Stratégie Alstom : les errances de l’Etat actionnaire

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C’est l’histoire du démantèlement progressif d’un fleuron industriel français : hier numéro un mondial dans plusieurs secteurs stratégiques comme les centrales électriques ou le train à grande vitesse, Alstom est en passe aujourd’hui de voir sa dernière activité passer sous contrôle étranger. Comment a-t-on bien pu en arriver là ? C’est ce qu’ont cherché à comprendre une mission d’information au Sénat et une commission d’enquête à l’Assemblée, qui se sont penchées en particulier sur le rôle des pouvoirs publics dans cette affaire.

« Si l’on est arrivé à une telle défaillance de l’Etat à protéger ses intérêts fondamentaux, c’est par cécité, imprévision et entre-soi », résume le député d’Eure-et-Loir (LR) Olivier Marleix, président de la commission. Retour sur les carences de l’Etat stratège à travers deux épisodes récents emblématiques de l’histoire d’Alstom : la vente de la branche énergie à General Electric en 2014 et la cession programmée de celle du ferroviaire à Siemens.

Une longue histoire

La cession de l’équipementier des centrales nucléaires puis celle du fabricant de TGV ne sont que l’épilogue d’un processus commencé il y a vingt ans. En 1998, le conglomérat industriel, issu du rapprochement dans les années 1960 entre Alsthom et la Compagnie générale d’électricité, se scinde en deux. D’un côté, Alcatel, spécialisée dans les télécommunications, dont l’histoire sera jalonnée d’échecs jusqu’à son rachat en 2015 par le finlandais Nokia. De l’autre, Alstom, qui se séparera à son tour en 2006 de son activité de construction navale, les fameux Chantiers de l’Atlantique, qui appartiennent désormais à l’italien Fincantieri.

Ces choix stratégiques opérés par les directions successives d’Alstom n’ont pas tous été inspirés, loin s’en faut. Mais ce qui pose question, c’est l’attitude des pouvoirs publics. L’État était en mesure de peser, par le biais de la commande publique, sur la stratégie du groupe, dont ses métiers sont très dépendants. Mais aussi directement, lorsqu’il a été présent, à deux reprises, à son capital. En 2004 d’abord, quand il est entré au capital de l’entreprise pour lui éviter la faillite, puis à nouveau de 2014 à fin 2017, lors de la vente de la branche énergie.

Cette cession a longtemps été analysée comme une trahison de la direction d’Alstom, qui aurait mis Bercy devant le fait accompli. Le rapport de la commission d’enquête avance une autre lecture : l’opération se serait faite sous la houlette du secrétaire général adjoint de la présidence de la République de l’époque, un certain… Emmanuel Macron. Et ce, sans même en référer à son supérieur direct, Pierre-René Lemas, ni même à François Hollande !

Promesses non tenues

Au moment de la vente à General Electric (GE), le ministre de l’Économie d’alors, Arnaud Montebourg, a tout de même arraché des contreparties. Tout d’abord, le retour de l’État au capital d’Alstom : il a exigé de Bouygues, premier actionnaire, qu’il lui prête une partie de ses actions, correspondant à 20 % du capital, en se réservant la possibilité de les lui acheter à terme. Ensuite, la création de trois entreprises communes à Alstom et GE. Enfin, l’américain s’est engagé à créer 1 000 emplois en France d’ici à la fin 2018. A la veille de la date d’échéance de cet accord, fin 2018, il ne reste presque rien de ces engagements. L’État a rendu ses actions à Bouygues à la fin 2017, sans utiliser son option d’achat, et Alstom a signé un accord en mai avec General Electric pour sortir, dès cet automne, des trois co-entreprises. Les objectifs de créations d’emplois semblent, quant à eux, inatteignables, puisqu’on n’en comptait que 323 en avril 2018. Et l’avenir est inquiétant : le conglomérat américain est engagé dans un vaste plan de suppressions de postes visant à diminuer ses effectifs au niveau mondial de 20 %. Il entend supprimer 4 500 postes en Europe. Si la France est relativement épargnée pour l’instant, c’est en partie grâce à l’accord de 2014. Or, ce dernier se termine à la fin de l’année.

