La guerre de l’info de Vincent Bolloré

Vincent Bolloré fait sa loi à Canal+, er ça ne fait que commencer  Photo dr

Vincent Bolloré fait sa loi à Canal+, er ça ne fait que commencer Photo dr

Livre Médias : Raphaël Garrigos et Isabelle Roberts racontent avec humour et acuité le feuilleton du jeu de massacre à Canal +

« C’est une histoire de violence. C’est une histoire de vengeance de pouvoir, d’argent, mais avant tout une histoire de violence. Oh, personne n’est mort et ceux que Vincent Bolloré a passés par la fenêtre parce qu’ils ne voulaient pas prendre la porte s’en sont tirés avec des ecchymoses à l’orgueil et des chèques de départ correspondant à leurs gros émoluments. Mai Canal+ a été mise au pas

Tels sont les propos préliminaires que tiennent les journalistes Raphaël Garrigos et Isabelle Roberts qui dirigeaient la rubrique «Ecrans Médias» au journal Libération au début de leur livre  L’empire  Comment Vincent Bolloré a mangé Canal+*. Un livre d’actualité sorti en septembre 2016 qui revient dans les détails sur la prise de pouvoir d’un homme qui impose sa vision du monde aux journalistes. En piétinant le droit à l’information, à la libre expression et à la critique, considérés comme des libertés fondamentales de tout être humain et notamment des journalistes dont l’éthique professionnel en fait, ou devrait en faire, les garants du droit à l’information et donc, de la démocratie.

Ce livre enquête dont les épisodes ont été publiés sur le site Les jours depuis le début de l’année se poursuit. Comme d’ailleurs l’action de Vincent Bolloré en prise avec la rédaction de i-Télé, la filière de Canal+ dont les journalistes ont reconduit hier la grève jusqu’à lundi. Avec une détermination certaine puisque la poursuite du mouvement a été votée par 88 voix pour, 4 voix contre et 14 abstentions.

Vincent Bolloré bafoue les principes élémentaires de l’exercice du métier de journaliste. Signe encourageant, ceux-ci commencent à relever la tête collectivement.

« Rien ne justifie de vider les bureaux des grévistes pendant le week-end ou de pousser au départ des journalistes à force de découragement et de vexations.» Peut-on lire dans les colonnes du Monde. « Nous nous trouvons face à un combat fondamental pour toute la presse et chaque journaliste soucieux de l’avenir de sa profession ferait bien de s’y associer. Ce qui se passe à i-Télé pend au nez de beaucoup d’autres médias », écrit Jérôme Lefilliâtre dans Libération.

Les auteurs de l’Empire  qui ont eu un accès privilégié à des sources qui n’ont pas l’habitude de parler, précisent que ce combat n’est pas un épiphénomène mais bien une guerre au long court.

« Il a déjà fixé la date, le 17 février 2022, Vincent Bolloré léguera sa petite épicerie à sa dynastie. Du transport et de la logistique, du fioul et des batteries électriques, du plastique et des palmiers en Afrique. Et Havas. Et Vivendi. Et Canal+. Depuis l’été 2015, l’homme d’affaires mène un raid sur le groupe crypté dont il a viré la quasi-totalité des dirigeants. Désormais, Vincent Bolloré fait sa loi à Canal+, et ça ne fait que commencer

La résistance aussi !

JMDH

*L’Empire éditions du Seuil 2016, 15 euros

Source La Marseillaise 29/10/2016

Voir aussi : Actualité France, Rubrique Livres, Essais, rubrique Médias, rubrique Rencontre, Entretien avec Laurent Mauduit,

La grève à i-Télé reconduite pour la onzième journée

Des journalistes grévistes rassemblés devant la rédaction d’i-Télé à Boulogne-Billancourt, le 25 octobre. CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP

Des journalistes grévistes rassemblés devant la rédaction d’i-Télé à Boulogne-Billancourt, le 25 octobre. CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP

Pour la onzième journée d’affilée, ils protestent contre l’arrivée de l’animateur Jean-Marc Morandini, mis en examen pour « corruption de mineur aggravée » dans le cadre de castings douteux pour le tournage d’une websérie érotique, estimant qu’il compromet l’image de la chaîne. La poursuite du mouvement a été votée par 90 voix pour, 5 voix contre et 22 abstentions.

