L’histoire secrète de la crise financière ou comment la Fed domine le monde

Harold James
De nouvelles informations apparaissent, concernant l’attitude des autorités monétaires et financières, face à la crise, en 2008. Elles montrent le rôle clé de la Fed et la marginalisation du FMI. par Harold James, Princeton

 

Le grand roman de Balzac Ies illusions perdues se termine par une tirade sur la différence entre « l’histoire officielle », qui est un « tissu de mensonges », et « l’histoire secrète » – c’est à dire la vraie histoire. Dans le temps, il était possible de cacher les vérités scandaleuses de l’histoire pendant longtemps – voire pour toujours. Plus maintenant.

 

Ceci n’est nulle part aussi apparent que dans les récits de la crise financière mondiale. L’histoire officielle dépeint la Réserve fédérale américaine, la Banque centrale européenne et les autres grandes banques centrales comme adoptant une action coordonnée pour sauver le système financier mondial de la catastrophe. Cependant, les transcriptions publiées récemment des réunions de 2008 du Federal Open Market Committee, le principal organe de décision de la Fed, révèlent que, dans les faits, la Fed a émergé de la crise en tant que la banque centrale du monde, tout en continuant à servir en premier lieu les intérêts américains.

 

Le rôle premier de la Fed

 

Les réunions les plus importantes se sont déroulées le 16 septembre et le 28 octobre – à la suite de l’effondrement de la banque d’investissement américaine Lehman Brothers – et portaient sur la création d’accords bilatéraux d’échange de devises visant à assurer une liquidité adéquate. La Fed y avait décidé d’accorder des crédits en dollars à des banques étrangères en échange de devises, que la banque étrangère acceptait de racheter après une période spécifiée au même taux de change, plus les intérêts. Cela fournissait aux banques centrales – en particulier celles de l’Europe, qui faisaient face à une pénurie de dollars après la fuite des investisseurs américains – les dollars dont elles avaient besoin pour prêter aux institutions financières domestiques en difficulté.

 

En effet, la BCE a été parmi les premières banques à conclure un accord avec la Fed, suivie par d’autres grandes banques centrales de pays avancés, comme la Banque nationale suisse, la Banque du Japon et la Banque du Canada. Lors de la réunion d’octobre, quatre économies émergentes importantes « sur le plan diplomatique et économique » – Mexique, Brésil, Singapour et Corée du Sud – ont rejoint le mouvement, la Fed décidant d’établir des lignes de swap à hauteur de 30 milliards de dollars avec les banques centrales de ces pays.

 

La Fed voit d’abord les intérêts américains

 

Bien que la Fed ait agi comme une sorte de banque centrale mondiale, ses décisions ont été dictées, d’abord et avant tout, par les intérêts américains. Pour commencer, la Fed a rejeté les demandes de certains pays – dont les noms sont effacés dans les transcriptions publiées – de rejoindre le programme d’échange de devises.

 

Plus important encore, des limites furent placées sur les swaps. L’essence de la fonction de prêteur en dernier ressort d’une banque centrale a toujours été la fourniture de fonds illimités. Parce qu’il n’y a pas de limite sur la quantité de dollars que la Fed peut créer, aucun participant au marché ne peut prendre de position spéculative contre elle. En revanche, le Fonds monétaire international dépend de ressources limitées fournies par les pays membres.

 

Un changement fondamental dans la gouvernance mondiale

 

Le rôle international grandissant que la Fed joue depuis 2008 reflète un changement fondamental dans la gouvernance monétaire mondiale. Le FMI a été créé à une époque où les pays étaient régulièrement victimes des hypothèses désinvoltes des banquiers de New York, tels que l’évaluation de JP Morgan dans les années 1920 selon laquelle les Allemands étaient « fondamentalement un peuple de second ordre ». Le FMI formait une caractéristique essentielle de l’ordre international de l’après-Seconde Guerre mondiale, destinée à servir de mécanisme d’assurance universelle – qui ne pourrait pas être utilisé pour promouvoir les intérêts diplomatiques du moments.

 

Les documents de la Fed montrent la marginalisation du FMI

 

Aujourd’hui, comme le montrent clairement les documents de la Fed, le FMI est devenu marginalisé – notamment en raison de son processus politique inefficace. En effet, dès le début de la crise, le FMI, supposant que la demande pour ses ressources resterait faible en permanence, avait déjà commencé à réduire ses capacités.

 

En 2010, le FMI a mis en scène sa résurrection, se présentant comme central dans la résolution de la crise de l’euro – à commencer par son rôle dans le financement du plan de sauvetage grec. Pourtant, ici aussi, une histoire secrète a été révélée – qui met en évidence à quel point la gouvernance monétaire mondiale est devenue asymétrique.

 

La position du Fonds monétaire compliquée, face à la crise européenne

 

Le fait est que seuls les États-Unis et les pays massivement surreprésentés de l’Union européenne ont soutenu le plan de sauvetage grec. En effet, toutes les grandes économies émergentes s’y sont fermement opposées, le représentant du Brésil déclarant qu’il s’agissait d’un « plan de sauvetage des détenteurs de la dette privée de la Grèce, principalement les institutions financières européennes ». Même le représentant de la Suisse a condamné la mesure.

 

Lorsque les craintes d’un effondrement soudain de la zone euro ont donné lieu à un débat prolongé sur la façon dont les coûts seront supportés par des restructurations et des annulations de dette, la position du FMI deviendra de plus en plus compliquée. Bien que le FMI soit censé avoir priorité sur les autres créanciers, il y aura des demandes pour annuler une partie des prêts qu’il a émis. Les pays émergents plus pauvres s’opposeraient à une telle démarche, arguant que leurs citoyens ne devraient pas avoir à payer la facture de la prodigalité budgétaire de pays beaucoup plus riches.

 

 Une perte d’influence inéluctable, même en cas de changement de directeur général

 

Même ceux qui ont toujours défendu l’implication du FMI se tournent à présent contre le Fonds. Les fonctionnaires de l’UE sont outrés par les efforts apparents du FMI pour obtenir un soutien des pays débiteurs de l’Europe en exhortant l’annulation de toutes les dettes qu’il n’a pas émises lui-même. Et le Congrès des États-Unis a refusé d’approuver l’expansion des ressources du FMI – qui faisait partie d’un accord international négocié au sommet du G-20 de 2010.

