Aaron Siskind. Un poète photographe qui transcende le documentaire

homage-to-aaron-by-gerardo-franciscoPavillon Populaire. Exposition consacrée à Aaron Siskind dont la pratique proche de l’abstraction tient une place majeure dans l’histoire de la photographie.

Une figure majeure de la photographie américaine, à découvrir actuellement à Montpellier, Aaron Siskind (1903-1991) voit l’importance de son œuvre se déployer enfin dans une exposition monographique exhaustive. Constituée de près de 250 tirages originaux, conçue et organisée par le Pavillon Populaire, en collaboration avec les archives Siskind (Center for Creative Photography, Tucson) et la Aaron Siskind Foundation de New York, c’est la première exposition de cette importance organisée depuis plus de 30 ans.

Photographe américain, enseignant et journaliste, Aaron Siskind est né le 4 décembre 1903 à New York. Après des études en littérature, il se destinait à être poète mais devenu membre de la Photo League, il prend part à des enquêtes sur la vie dans les quartiers populaires durant la grande dépression.

Il commence à pratiquer la photographie en 1932. Contrairement aux autres séries documentaires de l’époque, ses reportages Dead End : The Bowery et Harlem Document, consacrés à un quartier de Manhattan dont la population est éprouvée par la crise, témoignent d’un intérêt égal pour les aspects esthétiques de l’image et pour les difficultés des individus qu’il rencontre. Aaron Siskind a été qualifié de photographe abstrait. Beaucoup de ses photos relèvent d’une esthétique novatrice qui appelle des sentiments et offrent des perspectives sur la vie et l’histoire.

Aaron-Siskind-moma-1011-16Dès la fin des années 1930, Siskind s’éloigne des sujets humains, et se tourne vers la photographie d’architecture (Old Houses of Bucks County), fixant l’image de vieilles maisons du comté de Bucks, mais aussi de phénomènes naturels et composant des natures mortes.

Sous l’influence des peintres abstraits comme Wilhem De Kooning ou Franz Kline, les recherches menées par Siskind ont eu pour point de départ le désir d’exprimer sa propre intériorité à travers la photographie, au lieu de ne voir en elle qu’un moyen d’enregistrer la réalité extérieure. Le photographe ouvre ainsi la voie en libérant la photographie de la représentation de la réalité. Son travail a offert un modèle important pour d’autres photographes qui ont voulu s’écarter de la pratique documentaire pour communiquer des idées personnelles.

Aaron-Siskind+art-010Siskind était un explorateur, une sonde du monde visuel. Il a créé des images. En espérant exprimer des vérités durables de l’expérience humaine. Avec Siskind Une autre réalité photographique Gilles Mora renoue avec sa passion pour les photographes américains, qu’il sait faire partager pour notre plus grand plaisir.

JMDH

Source La Marseillaise : 04/01/2015

 Jusqu’au 22 février 2015, du mardi au dimanche : 10h – 13h et de 14h – 18h entrée libre.

Cy Twombly tire un trait

Le rejet de la maîtrise comme une constance

Le peintre américain, figure de la New York School, est mort hier à 83 ans.

Sans trop y croire, on avait caressé l’espoir de le rencontrer à Avignon cet été. On attendait la réponse à notre demande d’un très improbable entretien. On est désormais fixés : Cy Twombly est mort hier dans un hôpital romain, des suites d’un cancer. Il avait 83 ans. C’est Eric Mézil, le directeur de la collection Lambert qui l’a annoncé, deux semaines après l’ouverture de l’exposition singulière qu’ils ont conçue ensemble et qui, pour la première fois, dévoile les photos prises depuis plus de cinquante ans par cet immense artiste américain.

Né Edwin Parker Twombly en 1928 à Lexington (Virginie) et vite appelé Cy, comme son père (un ancien champion de base-ball), Twombly a traversé dans ses grandes largeurs la deuxième moitié de l’art du XXe siècle. C’est à Rome que tout ou presque a également commencé pour lui. Mais Rome en Géorgie où il a fréquenté la Darlington School après s’être initié, enfant, au dessin. C’est surtout au tout début des années 50, au mythique Black Mountain College, près d’Asheville (Caroline du Nord) que tout s’est précipité avec la rencontre d’autres artistes majeurs de sa génération, devenus ses amis : Robert Rauschenberg, Franz Kline, Robert Motherwell mais aussi le musicien John Cage ou le chorégraphe Merce Cunningham.

Après un service militaire passé à découvrir et exercer la cryptologie, ce qui marquera à jamais son rapport à la graphie, dans une quête incessante à mixer dessin et peinture, Twombly s’installe à New York où, en compagnie de son coloc d’atelier Rauschenberg, mais aussi de Jasper Johns, il participe à l’inflexion d’un mouvement artistique déjà bien amorcé et connu sous le nom de New York School, en y introduisant notamment avec ses sculptures faites d’objets de récupération une attention marquée pour le primitivisme. Habité tout autant par la culture classique, il choisit, alors qu’il n’a pas encore 30 ans, de quitter cette scène new-yorkaise pour s’installer entre Rome et Naples, à Gaeta où il aura vécu jusqu’à la fin, construisant une œuvre monumentale au fil de grands cycles et consacrée par tous les grands musées du monde. Depuis qu’il avait exposé ses gigantesques pivoines en 2007 à la collection Lambert d’Avignon, il rêvait d’y revenir. Comme artiste, explique Eric Mézil, mais aussi comme commissaire mixant, tel un DJ, les œuvres d’autres – Sol LeWitt, Diane Arbus, Cindy Sherman, Ed Ruscha en l’espèce pour cette exposition «le Temps retrouvé» qui durera jusqu’au 30 octobre.

Au même moment, au Sud de Londres, à la Dulwich Gallery, Twombly livre son dernier combat. Ses œuvres monumentales, par exemple Hero and Leandro, de 1985, inspirée d’un poème de Marlowe, se confrontent à celles d’un héros de jeunesse de l’artiste, Nicolas Poussin. La preuve que l’art abstrait sait aussi raconter des histoires. Celle de Twombly s’est achevée d’un simple point noir, hier à Rome.

Sylvain Bourmeau (Libération)

 

Voir aussi : Rubrique Art, Artistes méconnus de RDA, rubrique Etats-Unis, rubrique Danse, De Joyce à Cunningham, rubrique Expositions, Les chambres noires du Sud, Les sujets de l’abstraction, rubrique Livre Ray Carver tragédie de la banalité, On line Les belles saisons de Cy Twombly,