie Dinh

 2084 édition Gallimard 19,50 euros

Source : La Marseillaise 17/10/2015

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Syrie : Obama traite avec Moscou et s’accommode d’Assad

Vladimir-Poutine-Barack-Obama-750x400Lors d’un entretien lundi, Vladimir Poutine et Barack Obama se sont entendus sur des « principes fondamentaux » pour la Syrie, a déclaré mardi le secrétaire d’Etat John Kerry.

Le renforcement de la présence militaire russe a sans doute amené le président américain Barack Obama à tirer deux conclusions désagréables sur la Syrie: il lui faut traiter avec Moscou et s’accommoder, du moins provisoirement, du maintien au pouvoir de Bachar al Assad. Isolé sur le plan international depuis le début de la crise ukrainienne au printemps 2014, Vladimir Poutine s’est replacé au centre du jeu dans le pays en envoyant chars et blindés près de Lattaquié, une manoeuvre qui inquiète Washington et a certainement poussé le président américain à accepter une entrevue en tête à tête lundi avec son homologue russe.

Lors de cet entretien, le premier en plus de deux ans, Vladimir Poutine et Barack Obama se sont entendus sur des « principes fondamentaux » pour la Syrie, a déclaré mardi le secrétaire d’Etat John Kerry, même si le Kremlin voit dans les divergences persistantes sur l’avenir de Bachar al Assad le signe que les relations entre les deux superpuissances ne sont pas encore au beau fixe. Le président syrien est solidement soutenu pas Vladimir Poutine, qui a estimé lundi à la tribune des Nations unies que ne pas collaborer avec Bachar al Assad contre les djihadistes de l’Etat islamique (EI) était une « énorme erreur ».

Barack Obama a au contraire répété à Vladimir Poutine que la Syrie ne retrouverait jamais sa stabilité si Bachar al Assad, qu’il venait de qualifier de « tyran » à la tribune de l’Onu, devait conserver sa place de président, selon un responsable américain au fait des discussions. Le point de vue du président américain est partagé par la France ou l’Arabie saoudite, dont le ministre des affaires étrangères Adel al Djoubeïr a jugé « inconcevable » le maintien au pouvoir d’Assad dans le cadre d’un règlement politique.

Multiples échecs diplomatiques

John Kerry a passé l’essentiel de ses journées à l’Assemblée générale des Nations unies à tenter de définir une nouvelle voie politique sur la Syrie et d’assembler un nouveau « groupe de contact » après les multiples échecs diplomatiques passés. Un groupe qui s’il émerge, comprendrait probablement la Grande-Bretagne, la France, l’Allemagne et un certain nombre d’acteurs régionaux comme l’Arabie saoudite, le Qatar et la Turquie, qui soutiennent la rébellion anti-Assad.

A la tribune de l’Onu, Barack Obama a ajouté que les Etats-Unis étaient disposés à coopérer avec la Russie et l’Iran pour résoudre le conflit syrien. La possibilité de reconstituer un groupe P5+1 (Etats-Unis, Russie, Chine, Allemagne, France, Royaume-Uni) comme celui qui a négocié avec Téhéran l’accord sur le nucléaire iranien a également été évoquée. John Kerry reconnaît cependant qu’il sera difficile de rassembler toutes ces parties sans accord sur l’avenir de Bachar al Assad.

« Même si le président Obama voulait jouer le jeu (…), il y a 65 millions d’Arabes sunnites entre Bagdad et les frontières de Turquie, de Syrie et d’Irak qui n’accepteront jamais, jamais plus, Assad comme dirigeant légitime », a dit mardi le chef de la diplomatie américaine dans l’émission « Morning Joe » de MSNBC. « Les Russes doivent comprendre qu’on ne peut avoir la paix sans résoudre la question de l’adhésion de la population sunnite », a-t-il ajouté. Les spécialistes de politique étrangère jugent que la meilleure solution serait donc de laisser la question d’Assad de côté, en attendant.