 

Bien que le scandale qui a suivi la nomination d’un autre européen en tant que directeur général du FMI en 2011 soit de nature à assurer que le prochain chef du Fonds ne sera pas originaire d’Europe, la diminution rapide de l’importance du rôle du FMI signifie que cela ne changera pas grand-chose. Comme le montre l’histoire secrète de 2008, ce qui importe est de savoir qui a accès à la Fed.

 

Traduit de l’anglais par Timothée Demont

Harold James est professeur d’histoire à l’Université de Princeton et senior fellow au Center for International Governance Innovation.

© Project Syndicate 1995-2014

Source La Tribune 13/03/2014

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UE. Le Parlement doit voter un rapport accablant sur l’activité de la troïka

Le Parlement européen doit voter ce jeudi un rapport accablant sur l’activité de la troïka (Commission, BCE et FMI) dans les pays sous assistance financière. Entretien avec l’eurodéputé socialiste Liem Hoang-Ngoc, coauteur de la résolution.

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Qu’avez-vous retenu des visites dans les pays sous assistance financière ?

iem Hoang-Ngoc. Nous avons vu que les gouvernements et Parlements nationaux avaient le pistolet sur la tempe. Soit ils entérinaient les propositions de la troïka (Commission européenne, Banque centrale européenne et Fonds monétaire international), soit ils n’avaient pas accès à l’aide financière. Quant aux partenaires sociaux, ils ont certes été consultés, mais leur avis n’a jamais été pris en compte. Au Portugal, patronat et syndicats s’étaient entendus sur un salaire minimum à 500?euros. La troïka a empêché l’application de cet accord qui, selon elle, menaçait la compétitivité.

Pourquoi critiquez-vous « l’absence de légitimité démocratique de la troïka » ?

Liem Hoang-Ngoc. Il n’y a pas eu de délibération démocratique au niveau européen sur les solutions préconisées par la troïka, avant que les propositions ne redescendent dans les États. Un tel débat aurait dû inclure la seule instance européenne élue au suffrage universel, le Parlement européen. S’il avait été mis dans la boucle, jamais l’Eurogroupe (les ministres des Finances de la zone euro – NDLR) n’aurait proposé à Chypre de taxer les petits dépôts inférieurs à 100?000?euros, pourtant garantis par une directive. Nos travaux montrent que lorsque les membres de la troïka n’étaient pas d’accord, l’Eurogroupe tranchait les décisions, dans l’opacité la plus totale, et qu’en son sein, la Commission n’a pas été garante de l’esprit communautaire.

En Grèce, le Fonds monétaire international (FMI) souhaitait une restructuration rapide (annulation partielle – NDLR) de la dette. La Banque centrale européenne (BCE) et l’Eurogroupe s’y sont opposés. En conséquence, la Grèce a dû mener une politique d’austérité sévère. Celle-ci n’a pas porté ses fruits et a conduit à une restructuration tardive de la dette grecque. La BCE a quant à elle racheté des titres grecs à dose homéopathique et a attendu septembre?2012 pour mettre sur pied son programme de rachat illimité des titres souverains en cas de spéculation. Avec une délibération démocratique européenne, ces sujets auraient été mis sur la table plus tôt.

Quelle institution prédominait au sein de la troïka ?

Liem Hoang-Ngoc. Sur le sauvetage du système bancaire irlandais, le gouvernement irlandais et le FMI étaient favorables à la mise à contribution des grands détenteurs d’obligations bancaires. Ils voulaient faire participer le secteur bancaire, ainsi que les fonds de pension – allemands en l’occurrence –, au plan de sauvetage. La BCE a une fois de plus dit «?non?» et privilégié un plan de sauvetage dont le financement pèse encore sur le contribuable. Dans cette affaire, c’est encore la BCE qui l’a emporté contre le FMI. Ses solutions ont été avalisées par l’Eurogroupe.

Pourquoi cet alignement ?

Liem Hoang-Ngoc. L’Eurogroupe est le lieu informel où sont arbitrées de la façon la plus opaque les décisions de la troïka. L’influence des États les plus importants – et donc de l’Allemagne – y prévaut.

Dans ce rapport, on trouve beaucoup de choses sur les procédures institutionnelles et moins d’analyses de fond sur les politiques menées.

Liem Hoang-Ngoc. Ce n’est pas tout à fait vrai. La tactique de mon corapporteur (le conservateur autrichien Othmar Karas) a été de se concentrer sur les aspects institutionnels car il estime que les politiques menées étaient les bonnes, et qu’il y avait essentiellement un problème de légitimité démocratique. Le déficit démocratique est un aspect sur lequel on pouvait le rejoindre. Concernant l’autre aspect du rapport, l’évaluation des politiques économiques proposées par la troïka, l’essentiel du message provient de notre camp. Mais le Parti populaire européen a essayé d’adoucir ce message, en arguant que si ces politiques n’ont pas complètement porté leurs fruits, c’est que les États ne se les sont pas pleinement appropriées. Pour notre part, nous constatons que les objectifs macroéconomiques n’ont pas été atteints?: la croissance reste atone et le taux d’endettement a partout explosé. Nous avons souligné les désaccords entre les membres de la troïka, attestant que d’autres politiques étaient possibles. Le message que j’ai voulu faire passer est que les politiques d’austérité ont échoué. Le débat démocratique doit par conséquent être ouvert pour mettre en évidence l’existence de politiques alternatives.

Entretien réalisé par Gaël De Santis

Source L’Humanité 12/03/2014

Voir aussi : Rubrique UE, rubrique Politique, Politique Economique, rubrique Finance, On Line L’austérité en examen au Parlement , La charge des syndicats européens contre la troïka

Une dépréciation de l’euro ne profiterait pas à tous les pays membres

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Une reprise encourageante, mais sans éclat. Au quatrième trimestre 2013, le PIB de la zone euro a crû de 0,3 %, selon les chiffres publiés vendredi 14 février par Eurostat. Dans le détail, le PIB portugais a crû de 0,5 %, l’allemand de 0,4 %, l’italien de 0,1 % et le français, de 0,3 %. Mieux que ce qu’espéraient les économistes. Mais ces derniers restent néanmoins prudents. Le Fonds monétaire international estime ainsi que la zone euro ne devrait croître que de 1% en 2014, contre 2,8 % aux Etats-Unis.

En cause : l’atonie de la consommation, d’abord. Les pays du sud de l’Europe pratiquent, depuis la crise, une politique de dévaluation interne pour regonfler leur compétitivité, par le gel des salaires. Résultat : les ménages ont drastiquement réduit les achats. « Le moteur de la demande domestique est à plat dans la zone euro », constate Christian Parisot, chez Aurel BGC.