Face à cette impuissance de l’État à faire respecter des engagements à certains grands groupes, les parlementaires estiment plus judicieux de négocier des accords dont la sortie est progressive, à la place d’une date butoir. Surtout, ils demandent des sanctions financières dissuasives en cas de non-respect des engagements. Le gouvernement semble prêt à s’engager dans cette voie : il a annoncé début juin qu’il appliquerait fin 2018 à GE la pénalité prévue dans le contrat de vente de la branche énergie d’Alstom, soit 50 000 euros par emploi manquant par rapport à l’objectif des 1 000 créations nettes d’emploi.

Face à un tel bilan, nombreux sont ceux qui appréhendent une répétition du scénario avec la cession de l’activité ferroviaire d’Alstom à son concurrent allemand Siemens, qui devrait être bouclée en fin d’année. Si les protagonistes de la fusion la justifient par la mise en place d’un « Airbus du ferroviaire », la nouvelle structure est en réalité bien éloignée du projet politico-industriel du constructeur aéronautique. Certes, la future entité gardera son siège social en France et sera dirigée par l’actuel PDG français d’Alstom, Henri Poupart-Lafarge. Il n’en reste pas moins que Siemens disposera de la majorité des sièges au conseil d’administration avec seulement 50 % du capital de la nouvelle structure, et qu’il pourra accroître sa participation dans les prochaines années. « C’est un cadeau immense à Siemens, considère le sénateur du Doubs (PS) Martial Bourquin. Alstom est cédée pour zéro euro. » Ce n’est en effet pas une vente, puisque Siemens ne rachète pas Alstom, mais une fusion de deux groupes avec le contrôle de l’instance suprême de gouvernance confié à Siemens.

« Siemens prend le contrôle de nos brevets, de nos compétences, de notre carnet de commandes rempli sur plusieurs années, de notre trésorerie, le tout sans rien dépenser », déplore Boris Amoroz, délégué syndical central CGT d’Alstom. « Un rapprochement plus équilibré et plus favorable aux intérêts français était possible », estime de son côté Martial Bourquin, qui met en avant d’autres solutions comme la création d’un groupement d’intérêt économique (GIE) ou d’une filiale commune.

Un risque pour l’emploi en France

L’enjeu, désormais, c’est la pérennité des treize sites français d’Alstom et l’avenir de leurs 8 500 salariés. Leurs syndicats redoutent que Siemens privilégie les sites et les emplois en Allemagne plutôt qu’en France. Et ce, malgré les engagements pris par Alstom et Siemens auprès du gouvernement français. « Aucun départ contraint ni aucune fermeture de site ne pourra avoir lieu dans les deux pays [France et Allemagne, NDLR] jusqu’en 2023 au moins », a indiqué Bruno Le Maire. Le contenu exact de l’accord est cependant tenu secret et même les syndicats n’y ont pas eu accès. Le parlementaire Martial Bourquin, qui a pu le consulter, déplore l’absence de véritables garanties et de pénalités en cas de non-respect. En outre, la direction de l’entreprise dispose d’autres moyens que les « départs contraints » pour supprimer des postes, qu’il s’agisse des plans de départ volontaire ou des ruptures conventionnelles collectives, mises en place en 2017 par les ordonnances travail.

Par ailleurs, cet accord ne couvre qu’une période de quatre à cinq ans d’activité qui était déjà assurée pour Alstom grâce à son carnet de commandes bien rempli. Les craintes sur le maintien de l’emploi en France portent donc sur la période après 2022. D’autant « qu’il y a eu un accord entre le syndicat allemand IG Metall et Siemens sur le maintien de l’emploi en Allemagne », précise Patrick de Cara, délégué syndical CFDT. Un engagement qui inquiète les syndicats français, car ces derniers n’ont rien signé d’équivalent avec les directions d’Alstom ou de Siemens.

Les premières conséquences sociales devraient cependant se faire sentir ailleurs, dans les rangs des fournisseurs des deux entreprises. Une partie des 4 500 entreprises sous-traitantes d’Alstom, employant au total 27 000 salariés, risque d’être inquiétée lors de l’uniformisation des fournisseurs de la nouvelle entité. Ainsi, si les modules de commande se font désormais aux normes établies par Siemens, il est à redouter que cela profite à des sous-traitants outre-Rhin.