Les négociations avec la direction de la chaîne ont repris mercredi.

L’émission de Morandini suspendue

Outre le départ de l’animateur, les journalistes demandent une charte éthique pour garantir leur indépendance vis-à-vis de leur principal actionnaire, Vincent Bolloré, et la nomination d’un directeur de la rédaction distinct du directeur de la chaîne.

Lundi, la direction de Canal+ a annoncé la suspension pour « des raisons opérationnelles » de l’émission de Jean-Marc Morandini, « Morandini Live », qui doit toutefois reprendre dès l’arrêt de la grève.

Source le Monde 27/10/2016

 

Editorial. du Monde

TROIS BONNES RAISONS DE FAIRE GREVE A I-TELE

 

Il y a trois bonnes raisons de faire grève aujourd’hui à i-Télé, filiale de Canal+ contrôlée par le milliardaire Vincent Bolloré. La première, c’est l’arrivée de Jean-Marc Morandini, qui a déclenché toute l’affaire. On ne met pas à l’antenne d’une chaîne d’information un animateur mis en examen pour corruption de mineurs et à qui le contrôle judiciaire interdit d’être au contact de jeunes de moins de 18 ans.

Si Jean-Marc Morandini a naturellement droit à la présomption d’innocence, sa situation est incompatible avec l’exercice digne du métier de journaliste : le lien de confiance avec les téléspectateurs est brisé.

Deuxième raison, la brutalité des méthodes de Vincent Bolloré. Ce dernier utilise les mêmes recettes que celles employées à ­Canal+, qui ont conduit à l’effacement du « Petit Journal » et du « Grand Journal ». ­Certes, la chaîne se cherche un modèle depuis sa naissance, elle accumule les pertes et a des perspectives sombres avec la création ex nihilo de la chaîne d’information du service public Franceinfo et le passage en clair de LCI.

Cela ne justifie pas de vider les bureaux des grévistes pendant le week-end ou de pousser au départ des journalistes à force de découragement et de vexations. L’activation d’une clause de conscience pour les journalistes désireux de quitter la chaîne relève du dévoiement et du plan social déguisé.

Troisième raison, Vincent Bolloré bafoue les principes élémentaires de l’exercice du métier de journaliste. Dans ce domaine, il a déjà un long passé derrière lui : il a laissé censurer un documentaire mettant en cause un ami banquier, ou omis, dans son quotidien gratuit, Direct Matin, de signaler qu’il est propriétaire de la compagnie camerounaise victime d’une catastrophe ferroviaire il y a quelques jours…

Des engagements clairs, tels qu’une charte

C’est donc à l’aune de ces agissements que la rédaction d’i-Télé se bat pour des principes qu’elle estime indispensables à l’exercice de son métier : la signature d’une charte éthique et la séparation entre le rôle de ­directeur de la chaîne et celui de directeur de la rédaction, soit entre le business et le ­contenu. Deux fonctions cumulées par Serge Nedjar, homme de confiance de Vincent Bolloré.

Or la direction de la chaîne ne donne suite à aucune de ces revendications. Au contraire, elle invoque le nouveau projet éditorial, baptisé CNews, dans lequel la chaîne i-Télé, amincie et rapprochée de ­Direct Matin, aura pour fonction de valoriser les piliers du groupe Canal+ : la culture et le cinéma, le sport et l’international. Les journalistes s’en inquiètent, qui veulent apporter une information fiable avant d’être au service des intérêts de leur groupe.

Cette bataille est emblématique des enjeux qui traversent les médias et la profession de journaliste, notamment depuis que des groupes industriels puissants, comme Vivendi, ou des milliardaires en quête d’influence, ont pris le contrôle de nombreux supports. Dans ce monde hyperconcentré, seuls des engagements clairs, tels qu’une charte, sont de nature à établir un lien de confiance avec le public.

Ce sera obligatoire dès la mi-2017, grâce à l’adoption d’une proposition de loi sur l’indépendance des ­médias, dont l’un des surnoms est « loi anti-Bolloré ». Le peu d’empressement des politiques à se signaler dans le dossier révèle la puissance financière de l’homme d’affaires. C’est une raison supplémentaire de soutenir les journalistes d’i-Télé.