Le poids des dettes, publiques comme privées, pèse également sur le dynamisme de l’activité. Dans le sud de l’Europe, en particulier, ménages et entreprises sont toujours en train de se désendetter. « C’est ce qui explique en partie la faiblesse du crédit dans ces Etats », commente Patrick Artus, de Natixis.

L’EURO SERAIT AUJOURD’HUI SURÉVALUÉ DE PRÈS DE 20 %

Depuis quelques semaines, nombre d’économistes, surtout en France, se demandent également si le niveau relativement élevé de l’euro – à savoir 1,37 dollar, contre 1,168 dollar lors de sa création, en 1999 – n’handicape pas lui aussi la reprise européenne. « La zone euro étant en retard sur les Etats-Unis pour la croissance, la logique serait que le dollar s’apprécie face à l’euro », s’est ainsi étonné mercredi 12 février Christian Noyer, le gouverneur de la Banque de France.

Et il n’est pas le seul. Trois jours plutôt, Arnaud Montebourg, le ministre du redressement productif, a affirmé sa volonté de « faire baisser l’euro », jugeant qu’il « annihile » nos efforts de compétitivité, tandis que les groupes Michelin et LVMH ont déclaré que l’euro fort a pesé sur leurs résultats 2013. « C’est un débat très français, qui n’a pas absolument lieu dans les autres pays membres », commente l’économiste Michel Santi.

Mais alors, trop fort ou pas, l’euro ? Question de point de vue, estiment les économistes. Sur le long terme, note ceux du Conseil d’Analyse Economique (CAE), la valeur de la monnaie unique est stable, et rien n’indique qu’elle soit surévaluée. A court terme, en revanche, la faiblesse de la croissance européenne justifierait un euro temporairement plus faible. Selon les experts de Natixis, son cours devrait normalement tourner autour de 1,15 ou 1,20 dollar. En d’autres termes, l’euro serait aujourd’hui surévalué de près de 20 %.

TOUTES LES ENTREPRISES N’EN PROFITERAIENT PAS

Motif ? D’abord, la zone euro affiche aujourd’hui un large excédent extérieur. Depuis la crise, les pays périphériques de la zone euro ont en effet largement résorbé leurs déficits commerciaux, tandis que l’Allemagne est toujours exportatrice net. « Dans ces conditions, la demande d’euros venue de l’extérieur est tendanciellement plus forte que l’offre, ce qui pousse le cours à la hausse », commente Hugues Lemaire, chez Diamant Bleu Gestion. De plus, la Banque Centrale Européenne (BCE) mène une politique monétaire bien moins expansionniste que ses homologues.

Depuis 2008, les banques centrales américaine, britannique et japonaise font massivement tourner la planche à billets pour soutenir leurs économies. Résultat : la quantité de dollars, livres et yens en circulation a augmenté dans des proportions bien plus grandes que celle d’euros. Ce qui, là encore, a poussé le cours de la monnaie unique à la hausse face à ces devises.

Est-ce à dire que la zone euro profiterait d’un euro plus faible ? « Une chose est sûre : cela relancerait un peu l’inflation, aujourd’hui bien trop basse, en renchérissant le prix des produits importés », commente Christophe Blot, économiste à l’OFCE. Surtout : une euro moins fort soulagerait temporairement l’industrie de la zone euro prise dans son ensemble. Mais toutes les entreprises n’en profiteraient pas, selon leur créneau, leur pays, et la destination de leurs exportations. Ainsi les PME allemandes, spécialisées sur les machines outils haut de gamme, sont peu sensibles au taux de change. Elles ne vendraient pas tellement plus si l’euro se dépréciait.

POSITIF POUR L’ITALIE ET L’IRLANDE 

Les industriels français, espagnols ou italiens, spécialisés sur le moyen de gamme, sont en revanche très sensibles au niveau des devises. Un euro plus faible leur permettrait donc d’augmenter nettement leurs ventes et leurs marges. Le CAE a ainsi calculé qu’une dépréciation de 10% de l’euro ferait grimper le PIB français de 0,6% après un an.

« Ce chiffre est largement surévalué », conteste Patrick Artus, de Natixis, en rappelant que l’industrie pèse à peine 12% du PIB français. Et que la baisse de l’euro, en renchérissant le prix des produits importés, pénaliserait aussi le pouvoir d’achat des Français et donc, la consommation, principal moteur de notre croissance. « Au total, l’effet d’une dépréciation serait quasiment neutre pour notre économie », assure-t-il. L’Italie et L’Irlande en profiteraient en revanche clairement.

Au demeurant, même si les pays membres s’entendaient sur la nécessité de déprécier l’euro, encore faudrait-il que la zone euro soit en mesure d’agir sur son cours. En théorie, l’outil le plus efficace serait une création monétaire massive de la BCE, via des rachats d’actifs sur les marchés, comme le font les banques centrales américaine, japonaise et britannique. « Mais les Allemands ne veulent pas entendre parler d’une telle politique, et les résultats ne sont pas garantis », nuance Christophe Blot.

Maigre consolation, le cours de l’euro face au dollar devrait néanmoins se déprécier à mesure que la Fed resserre sa politique monétaire. « L’ennui, c’est qu’il est difficile de dire quand cette baisse interviendra », conclut Isabelle Job-Bazille, directrice des études économiques au Crédit Agricole SA.

Marie Charrel

Source Le Monde 14/02/2014

Source Rubrique UE, rubrique Finance; rubrique Politique économique,

La BCE abaisse son principal taux directeur à 0,5 %, plus bas historique

Le président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi. | Reuters/Kai Pfaffenbach

La Banque centrale européenne (BCE) a abaissé son principal taux directeur, dit le « refi », à 0,5 %, atteignant ainsi un nouveau plus bas historique. Ce taux est celui avec lequel les banques se refinancent. Le président de l’institution, Mario Draghi , a assuré que cette décision avait fait l’objet d’un « fort consensus » au sein du conseil des gouverneurs, mais n’avait pas été prise à l’unanimité.

M. Draghi a ajouté que la BCE restait « prête à agir » et poursuivrait sa politique accommodante « aussi longtemps que nécessaire ». Dans cette optique, les opérations de refinancement des banques, avec prêts à taux fixes et montants illimités sur une semaine, vont continuer « aussi longtemps que nécessaire » et au moins jusqu’à juillet 2014. La même opération sur une durée de trois mois se poursuivra, elle, jusqu’à la fin du deuxième trimestre 2014, à taux fixe et pour des montants illimités.

