Sarkozy annonce des dépenses massives et s’engage à résorber les déficits

Tout en annonçant de nouvelles dépenses massives dans le cadre du grand emprunt, Nicolas Sarkozy s’est efforcé lundi de donner des gages de sa volonté d’assainir les finances de la France, au moment où l’inquiétude monte en Europe face à l’explosion des dettes publiques. ‘Etat va débloquer 35 milliards d’euros pour investir dans ses « priorités d’avenir ». Vingt-deux milliards seront empruntés sur les marchés financiers, le reste provenant des aides remboursées par les banques.

Cette opération, très médiatisée depuis son annonce en juin, va alourdir le déficit public, déjà attendu l’an prochain – hors emprunt – au niveau inédit de 8,5% du produit intérieur brut (PIB), ainsi que la dette publique, qui devrait atteindre 84% du PIB en 2010. Avec les 22 milliards levés sur les marchés, la dette va à terme automatiquement grimper d’autant, ce qui représente un point de PIB. L’impact sur le déficit est, lui, plus difficile à évaluer, car cela dépendra du moment où les fonds seront décaissés et de la façon dont ils seront utilisés.

Quoi qu’il en soit, le grand emprunt va compliquer encore la tâche de la France, qui s’est finalement engagée, sous la pression de Bruxelles, à ramener dès 2013 son déficit public sous la limite de 3% du PIB.
Le lancement de cet emprunt intervient de surcroît au moment où les marchés s’alarment de la dérive de la dette d’autres pays européens, Grèce en tête, dont les finances publiques ont été dévastées par la crise.

Dès novembre, l’agence Moody’s avait jugé que l’emprunt jetterait une ombre sur la bonne note dont bénéficie la France comme emprunteur. Du coup, Nicolas Sarkozy s’est longuement apesanti sur sa « stratégie globale de rétablissement » des finances publiques et sur les caractéristiques de cet emprunt qui se veut peu gourmand en déficit.

Ainsi, l’appel aux marchés permettra selon lui d’économiser un milliard par rapport à une opération partiellement lancée auprès des particuliers. De plus, les modalités choisies (prêts participatifs, avances remboursables, fondations dotées en capital) se traduiront par la constitution d’actifs dans le bilan de l’Etat. Enfin, « cet emprunt ne financera aucune dépense courante » et les intérêts qu’il générera « vont être immédiatement gagés par des économies supplémentaires sur les dépenses courantes de l’Etat », a plaidé Nicolas Sarkozy.

Cette dernière mesure devrait permettre de réduire les dépenses de fonctionnement d’environ 800 millions d’euros par an, selon une source à Bercy. Sur le plus long terme, le président Sarkozy a promis d’organiser en janvier « une conférence sur le déficit de la France qui réunira des représentants de l’Etat, de la sécurité sociale et des associations d’élus locaux ». Le gouvernement tirera ensuite, au printemps, les conclusions des différentes « propositions pour sortir de la spirale des déficits et de l’endettement ». Mais le chef de l’Etat a déjà promis un nouveau tour de vis sur les dépenses, assurant, une fois de plus, que « la stratégie de l’augmentation des impôts est impossible en France ».

« Il va falloir dépenser moins, dépenser mieux », a-t-il martelé, comparant la dépense publique française (52,3% du PIB) à celle de l’Allemagne (43%). Dans cette optique, alors que la majorité accuse les collectivités de gauche de jouer les cigales, les régions, départements et mairies seront incitées à participer à l’effort collectif. Enfin, le président Sarkozy n’a pas exclu d’inscrire dans la Constitution, à l’instar de l’Allemagne, l’obligation de revenir à l’équilibre budgétaire, avec une date-butoir.

  Sarkozy: « nous voulons les meilleures universités du monde »

Nicolas Sarkozy a affirmé lundi que la France entendait avoir « les meilleures universités du monde » en y consacrant 8 des 35 milliards d’euros du Grand emprunt. « Notre objectif est très simple: nous voulons les meilleures universités du monde », a déclaré le chef de l’Etat en préambule à une conférence de presse à l’Elysée. Selon lui, la France va « se doter de moyens jamais mobilisés » à cette fin pour « gagner le combat de la compétitivité ».