Source Le Monde 26/10/2016

Voir aussi : Actualité France, rubrique Médias, Main basse sur l’Information, Grève à i-Télé : «La direction est en train de détruire la chaîne, rubrique  Société, Citoyenneté, Mouvement Sociaux, On Line, Ce qui se passe à i-Télé « pend au nez de beaucoup d’autres médias »,

Grève à i-Télé : «La direction est en train de détruire la chaîne»

 La façade de la rédaction d’i-Télé, après la chute de certaines lettres de la nouvelle enseigne installée samedi. La façade de la rédaction d’i-Télé, après la chute de certaines lettres de la nouvelle enseigne installée samedi. STR / AFP

La façade de la rédaction d’i-Télé, après la chute de certaines lettres de la nouvelle enseigne installée samedi. STR / AFP

Milan Poyet, journaliste et porte-parole du mouvement de grève, fait part de son inquiétude dans la résolution du conflit qui oppose les salariés à la direction, le plus long dans l’histoire de la chaîne d’info.

Après le réaménagement brutal ce week-end des bureaux de la rédaction d’i-Télé pour faire place à celle de Direct Matin, la situation semble toujours bloquée. Questions à Milan Poyet, journaliste au sein de la rédaction d’i-Télé et porte-parole du mouvement de grève.

Après le réaménagement surprise de vos locaux ce samedi, quelle est l’ambiance aujourd’hui à i-Télé ?
 

Question dialogue, plus rien n’avance. Nous avons eu hier la visite des déménageurs, certains bureaux ont été déplacés et des effets personnels des journalistes jetés à la poubelle. Sans que personne ne nous ait prévenus. Tout ça n’arrange pas les choses. Cela alimente le climat de défiance entre les salariés et la direction. Quant aux discussions, elles sont toujours au point mort. La commission de conciliation a été un échec vendredi. On demande officiellement la nomination d’un médiateur, mais nous n’avons toujours pas de retour du ministère de la Culture qui connaît très bien la situation de notre chaîne. Nous avons la main tendue vers la direction qui ne veut toujours pas la saisir.

Comment analysez-vous sa stratégie ?

J’ai l’impression qu’ils ont choisi la ligne dure et qu’ils ne se rendent pas compte qu’ils sont tout seuls. Les médias, les salariés et l’opinion sont avec nous, les gens nous soutiennent à 2 000 %. Ils nous disent : «Ne lâchez pas.» C’est la preuve que le combat est juste. Nos convictions sont fortes. On a revoté la grève jusqu’à lundi à 90 % et, pourtant, nous sommes dans une entreprise qui n’a pas cette culture de la grève. En juin dernier, il y a eu un mouvement. 50 personnes ont été remerciées sans qu’on ne leur donne rien. On a finalement obtenu gain de cause et trouvé un accord. Là, nous sommes dans le conflit le plus long de l’histoire d’i-Télé. On entre dans le huitième jour.

Quelle issue voyez-vous à ce conflit ?

Quand je vois les AG, la détermination de chaque journaliste et salarié, j’imagine mal la direction ne pas lâcher quelque chose à un moment donné. Il y a une solidarité entre nous, c’est hyper fort. La raison voudrait que la direction cède, mais ils ont montré qu’ils n’étaient pas raisonnables. La raison voudrait aussi que Jean-Marc Morandini ne vienne pas… Ils devraient signer une charte éthique, définir un projet éditorial clair et précis. Nous nous battons pour que la rédaction reste indépendante : c’est quand même hallucinant qu’on en soit là aujourd’hui. Ils veulent nous mettre au pas. Avec Zemmour et les frères Bogdanov, ils font le choix d’une stratégie d’audience à tout prix. Le divertissement informatif, ce n’est pas notre rôle.

Craignez-vous que l’image de la chaîne en pâtisse ?