Le patron de la BCE s’est également positionné dans le débat entre austérité et relance, qui fait rage entre les pays de l’UE. « Le message de la BCE est : ne détricotez pas les progrès que vous avez faits. Il n’y a pas de doute, des progrès significatifs ont été faits », a-t-il dit en référence au redressement des finances publiques, qui se traduit, selon lui, par une contraction de l’économie « à court et à moyen terme ». « Ce qu’il faut faire c’est prendre des mesures qui adoucissent cette contraction », a recommandé M. Draghi, c’est-à-dire « consolider en réduisant les dépenses, pas en augmentant les impôts « .

Lire notre décryptage : Concilier austérité et croissance : le difficile équilibre européen

MARASME ÉCONOMIQUE

Cette décision, annoncée jeudi 2 mai par l’institution monétaire européenne, était attendue dans un contexte de marasme économique persistant en zone euro. Le chômage a ainsi atteint un nouveau record en mars, touchant 12,1 % de la population active de la zone euro , avec des pics extrêmement hauts en Espagne (26,7 %) ou en Grèce (27,2 %). L’inflation, elle, a atteint 1,2 % en avril alors que la BCE visait un niveau proche mais légèrement inférieur à 2 %.

Ce nouvel assouplissement monétaire amène désormais le taux européen non loin du niveau quasi nul du taux de la Réserve fédérale américaine depuis 2008. La dernière baisse remonte à juillet, avec un taux porté à 0,75 %.

« PRÊTE À AGIR »

Début avril, M. Draghi, avait déjà assuré que l’institution était « prête à agir » par des instruments conventionnels ou non pour combattre la faiblesse économique persistante en Europe . De nombreux responsables de la BCE avaient également laissé entendre ces derniers mois ne pas pouvoir envisager de le baisser davantage, ce qui l’aurait conduit en terrain négatif.

Le taux des dépôts au jour le jour, auquel les banques privées peuvent placer de l’argent pour vingt-quatre heures auprès de la BCE, a été maintenu à 0,5 %. Quant au taux de prêt marginal au jour le jour, auquel les banques peuvent emprunter pour la même durée, il a été abaissé à 1 %.

Source : Le Monde.fr avec AFP et Reuters | 02.05.2013

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Des infos sur le Mécanisme européen de stabilité

Le PS observe l’Europe avec abstention

Alors que la zone euro a accordé une nouvelle aide à la Grèce, la gauche française s’est divisée, hier, lors du vote sur le Mécanisme européen de stabilité à l’Assemblée. Une «capitulation», selon Mélenchon.

Sacrée Europe. A chaque fois qu’elle déboule dans le débat politique français, la voilà qui menace la gauche de divisions : du traité de Maastricht à celui de Lisbonne, en passant par le traité constitutionnel européen (TCE) rejeté en 2005 par référendum et dont le PS garde quelques stigmates. Hier, c’est par la porte parlementaire que s’est représentée la question européenne. Au lendemain de l’accord entre les pays de la zone euro sur un plan d’aide géant de la Grèce (lire page 4), les députés ont adopté, hier soir, le projet de loi autorisant la mise en place du Mécanisme européen de stabilité (MES) par 256 voix contre 44 et 131 abstentions. Plus richement doté – 500 milliards d’euros – que l’actuel Fonds européen de stabilité financière qu’il doit remplacer en 2013, le MES permettra d’offrir rapidement du cash à des pays de la zone euro empêtrés dans la crise. Mais s’il est juridiquement distinct du pacte de discipline budgétaire – conclu entre 25 Etats de l’UE – qui doit être signé le 1er mars, les pays voulant bénéficier du MES devront s’y conformer. Ils auront notamment l’obligation d’inscrire la «règle d’or» de l’équilibre budgétaire dans leur Constitution. Ce que refusent les partis de gauche.

«Message». Assez pour voir cette fois-ci la gauche unie dans un vote contre ? Non. A l’Assemblée nationale, les députés socialistes ont choisi hier l’abstention (une vingtaine, dont Henri Emmanuelli, ont voté contre). D’abord pour ne pas laisser penser qu’ils refusent la solidarité européenne, mais surtout parce que François Hollande a promis, en cas de victoire à la présidentielle, de renégocier le pacte de stabilité budgétaire voulu par la chancelière allemande, Angela Merkel. «Si ce qui va être signé le 1er mars, ce n’est que de l’austérité, alors l’Europe ne pourra pas s’en sortir. C’est le message que nous voulons adresser», a expliqué Jean-Marc Ayrault, chef des députés PS. François Fillon a lui dénoncé une «faute historique» des socialistes. «C’est une abstention constructive», a défendu Claude Bartolone, partisan du non en 2005.

La gauche du parti aurait préféré le vote contre, mais elle n’a pas voulu faire de vagues en pleine campagne. Razzy Hammadi, proche de Benoît Hamon justifie : «Notre position, c’était soit le non, soit l’abstention. S’abstenir, c’est une manière de ne pas cautionner le traité et, en même temps, cela permet que l’argent soit versé à la Grèce.»

De quoi hérisser leur ex-camarade Jean-Luc Mélenchon, pour qui le MES impose un «modèle austéritaire» à toute l’Europe et donnerait à tous «le médicament qui va tuer la Grèce». Le candidat du Front de gauche, militant du non en 2005, a «adjuré» hier les socialistes de voter contre : «Tout élu du peuple doit exprimer un avis. Il est impossible de se cacher aux toilettes ou ailleurs» sur une question qui engage «l’avenir du pays». S’abstenir ? «C’est préparer le terrain à une capitulation, selon l’eurodéputé. Surtout quand on prétend vouloir gouverner le pays.» Puisque Hollande dit vouloir renégocier le traité «pour préparer le rapport de forces, il faut résister tout de suite», relève-t-il. D’autant plus que la gauche est majoritaire au Sénat où le texte doit être débattu le 28 février : «S’abstenir au Sénat, c’est dire à la droite qu’elle peut faire ce qu’elle veut à propos de l’Europe», s’est insurgé Mélenchon, annonçant un recours devant le Conseil constitutionnel.

Quant aux écologistes, ils ont voté contre la création du MES lors d’un premier vote, puis se sont abstenus sur les détails du mécanisme. «A chaque fois qu’il y a des débats européens, on voit ressortir des divergences entre ceux qui assument une part de rigueur et ceux qui sont dans la dénégation de la dette. On a trouvé ce compromis», explique le député François de Rugy.