M. Sarkozy a indiqué qu’il s’agissait de « faire émerger une dizaine de campus d’excellence avec les moyens, la taille critique, les liens avec les entreprises qui leur permettront de rivaliser avec les meilleures universités mondiales ». « Huit milliards d’euros y seront consacrés selon des critères stricts définis par un jury international », a-t-il enchaîné.

« Ces universités recevront après un processus de sélection rigoureux et peut-être même une période probatoire, des dotations aux alentours (…) d’un milliard d’euros chacune en pleine propriété », a-t-il détaillé. « Ces sommes seront consacrées à l’achat d’équipements de pointe mais l’essentiel permettra de doter les universités bénéficiaires d’un capital générateur de revenu », a poursuivi le chef de l’Etat.
Cette mesure, selon lui, est « à l’image de ce qui se fait dans les pays dont les universités sont au premier rang de la performance mondiale » et permettront à ces universités d’être dotée « pour la première fois » de fonds propres.

 Sarkozy: l’emprunt générera 60 mds EUR d’investissements publics et privés

 Le grand emprunt que va lancer la France permettra de générer « 60 milliards d’euros d’investissements publics et privés », a déclaré lundi le président Nicolas Sarkozy lors d’une conférence de presse. « Ce sont 60 milliards d’euros d’investissements publics et privés que nous allons déclencher dans cinq domaines prioritaires », a-t-il affirmé. La part de l’investissement public sera de 35 milliards. « Depuis 1974, la part des investissements dans la dépense publique est passée de 12,5% à 7,5% (…) Nous avons constamment sacrifié l’investissement », a ajouté le chef de l’Etat.

La croissance française trop « lente » en 2010 pour enrayer le chômage (OCDE)

 Après la récession en 2009, la France devrait enregistrer une « croissance lente » de 1,4% l’an prochain puis de 1,7% en 2011 qui ne sera pas suffisante pour empêcher le taux de chômage d’augmenter, prévoit l’OCDE dans ses dernières prévisions. Dans sa précédente estimation publiée fin juin, l’Organisation pour la coopération et le développement économiques s’attendait à une baisse du produit intérieur brut (PIB) français de 3% en 2009 et ne tablait que sur une croissance de 0,2% en 2010.

La Commission européenne a publié début novembre des prévisions très proches de celles de l’OCDE, avec 1,2% de croissance en 2010 et 1,5% en 2011. De son côté, le gouvernement français conserve pour l’instant une prévision de croissance « prudente » de 0,75% pour l’an prochain mais mise sur une progression du PIB de 2,5% en 2011 et 2012.

D’après l’OCDE, la croissance française ne sera « pas suffisamment élevée pour stabiliser l’emploi et la hausse du taux de chômage pourrait bien ne pas s’achever avant le début de 2011 », pour dépasser 10% de la population active en France métropolitaine, contre 9,1% en 2009. « La suppression annoncée, et bienvenue, de la taxe professionnelle, quoique compensée en partie par l’introduction d’une taxe carbone, produira un effet de relance budgétaire supplémentaire de l’ordre de 0,6 point de PIB en 2010 », note l’OCDE.

L’organisation estime que le plan de relance de l’économie mis en place par le gouvernement français doit se poursuivre comme prévu l’an prochain pour ne pas pénaliser la reprise.
« Mais les pouvoirs publics devraient se garder d’amplifier ce soutien », insiste l’OCDE, qui juge que l’heure est plutôt à « une stratégie de sortie de crise pluriannuelle solide et crédible ».

L’OCDE constate en effet que les finances publiques de la France « ont payé un lourd tribut à la crise financière et à la récession », avec un déficit public qui va culminer en 2010 « aux alentours de 8,5% du PIB tandis que la dette publique devrait dépasser 90% du PIB », même en l’absence de grand emprunt.

L’organisation se montre d’ailleurs particulièrement sceptique sur cet emprunt voulu par le président Nicolas Sarkozy, dans la mesure où l’opération « interviendra trop tard pour contribuer à la reprise et rendra encore plus difficile l’indispensable assainissement des finances publiques ».

« Les projets potentiellement attractifs devraient être financés par des coupes dans des postes de dépenses moins productives, ou par une hausse de la fiscalité sur les successions et les biens immobiliers, comme cela est envisagé actuellement », estime l’OCDE. Des nouvelles réformes « seront nécessaires pour enrayer et inverser la tendance à l’augmentation de la dette publique à long terme », ajoute le rapport.

AFP