Tout ceci nourrit les critiques d’un accord très déséquilibré et aux objectifs mal définis. L’intersyndicale (FO, CFDT, CFE-CGC, CGT) s’y est d’ailleurs opposée en critiquant « un projet uniquement politique et financier, sans aucune stratégie industrielle ». « Si l’idée de se rapprocher d’un acteur européen a du sens, cet accord est uniquement capitalistique, c’est juste être plus gros », pense le sénateur Martial Bourquin.

Une bonne affaire pour Bouygues

« Dans ce dossier, l’État n’a pas rempli son rôle », ajoute-t-il. Une plainte visant les pouvoirs publics a d’ailleurs été déposée par Anticor. L’association reproche à l’État de ne pas avoir utilisé l’option d’achat sur les parts de Bouygues, « le privant d’un gain de 350 millions d’euros ». Si l’État est perdant, Bouygues, le premier actionnaire d’Alstom avec 28 % du capital, réalise une très belle opération. Il devrait en effet toucher jusqu’à 500 millions d’euros en prime de contrôle et dividendes exceptionnels du fait de la cession à Siemens. Le groupe de BTP et de médias a enregistré des gains financiers à chaque étape du démantèlement d’Alstom, puisqu’il avait déjà touché 900 millions d’euros après la vente de la branche énergie à General Electric. L’accord avec Siemens arrange les affaires de Bouygues, qui ne cache pas sa volonté de sortir du capital d’Alstom depuis plusieurs années : ce rapprochement devrait lui permettre de revendre ses actions à bon prix. En effet, depuis l’annonce de l’accord, le cours de l’action d’Alstom a bondi d’environ 30 %. Négligence ou connivence, l’État donne ainsi l’impression d’avoir privilégié les intérêts du premier actionnaire d’Alstom, au détriment d’une stratégie industrielle de long terme.

Justin Delépine

En 2004, Alstom a frôlé la faillite. Sous-capitalisée à la suite de son divorce d’avec Alcatel, l’entreprise a connu une crise de liquidités liée à la nature de son activité. En effet, dans les secteurs du transport et de l’énergie, les ressources financières devancent la production, qui est par nature longue à réaliser. Mais quand les commandes diminuent, et donc que les avances financières des clients se font plus rares, les coûts pour la production des commandes passées doivent toujours être supportés, ce qui met à mal la trésorerie. En manque de liquidités, l’entreprise a davantage de difficultés à convaincre de nouveaux clients. Un cercle vicieux. A la suite d’un retournement du marché en 2003-2004, Alstom s’est retrouvée dans cette situation et a dû faire appel à l’Etat, qui a injecté 720 millions d’euros dans l’entreprise, afin de lui permettre de traverser ce trou d’air.

 

  • 2004 Face au risque de faillite du groupe, l’Etat entre au capital d’Alstom en en acquérant 21 %, pour un coût de 720 millions d’euros.
  • 2006 L’Etat sort du capital d’Alstom en cédant ses parts à Bouygues pour 2 milliards d’euros.
  • 2014 Alstom vend sa branche énergie à General Electric pour 12 milliards d’euros. Au travers d’un prêt d’actions de Bouygues, l’Etat contrôle 20 % du capital d’Alstom.
  • 2017 Accord pour la fusion Alstom-Siemens. L’Etat annonce ne pas utiliser ses options d’achat sur les actions de Bouygues et sort donc du capital.

Voir aussi : Rubrique Affaires, Alstom vendu aux Américains : retour sur les dessous d’un scandale,

Forçons la France à ne plus stocker nos données !

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Impossible de stocker les infos sur les communications de toute une population : c’est trop grave pour notre droit à la vie privée. C’est la justice européenne qui le dit et c’est à nous, désormais, de forcer la France à obéir.