«Hypocrite». Abstention, vote contre, refus de participer au scrutin… «La gauche française est hypocrite», avait dénoncé Daniel Cohn-Bendit lundi dans Libération. «Dany, c’est Dany, il voit ça depuis l’Allemagne», lui a répondu l’écologiste Noël Mamère. Surtout, à deux mois du premier tour présidentiel, ni le PS ni les écologistes ne veulent revivre 2005 et ses déchirements. Au contraire du Front de gauche, qui rêve d’un nouveau grand soir européen. Depuis plusieurs mois, il veut transformer cette présidentielle en référendum sur les nouvelles règles de l’UE. «Je veux amener ce débat sur le nouveau traité, confiait récemment Mélenchon. S’il arrive dans l’élection, tout le monde va être mis au pied du mur.» Il mise sur les électeurs de gauche qui avaient voté non en 2005 : «Si les socialistes ne veulent pas voter contre le MES, il y a un autre bulletin de vote, le mien.» L’Europe n’a pas fini de gêner la gauche.

Lilian Alemagna et Matthieu Écoiffier (Libération 22/02/12)

Les députés se penchent sur le MES

L’Assemblée a ratifié ce dispositif destiné à devenir le pare-feu de la zone euro contre les crises de la dette souveraine, et qui fait l’objet de vifs débats à gauche.

L’Assemblée nationale doit ratifier le 21 février, la création du Mécanisme européen de stabilité (MES), destiné à devenir le pare-feu permanent de la zone euro contre les crises de la dette souveraine, et qui fait l’objet de vifs débats au sein de la gauche.

Le MES, qui doit entrer en activité début juillet en vertu d’un traité signé le 30 janvier, est destiné à prendre à terme le relais de l’actuel Fonds européen de stabilité financière (FESF), avec qui il cohabitera jusqu’à l’été 2013.

Se condamner à «l’austérité»

Il disposera d’une capacité de prêt de 500 milliards d’euros pour les pays en difficulté. Il est distinct du pacte de stabilité budgétaire conclu entre 25 pays de l’UE, également le 30 janvier, et que le candidat socialiste François Hollande veut renégocier s’il est élu, lui reprochant de ne pas comporter de volet sur la croissance.

Le pacte ne fera l’objet que le 1er mars d’un traité en bonne et due forme, et ne pourra donc être débattu que par la nouvelle Assemblée nationale élue en juin.

Si l’UMP et le Nouveau Centre devraient voter ce mardi sans état d’âme la création du MES, il n’en est pas de même dans l’opposition. Pour le Front de gauche, qui votera contre, et son candidat Jean-Luc Mélenchon, «ceux qui voteront pour le mécanisme européen de stabilité enchaîneront notre pays au traité suivant», ce qui revient à se condamner à «l’austérité». L’eurodéputé a interpellé, mardi, les socialistes Laurent Fabius et Henri Emmanuelli sur leur vote, se demandant s’ils avaient «changé d’avis» après leur non au traité constitutionnel européen de 2005.

Les socialistes vont s’abstenir

Les députés PS on décidé de leur position lors de leur réunion de groupe ce mardi matin, ils  s’abstiendront. L ‘abstention semblant avant le débat de ce matin  une solution envisagée par beaucoup. «La solidarité est nécessaire au sein de la zone euro, nous l’avons toujours dit, mais ce mécanisme arrive trop tard et est insuffisamment doté», a-t-on expliqué de source proche du groupe. «En outre, se pose le problème juridique du lien avec le pacte de stabilité», a-t-on ajouté.

Chez les Verts, la candidate Eva Joly a estimé que le MES «tel qu’il est proposé au vote de nos assemblées ne répond pas à la crise». A l’inverse, l’eurodéputé Daniel Cohn-Bendit a déploré l’«hypocrisie de la gauche française, Verts compris» à l’égard du MES, y voyant «une des rares choses positives» arrachées aux dirigeants de l’UE, «et surtout à l’Allemagne».

Formellement, l’Assemblée se prononce ce mardi sur deux textes distincts : le traité créant le MES d’une part, et la modification du traité de l’UE qu’il implique d’autre part. Et, par ailleurs, le budget rectificatif 2012, qui sera également voté mardi, prévoit l’abondement de la France au mécanisme, soit 6,5 milliards d’euros en 2012 (16,3 milliards en tout à terme).

avec AFP (21 02 12)

Non à ce coup contre la démocratie, non à ces nouveaux traités !

Par Jean-Luc Mélenchon Député européen

Sommes-nous condamnés au sarkozysme à perpétuité, même si nous chassons Nicolas Sarkozy de l’Elysée ? Sommes-nous condamnés à l’austérité même si nous votons contre ? C’est ce qui se joue ces jours-ci. Deux traités européens, embrouillés à souhait, vont arriver en catimini devant le Parlement. Dès le 21 février à l’Assemblée nationale et le 28 février au Sénat, les élus sont appelés à se prononcer sur un premier traité : le «Mécanisme européen de stabilité». Ce «Mécanisme» étend à tous les Etats qui auraient besoin d’aide, la méthode d’assistance cruelle qui a été imposée à la Grèce ! Les citoyens n’ont reçu aucune information sur ce texte de 48 articles et de 62 pages. Pourtant, c’est non seulement un modèle économique asphyxiant qu’il s’agit d’imposer à tous mais une répudiation de la démocratie qui commence. Le sort de la Grèce qui en est le laboratoire nous enjoint un devoir absolu de résistance. Pour l’amour de l’Europe, il faut rejeter les traités Merkozy qui veulent la soumettre aux seuls intérêts cupides des banquiers.

Dans le «Mécanisme européen de stabilité», la France s’engage à injecter, «de manière irrévocable et inconditionnelle», une contribution immédiate de 16,3 milliards d’euros. Le traité dit que la France devra donner jusqu’à 142,7 milliards d’euros en cas de besoin. Une telle somme représenterait près de la moitié du budget de l’Etat. Cette hypothèse n’a rien de théorique : il suffirait que le «Mécanisme» ait à secourir l’Espagne et l’Italie pour que ses capacités maximales de prêts soient atteintes.

Le mécanisme d’assistance consiste à imposer aux Etats en difficultés «une stricte conditionnalité […] sous la forme notamment de programmes d’ajustement macroéconomiques». Ces termes, déjà employés pour saigner la Grèce, indiquent que toute aide financière sera assortie de plans de rigueur impératifs.