On se pose beaucoup cette question. On n’abîme pas la chaîne en faisant grève. Ce que la direction fait, c’est pire. Ils sont en train de la détruire. Je ne dis pas qu’on va sortir renforcés, mais on leur demande de ne pas faire venir des gens qui ne sont pas journalistes sur une chaîne d’info. On leur demande de nous laisser faire notre travail, comme tout autre média. Nous ne sommes pas près de lâcher. Cela fait une semaine qu’on ne travaille pas et qu’on n’est pas payés mais les considérations financières passent après nos convictions. Même si ça va être compliqué ce mois-ci, ce n’est pas grave. C’est un combat, on est sûrs de nos forces. On ne veut pas que l’actionnaire puisse dire : «Regardez, j’ai réussi à mettre les journalistes au pas.» Attaquer les médias comme le fait Vincent Bolloré, c’est attaquer une partie de la démocratie.

Didier Arnaud

Source Libération 23/11/2016

Voir aussi : Actualité France, rubrique Médias, Main basse sur l’Information, rubrique  Société, Citoyenneté, Mouvement Sociaux,

Le publireportage menace l’info à Canal +/I télé

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Communiqué Du SNJ-CGT
Le publireportage menace l’info à Canal +/I télé

Le 1er juin 2016, dans un entretien avec Olivier Ravanello, président de la Société des journalistes de Canal +/I Télé, Serge Nedjar, (déjà directeur général de Direct Matin et président de la régie publicitaire du groupe !) récemment nommé directeur d’I-télé par Vincent Bolloré, déclarait envisager de ne pas renouveler une cinquantaine de CDD, soit prés du tiers des effectifs d’I-Télé, et vouloir maximiser les recettes de la chaîne en « faisant rentrer des programmes pour les sponsors », en faisant du « partenariat », en « vendant de la pub », et en « faisant des patrons en interview ».

Le président de la SDJ lui ayant rappelé que les journalistes d’I-Télé ne pouvaient déontologiquement s’associer à des publireportages, Serge Nedjar a répliqué en substance qu’ils n’auraient pas le choix, qu’ils allaient devoir s’adapter et qu’en presse écrite, les journalistes qui résistaient se retrouvaient au chômage. Or selon une des chartes de déontologie des journalistes professionnels, tout journaliste digne de ce nom « refuse et combat, comme contraire à son éthique professionnelle, toute confusion entre journalisme et communication ».

Le 1er juin dernier, questionné par la commission culture de l’Assemblée Nationale sur la censure d’un documentaire sur le Crédit Mutuel en mai 2015 dans l’émission Spécial investigation, Maxime Saada, directeur général du groupe Canal + avait affirmé : « Il n’y a jamais eu aucune censure, aucune instruction d’où qu’elle vienne (…) En réalite? il n’y a aucun fait précis, concret, sur la censure, qui ait été démontré ».

En mai 2015, l’enquête sur le Crédit Mutuel, banque partenaire de Vincent Bolloré, avait bien été déprogrammée par la direction de Canal +. L’enquête n’a jamais été reprogrammée.

Le 16 septembre 2015, devant les délégués du personnel, Elodie Bouvet Lustman, directrice des affaires sociales chez Canal + élargissait officiellement la censure, annonçant que toute mise en cause de « partenaires actuels ou futurs » du groupe serait désormais proscrite : « La direction tient avant tout à défendre les intérêts du Groupe CANAL+ et estime qu’il est donc préférable d’éviter certaines attaques frontales ou polémiques à l’encontre de partenaires contractuels actuels ou futurs ».

Plus généralement, depuis l’arrivée de Vincent Bolloré à la tête de Canal +, les choix imposés par la direction concernant l’information posent de nombreuses questions quant au respect de l’indépendance des rédactions des différentes chaînes du groupe. Une situation sans précédent, depuis la création de la chaîne cryptée en 1984.

Les journalistes de I-Télé ou Canal + continueront à respecter les chartes de déontologie qui régissent leur profession. Le SNJ-CGT apporte tout son soutien aux salariés du groupe Canal+ et se tient à leurs côtés pour résister aux ingérences de leur direction.

Montreuil, le 07/06/2016

 

Syndicat national des journalistes CGT 263, rue de Paris – Case 570 – 93514 Montreuil CedexTe?l.: 01 55 82 87 42 – Te?le?copie : 01 55 82 87 45 – Courrier e?lectronique : snj@cgt.fr – site Internet : www.snjcgt.fr

Voir aussi : Actualité France, Rubrique Médias, La presse à l’heure des purges et des publireportages, rubrique Politique, rubrique Société, emploi,