A cette échelle, ce n’est plus un pavé, mais une plaque tectonique. Pour la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), c’est tranché : les Etats n’ont pas le droit de forcer Orange, Bouygues, SFR et tous leurs voisins, à conserver en vrac et par défaut, les infos portant sur l’ensemble de nos communications téléphoniques ou sur Internet.
« Prises dans leur ensemble, ces données sont susceptibles de permettre de tirer des conclusions très précises concernant la vie privée des personnes », argumente la Cour.
Or le respect de la vie privée et la protection des données personnelles sont deux droits fondamentaux de l’Europe. Tordre ces principes en stockant les infos entourant les échanges de toute une population « doit être considéré comme particulièrement grave ».
« Et susceptible, ajoutent les juges, de générer dans l’esprit des personnes concernées le sentiment que leur vie privée fait l’objet d’une surveillance constante. »
Rendue ce 21 décembre, cette décision est contraire à bon nombre de pratiques aujourd’hui en cours dans les Etats, dont la France. Or il ne s’agit pas de l’énième avis consultatif d’une sombre institution dont tout le monde se moque. Cette fois, tous les membres de l’UE doivent s’y conformer. Et c’est à nous, citoyens du Vieux Continent, de nous mobiliser pour garantir que tel soit bien le cas.

Le combat contre le terrorisme ne justifie pas tout

Les Etats ont en effet tout intérêt à laisser cette décision pourrir aux oubliettes. France, Grande-Bretagne, Allemagne, Suède… la grande majorité a accentué, ces dernières années, sa scrutation des échanges sur les réseaux au nom, le plus souvent, de la lutte contre le terrorisme. Et les drames récents n’ont bien sûr rien arrangé.
Loi de programmation militaire, loi renseignement en France, « Investigatory Powers » en Grande-Bretagne… à chaque fois, la surveillance des citoyens est allée un cran plus loin. Les interrogations sur l’efficacité et la légalité d’un tel choix, elles, étant de plus en plus rejetées et taxées par les responsables politiques d’irresponsabilité, de fantasmes et de paranoïa. Rappelez-vous la grosse colère de Bernard Cazeneuve contre Rue89 lors du débat sur la loi renseignement…
Or que dit ici la gardienne même du droit qui s’applique à tous les Etats-membres ? Que le combat contre le terrorisme, « pour fondamental qu’il soit », ne justifie pas tout. Ou, en langage de la CJUE (point 103) :

« Si l’efficacité de la lutte contre la criminalité grave, notamment contre la criminalité organisée et le terrorisme, peut dépendre dans une large mesure de l’utilisation des techniques modernes d’enquête, un tel objectif d’intérêt général, pour fondamental qu’il soit, ne saurait à lui seul justifier qu’une réglementation nationale prévoyant la conservation généralisée et indifférenciée de l’ensemble des données relatives au trafic et des données de localisation soit considérée comme nécessaire aux fins de ladite lutte. »

 

 

 

5 conditions strictes pour choper les méta-données

En clair, la Cour dit bien que les priorités législatives des Etats sont en contradiction avec la loi européenne, nous confirme un expert de la matière sous couvert d’anonymat.
Elle ne nie pas la possibilité même de stocker des infos sur une connexion à Internet, ou un appel téléphonique. Mais impose des conditions strictes, inexistantes dans de nombreux Etats, comme la France.
  • Ces données ne portent pas sur le contenu des communications (le corps d’un e-mail, votre conversation téléphonique…) mais bien sur des informations périphériques et techniques. C’est ce qu’on appelle les méta-données : qui appelle qui, de quel appareil, à quelle heure, combien de temps ? Sur ce point, les Etats sont a priori plutôt au point, même si, à la fleur de flous dans les textes, des différences d’interprétation demeurent encore (par exemple : l’objet d’un e-mail fait-il partie du contenu ou des métadonnées ?).
  • Ces données ne portent pas sur toute la population. Seuls des individus ciblés peuvent voir leurs données stockées ; la Cour refuse toute « conservation généralisée et indifférenciée », y compris « à des fins de lutte contre la criminalité ».
  • Une fois stockées, ces données ne peuvent être consultées qu’aux « seules fins de lutte contre la criminalité grave », et non pas pour contrer de petits délits.
  • Une fois stockées, ces données ne peuvent être consultées qu’après « contrôle préalable par une juridiction ou une autorité administrative indépendante ».
  • Enfin, le stockage de ces données ne peut être fait que « sur le territoire de l’Union ».