Ils relèvent d’ailleurs qu’en dépit de sa position officielle en faveur du départ du président syrien, Washington dit ne pas voir de moyen d’y parvenir à un coût acceptable et affiche comme première priorité la lutte contre l’EI. « Si le départ d’Assad, la défaite de l’EI et un avenir pacifique pour la Syrie sont l’objectif ultime, n’essayons pas de tout faire en une seule fois », dit Matthew Rojansky, du Wilson Center, groupe de recherches de Washington. Une phase 1 consisterait par exemple selon lui à voir les Etats-Unis et la Russie travailler ensemble à la lutte contre l’EI, même si cela implique provisoirement de renforcer Assad.

« Il peut y avoir une phase 2. Il peut y avoir une phase 5 », ajoute-t-il.

Phil Gordon, coordonnateur jusqu’en avril dernier de la politique de la Maison blanche au Proche-Orient, prônait vendredi dans le magazine Politico « un nouveau processus diplomatique qui mettra autour de la table tous les principaux acteurs extérieurs et débouchera sur un compromis compliqué en vue d’une désescalade du conflit, même si cela oblige à remettre à plus tard la question d’Assad ».

Andrew Harnik

Source Les Echos.fr 30/09/2015

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L’Arabie saoudite, ce pays qui décapite les droits de l’homme

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L’Arabie saoudite, l’une des championnes du monde de la peine de mort, a pris la tête lundi d’une instance chargée de nommer les experts du Conseil des droits de l’homme de l’Onu. Pour Hillel Neuer, directeur exécutif de l’ONG UN Watch, « il est scandaleux que l’Onu choisisse un pays comme l’Arabie Saoudite pour présider ce groupe : les pétrodollars et la politique l’emportent sur les droits de l’homme. » Cette nomination intervient au même moment que la condamnation d’Ali Mohammed al-Nimr. Ce jeune homme va être « décapité puis attaché à une croix et laissé [jusqu’à] pourrissement ». Comment en est-on arrivé là ? Le focus d’ARTE Info sur ce pays, berceau du wahhabisme, forme la plus « pure » de l’islam.

La sentence va être appliquée dans les prochains jours. Ali Mohammed al-Nimr a épuisé tous les recours possibles et toutes les possibilités d’appel. Arrêté en 2012, à l’âge de 17 ans, lors d’une manifestation contre le régime saoudien, cet opposant chiite a été condamné le 15 octobre 2014 par le tribunal pénal spécial de Riyad pour les infractions suivantes : « désobéissance et déloyauté à l’égard du chef de l’État », « appel au renversement du régime », « appel à manifester », « incitation au conflit sectaire », « remise en question de l’intégrité du pouvoir judiciaire » et « ingérence dans les affaires d’un État voisin » (à savoir Bahreïn). Une décision fondée sur les « aveux » obtenus sous la torture selon Ali al-Nimr.

Cette exécution suscite l’indignation dans le monde entier et est relayée par les réseaux sociaux, notamment Twitter sous le hashtag #Freenimr. Son père, Mohammed al-Nimr, est réfugié en Grande-Bretagne. Il détaille sur Twitter les incohérences du procès, pointées du doigt par Amnesty International.

En 2015, une frénésie d’exécutions

Cette condamnation s’ajoute aux tristes statistiques de l’Arabie saoudite où, entre 2014 et le début de 2015, près de la moitié des exécutions concernent des crimes n’ayant pas entrainé la mort. Au moins 175 personnes ont été exécutées, soit une personne tous les deux jours. Une cadence qui a obligé récemment l’Arabie Saoudite à recruter des bourreaux. En une année, la fréquence des exécutions a considérablement augmenté.

Le wahhabisme, forme radicale de l’islam

On ne peut guère expliquer ce pic d’exécutions, qui place ce pays à la troisième place des pays pratiquant l’exécution capitale derrière la Chine et l’Iran. L’Arabie saoudite est un Etat autocratique, dirigé par une seule famille. La vie quotidienne est réglementée par des lois strictes et le droit saoudien est basé sur la charia. Les exécutions -décapitation, lapidation ou flagellation – se font souvent en public. Des méthodes qui poussent à la comparaison avec celles pratiquées par le groupe Etat islamique, même si les autorités saoudiennes s’en défendent.

Mathieu Bosh

Source Arte 23 /09/2015

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Voir aussi : Actualité Internationale, Rubrique Arabie Saoudite,