Je conjure ceux qui envisagent de voter pour l’application de tels plans de bien examiner leur résultat en Grèce depuis deux ans et demi. Après huit plans d’austérité successifs imposés en vertu de la méthode qu’il est proposé de généraliser, la dette grecque a grimpé de 25%. L’activité s’est violemment contractée et le chômage a doublé pour atteindre plus de 20% des actifs. La démonstration concrète est donc faite que l’austérité, en comprimant la demande, fait reculer l’activité. Cela réduit les rentrées fiscales et creuse plus vite encore les déficits. Pourquoi vouloir étendre à d’autres Etats ce qui a si lamentablement échoué en Grèce ?

Les Etats concernés seront placés sous la tutelle de la cruelle troïka, Commission européenne, Banque centrale européenne (BCE), Fonds monétaire international (FMI). Oui, le FMI basé a Washington ! Il trône dorénavant en «coopération très étroite» à toutes les étapes du «Mécanisme». On lui demande une «participation active», aussi bien pour évaluer l’attribution des aides que pour infliger des plans de rigueur et contrôler leur application. Les procédures prévues pour l’intervention de cette odieuse troïka sont aussi opaques qu’autoritaires.

De plus, en contradiction avec toutes les règles de fonctionnement de l’Union européenne, le traité donne à deux Etats seulement, l’Allemagne et la France, un droit de veto pour l’octroi des aides. Ce traité entérine donc un directoire autoritaire de la zone euro. Il impose aussi le secret sur les mécanismes de décision et le fonctionnement du «Mécanisme». La France s’expose donc financièrement jusqu’à 142,7 milliards d’euros dans un fonds auquel aucun compte ne pourra être demandé par son gouvernement ou son Parlement. Quel parlementaire est prêt à ce renoncement ?

Le cocktail «austéritaire» de ce «Mécanisme» est enfin renforcé par une clause qui lie étroitement son application au second traité européen en cours d’adoption : l’imprononçable «Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l’Union économique et monétaire». C’est dans ce second traité que Nicolas Sarkozy et Angela Merkel prévoient d’imposer la «règle d’or» de l’interdiction des déficits et des sanctions automatiques contre les Etats contrevenants.

C’est ce second traité que François Hollande dit vouloir renégocier. Mais il se trompe lourdement quand il indique que «les deux textes sont déconnectés l’un de l’autre». Ils sont au contraire étroitement liés. Le traité sur le «Mécanisme européen de stabilité» indique qu’«il est convenu que l’octroi d’une assistance financière dans le cadre des nouveaux programmes en vertu du Mécanisme européen de stabilité sera conditionné […] par la ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance».

Ceux qui voteront pour le «Mécanisme européen de stabilité» enchaîneront notre pays au traité suivant. Dès lors, qui prétend vouloir renégocier demain ce second traité, doit commencer par s’y opposer aujourd’hui et donc par rejeter son préalable, «le Mécanisme européen de stabilité».

Avec le Front de gauche, je lance un appel solennel à tous les parlementaires : n’acceptez pas ce coup de force contre notre démocratie ! A gauche surtout ! Car aucune politique de gauche n’est possible dans le cadre de ces traités. Les parlementaires socialistes, écologistes, radicaux et chevènementistes doivent donc voter avec ceux du Front de gauche contre ces textes.

Puisque la France est engagée par la signature du président sortant, alors une voix plus forte et sans appel doit s’exprimer sur le sujet. Celle du peuple ! Il nous faut un référendum sur les nouveaux traités.

Allez, monsieur Sarkozy, voilà un référendum qui ne vous déshonorerait pas comme le feraient ceux que vous proposez contre les chômeurs et les immigrés !

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Libération  20/02/12

 

Règle d’or budgétaire : Merkel met la pression sur la France

Créé le 31-01-2012

La chancelière allemande estime impensable que la France ne fasse pas ratifier la règle d’or budgétaire au Parlement, alors que Nicolas Sarkozy a confirmé que le vote n’aura pas lieu avant l’élection présidentielle.

La chancelière allemande Angela Merkel a jugé lundi 30 janvier impensable que la France n’applique pas la nouvelle règle d’or budgétaire européenne, quelle que soit l’issue de l’élection présidentielle, alors qu’elle a été critiquée par le favori des sondages, le socialiste François Hollande. « Je ne peux pas m’imaginer que la France n’applique pas correctement la règle d’or », a souligné Angela Merkel devant la presse à l’issue d’un sommet de l’UE Bruxelles au cours duquel 25 pays ont approuvé un traité qui impose partout des règles d’or sur l’équilibre budgétaire.

Recours juridique contre la France ?

La chancelière était interrogée sur le risque pour elle de devoir le cas échéant porter plainte contre la France devant la Cour européenne de justice au cas où le candidat socialiste François Hollande l’emporterait en mai et refuserait de mettre en oeuvre le traité signé par le président Nicolas Sarkozy.

« C’est pourquoi je ne peux pas m’imaginer la plainte (devant la CEJ), parce que cela n’aura pas lieu », a-t-elle ajouté.

Le traité prévoit que chaque pays signataire inscrive dans sa constitution ou sa législation la nouvelle règle d’or l’obligeant à tendre vers l’équilibre des comptes publics. S’il ne le fait pas correctement il pourra être poursuivi devant la Cour par un autre Etat.

Pas de vote du parlement avant l’élection

Nicolas Sarkozy a indiqué lundi que le nouveau traité renforçant la discipline budgétaire au sein de l’UE ne pourrait pas être adopté par le parlement français avant l’élection présidentielle, mais qu’il ne doutait pas qu’il soit ensuite approuvé.

A l’issue de l’accord conclu lundi par les dirigeants européens, le traité devrait être formellement adopté au prochain sommet européen, prévu « début mars », a expliqué Nicolas Sarkozy devant la presse.

Mais, ensuite, « le Parlement ne sera pas en mesure de se réunir durant la campagne électorale » pour la présidentielle dont le premier tour est fixé au 22 avril. « Ca me semble pas raisonnable » d’envisager une adoption avant cette date, a-t-il ajouté.

Incertitudes sur les intentions du candidat Hollande

Le candidat socialiste François Hollande fait planer l’incertitude sur ses intentions à l’égard du traité européen et de la règle d’or budgétaire. Il a promis la semaine dernière de « renégocier » le texte pour faire en sorte qu’on parle davantage de croissance.

Tous les pays de l’UE, à l’exception de la Grande-Bretagne et de la République tchèque, ont approuvé le texte. Le Royaume-Uni refuse de le signer car il serait « économiquement désavantageux » pour le pays, estime un responsable britannique, sous couvert de l’anonymat. Les pays européens qui en veulent « vont signer un traité qui rend le keynésianisme illégal », estime-t-il.