 

 

Enquête judiciaire, administrative, fisc, douane…

En France, les règles sont à des années-lumières de ces exigences.
Les opérateurs sont tenus de conserver pendant un an ce genre d’informations (articles L-34-1 et R10-13 du Code des postes et des communications électroniques). Et s’ils refusent, ils risquent jusqu’à un an de prison et 75 000 euros d’amende, rappelle le juriste Alexandre Archambault, également ancien employé de Free, sur Twitter.
Mais le plus savoureux est que ces données servent à peu près à tout.
  • Au départ, elles devaient servir « pour les besoins de la recherche, de la constatation et de la poursuite des infractions pénales. »
  • Mais cette consultation s’est étendue du judiciaire à l’administratif. Soit en clair aux services de renseignement. La loi de programmation militaire (LPM) de 2013 y a consacré tout un chapitre, lui-même étoffé par la loi renseignement de 2015.
  • Grâce au « droit de communication », invention géniale qui permet à l’administration d’obtenir les infos qu’elle veut, le fisc, les douanes, l’Urssaf, l’Autorité des marchés financiers ou la direction de la concurrence peuvent se faire communiquer ces infos, pour progresser dans leurs enquêtes ou prévenir la fraude.Le gouvernement actuel chérit tellement ce levier qu’il l’a également glissé dans sa loi sur l’immigration, adoptée en mars, pour les étrangers demandant un titre de séjour. Il l’a aussi prévu dans la loi sur le dialogue social et l’emploi pour fliquer les faits et gestes des chômeurs, avant de le retirer in extremis.
On en oublierait presque, tant les entorses possibles sont nombreuses et l’encadrement strict, le principe de départ… qui oblige l’effacement et l’anonymisation de « toute donnée relative au trafic » ! « L’exception est devenue de facto la norme », commente Alexandre Archambault.

Une affaire étouffée depuis 2014

En 2014, le député Les Républicains Lionel Tardy s’inquiétait déjà de la légalité de cet open bar de données et interpellait la Chancellerie sur la question.
A l’époque déjà, la Cour européenne avait fait savoir qu’elle n’était pas franchement pour une conservation massive des données de trafic, en annulant une directive qui en imposait le principe. Le tout, en des termes très similaires à ceux employés aujourd’hui.
Lionel Tardy, comme d’autres, s’interrogeait alors : si ce texte européen datant de 2006, et appliqué depuis dans les Etats, est en fait invalide, la France doit elle aussi faire évoluer sa loi ?
A l’époque, le gouvernement s’en lavait les mains, arguant que les règles nationales étaient antérieures et leurs garanties « supérieures ».
Le collectif « Les Exégètes amateurs », a estimé que tel n’était pas le cas, et a demandé au Conseil d’Etat de trancher. Quitte à demander aux juges européens de préciser leur pensée. En vain : la Cour a remballé le recours, sans même une explication.

« Plus il y a de demandes, plus l’examen sera pris au sérieux »

Mais le sujet n’a pas pu être enterré. Car il n’a rien de franco-français. Et parce que d’autres juges, ailleurs en Europe, ont estimé que la question méritait d’être posée. La décision de la CJUE en date du 21 décembre fait en effet suite aux sollicitations de deux cours d’appel, l’une en Suède, l’autre au Royaume-Uni.
Magie du droit communautaire, le sujet de la rétention des données revient comme un boomerang dans la face de la France. Ce qui redonne de l’espoir au collectif des Exégètes amateurs. Malgré la fin de non-recevoir opposée à leur premier recours, un second, plus large, est en effet toujours en cours d’examen au Conseil d’Etat.
Reste que ce dernier peut rester sourd à la pression des juges européens. Ils ne disposent en effet d’aucun moyen pour contraindre directement les Etats à rentrer dans le rang.
La seule solution, c’est nous. Si on estime que notre pays n’est pas en conformité avec la décision des juges, on peut le signaler à la Commission européenne. C’est par ici que ça se passe et ça peut même se faire en ligne.
N’importe qui peut faire ce recours en manquement. Quand on l’interroge sur la marche à suivre, notre interlocuteur qui suit le dossier de près nous explique qu’il suffit d’argumenter en quoi les règles nationales sont selon nous contraires au droit communautaire. Au bout du compte, nuance-t-il, la Commission peut toujours décider, seule, de ne pas renvoyer aux juges. Mais il s’empresse alors d’ajouter :
« Mais plus il y a de demandes, plus il y a de pression, et plus l’examen sera pris au sérieux. »
Source Rue 89 22/12/2016
Voir aussi : Actualité France, Rubrique Médias, rubrique Internet, rubrique UE, rubrique Société,Justice, rubrique Politique,