Ce pacte répond à une exigence de la chancelière allemande Angela Merkel qui l’a posé comme condition en échange de la solidarité financière de son pays avec les Etats en difficulté de la zone euro.

AFP 31/01/12

 

L’Europe accouche d’un pacte de discipline budgétaire sur fond de désaccords

le 31-01-2012

Le traité confirme l’ascendant de Berlin dans la gestion de la crise de la dette. La France s’est elle vivement opposée à une mise sous tutelle de la Grèce soutenue par l’Allemagne.

Les dirigeants européens ont adopté lundi soir un nouveau pacte de discipline budgétaire fortement inspiré par l'Allemagne et demandé un accord très rapide pour sauver la Grèce de la faillite, dans le cadre de leurs efforts pour tourner la page de la crise de la dette. (c) Afp

Les dirigeants européens ont adopté dans la soirée du lundi 30 janvier un nouveau pacte de discipline budgétaire fortement inspiré par l’Allemagne et demandé un accord très rapide pour sauver la Grèce de la faillite, dans le cadre de leurs efforts pour tourner la page de la crise de la dette. Leur sommet à Bruxelles a toutefois été assombri par une controverse autour d’une proposition allemande visant à placer Athènes sous une stricte tutelle budgétaire européenne. Elle a été sèchement rejetée par plusieurs pays, dont la France.

Au final, vingt-cinq des vingt-sept pays de l’Union européenne ont accepté un nouveau traité de discipline budgétaire. La République tchèque est venue au dernier moment rejoindre la Grande-Bretagne dans le front du refus, en invoquant des problèmes « constitutionnels ». En clair des difficultés à faire ratifier le texte du fait du risque de devoir convoquer un référendum.

Les autres Etats ont accepté d’inscrire dans leurs législations une règle d’or sur le retour à l’équilibre budgétaire et des sanctions quasi-automatiques en cas de dérapages des déficits publics, comme le voulait à tout prix l’Allemagne en échange d’une poursuite de sa solidarité financière avec les pays en difficulté.

Le traité, qui confirme l’ascendant pris par Berlin dans la gestion de la crise de la dette, doit désormais être signé lors d’un prochain sommet en mars avant les longues phases de ratification.

Mésententes à cause de l’euro

Ce pacte budgétaire a buté jusqu’au dernier moment sur une question annexe, le format des sommets de la zone euro.

La France et la Pologne se sont livrées à un bras de fer avant de trouver un compromis: Paris tenait à ce que les dix-sept pays utilisant la monnaie commune puissent se retrouver seuls entre eux sur certains sujets. Varsovie estimait que tous les pays appelés à rejoindre l’euro devaient être invités.

Au final, les sommets de la zone euro seront limités aux pays de l’Union monétaire, sauf sur certains sujets où les autres Etats n’en faisant pas partie pourront aussi être conviés.

Nouveaux espoirs sur la BCE

Nombre de pays européens espèrent que ce traité encouragera la Banque centrale européenne à faire davantage à l’avenir pour aider la zone euro face à la crise de la dette.

Il pourrait aussi convaincre la chancelière allemande Angela Merkel de renforcer les moyens du Fonds de secours permanent de la zone euro pour les pays fragiles, le MES, qui a été officiellement mis sur les rails lundi soir et commencera à fonctionner en juillet.

« Nous sentons une évolution dans la position de l’Allemagne et je suis optimiste », a déclaré le chef du gouvernement italien Mario Monti, car « il est important que la dotation de ce Fonds soit adaptée ». Berlin est sous pression pour accepter une hausse des moyens du mécanisme de 500 à 750 milliards d’euros. La question sera tranchée en mars.

Au sujet de la Grèce, Berlin a jeté un pavé dans la mare en proposant de placer Athènes sous stricte tutelle: un commissaire européen disposerait d’un droit de veto sur les décisions budgétaires du gouvernement.

Cette idée a été rejetée catégoriquement par la France. Le président Nicolas Sarkozy a jugé que ce ne serait « pas raisonnable, pas démocratique et pas efficace ».

Athenes ne veut pas en entendre parler. « Soit nous avançons sur la voie démocratique où chaque pays est responsable de sa propre politique, soit nous sapons la démocratie dans l’Europe entière », a réagi Georges Papandreou, le chef de file des socialistes grecs et ex-Premier ministre.

Face à cette fronde, la chancelière allemande Angela Merkel a tenté de calmer le jeu, sans pour autant se désavouer.

Berlin ne cèdera pas sur la Grèce

La question d’une surveillance accrue des décisions du gouvernement grec « se pose » car les réformes promises ne sont pas toutes mises en oeuvre, a-t-elle dit. « Le débat doit porter sur « comment l’Europe peut aider à ce qu’en Grèce les tâches qui ont été données soient effectuées », a-t-elle estimé.

L’enjeu n’est pas mince: il s’agit du déblocage du second plan d’aide au pays d’un montant de 130 milliards d’euros, promis par les Européens en octobre dernier. Cette aide est vitale pour la Grèce qui doit rembourser 14,5 milliards d’euros de prêts le 20 mars, faute de quoi elle sera en cessation de paiements.

Mais le pays doit en parallèle boucler des négociations avec ses créanciers privés pour réduire sa dette de 100 milliards d’euros, condition sine qua non au déblocage de l’aide européenne. Sur ce point, cela avance « dans la bonne direction », a indiqué le président français, qui a lancé un appel du pied à la BCE pour qu’elle accepte aussi une réduction de ses propres créances.

Le Premier ministre grec, Lucas Papademos, a dit tabler sur un accord global d’ici la fin de la semaine, tant avec les banques qu’avec les créanciers publics du pays. Et il se refuse dans l’immédiat à envisager de demander plus que ce qui a été promis à Athènes, malgré la dégradation économique continue de son pays.

Challenges.fr et AFP

MES et Règle d’Or : la tentation totalitaire

 

Le 21 Février prochain , nos députés vont voter un invraisemblable projet du nom de Mécanisme Européen de Stabilité : dont voici quelques détails… Ce texte est d’une dangerosité sans précédent .. car il enfreint les principaux fondements démocratiques qui sont la séparation des pouvoirs . Cette séparation des pouvoirs permet d’éviter la corruption et la dictature par l’indépendance du judiciaire, du législatif et de l’éxécutif .. Le texte sur lequel les députés vont être amenés à voter supprime ces séparations puisque  il restreint considérablement le pouvoir du législatif : le vote du budget , puisque si il apparaît que ce MES a besoin de capitaux , ils peuvent être appelés , et doivent être versés à première demande , sans qu’il ne soit nécessaire d’en justifier le motif et encore moins de faire passer le versement devant l’assemblée ..

Il soumet les octrois à l’accord du FMI !!!!

(8) Le MES coopérera très étroitement avec le Fonds monétaire international (« FMI ») dans le cadre de l’octroi d’un soutien à la stabilité. Une participation active du FMI sera recherchée, sur le plan tant technique que financier. Il est attendu d’un État membre de la zone euro demandant l’assistance financière du MES qu’il adresse, lorsque cela est possible, une demande similaire au FMI.

C’est désormais la liquidité des marchés qui devient primordiale

Le FMI est privilégié par rapport au MES !!!!

– il exonère tous ceux qui contribuent à son fonctionnement de quelque responsabilité juridique que ce soit .. (immunité judiciaire totale)

CHAPITRE 6 : articles 8 et 9

– 8. Dans la mesure nécessaire à l’exercice des activités prévues par le présent traité, tous les biens, financements et avoirs du MES sont exempts de restrictions, réglementations, contrôles et moratoires de toute nature.

– 9. Le MES est exempté de toute obligation d’obtenir une autorisation ou un agrément, en tant qu’établissement de crédit, prestataire de services d’investissement ou entité autorisée, agréée ou réglementée, imposée par la législation de chacun de ses membres.

Les agents du MES sont exonérés des obligations fiscales nationales

Article 36

5. Les agents du MES sont soumis à un impôt interne perçu au profit du MES sur les salaires et émoluments payés par le MES conformément aux règles adoptées par le conseil des gouverneurs. À partir de la date à laquelle cet impôt est appliqué, ces traitements et émoluments sont exonérés de tout impôt national sur le revenu.

– il restreint considérablement le pouvoir du législatif : le vote du budget , puisque si il apparaît que ce MES a besoin de capitaux , ils peuvent être appelés , et doivent être versés à première demande , sans qu’il ne soit nécessaire d’en justifier le motif et encore moins de faire passer le versement devant l’assemblée ..

Le texte actuel Chapitre 4 : Opérations – article 15 .. expose de manière parfaitement claire l’objectif de ce mécanisme : mutualiser les pertes privés pour les transférer sur le public :

Assistance financière pour la recapitalisation d’institutions financières d’un membre du MES

1. Le conseil des gouverneurs peut décider d’octroyer une assistance financière sous forme de prêts à un membre du MES, dans le but spécifique de recapitaliser des institutions financières?de ce membre.

Il concentre donc tous les pouvoirs dans les mains d’une junte non élue en privilégiant les intérêts financiers privés au détriment de l’intérêt général.

La Règle d’or s’inspire de la même démarche, mais en faisant inscrire cette notion dans la constitution , elle dépossède le législatif de tous ses pouvoirs en matière budgétaire et fiscale .. pour les confier également comme ce qui se passe en Grèce à un exécutif non élu que l’on nomme désormais pudiquement : les commissaires Européens .

La différence entre une dictature et une démocratie ? C’est exactement la séparation des pouvoirs puisque la Dictature n’est rien d’autre que la concentration des pouvoirs au sein d’une même main. Nous allons donc assister le 21 Février prochain à l’enterrement en grande pompe de ce qui a fait notre force depuis deux siècles : la séparation des pouvoirs , ce qui entraine de facto la mort de notre démocratie ….

Il est urgent de bloquer ce vote. Un mediapartien propose un texte de lettre à envoyer de toute urgence à son député et j’ajouterais quelque soit la tendance politique du député !!!!! .. Cela n’a aucune importance , mais que pour une fois , ils prennent conscience qu’ils vont voter la condamnation à mort du système qui les a fait élire.

Effectivement , derrière , les députés ne seront plus d’aucune utilité puisque le budgétaire ne les concernera plus . On pourra toujours , pendant quelques mois encore , leur faire voter des lois concernant la circulation routière , puis progressivement , s’en débarrasser car les économies nécessaires au paiement des intérêts des financiers doivent se trouver partout et le fonctionnement de l’assemblée est indéniablement un poste conséquent .

Quand à la constitutionnalité de ce texte dément , elle reste également à prouver , mais ce n’est pas avec la formidable publicité faite à ce projet essentiel par les médias, que les juristes ont vraiment eu l’occasion d’en débattre .

Bienvenue dans la nouvelle dictature européenne …

Celle de l’esclavage par la dette … les esclavagistes étant les banquiers et ceux qui les représentent : les gouverneurs ou les commissaires de Bruxelles . D’ailleurs ce qui se passe en Grèce nous montre très clairement que c’est ce vers quoi nous nous orientons puisque un service régalien , essentiel , vient d’être concédé aux banques privées : la levée de l’impôt … Donc servage plus le rétablissement des fermiers généraux .. la révolution française semble n’avoir jamais eu lieu ….

Médiapart 14 02 12

Le fonds d’aide européen, «un mécanisme de chantage»

Le gouvernement a adopté ce mercredi le Mécanisme européen de stabilité, qui doit prendre le relais du FESF pour aider sous conditions les pays européens en difficulté. Un instrument antidémocratique, estime le secrétaire à l’économie du Parti de gauche, Jacques Généreux.

Que reprochez-vous au Mécanisme européen de stabilité ?

D’abord, de bien mal porter son nom. La seule chose qui stabiliserait l’euro serait de s’attaquer aux causes de la crise des dettes. D’une part, la libéralisation de la finance, qui fait que les capitaux circulent librement et que tous les produits toxiques de spéculation sont autorisés. De sommet en sommet, il n’a jamais été question de s’attaquer à ces instruments. D’autre part, les gouvernements européens ont choisi de dépendre du marché mondial des capitaux en s’interdisant d’emprunter auprès des banques centales. Pour s’abriter de la spéculation et se financer, il faut permettre à celles-ci de souscrire la dette publique à taux zéro, ou très faible. Le système ne conduira pas forcément à un laxisme financier de la part des Etats, on peut imaginer des règles pour assurer une certaine prudence.

Quelle différence avec le FESF ?

Quasiment aucune, l’un remplace l’autre. Le FESF était un bricolage d’urgence entre Etats, le MES sera inscrit dans le mécanisme institutionnel européen, sous forme permanente. Il s’agit en fait de créer un FMI européen pratiquant la même politique de conditionnalité stricte, c’est-à-dire imposant des politiques libérales de rigueur en échange du soutien financier.

Pour ses promoteurs, la rigueur est la contrepartie naturelle de la solidarité…

C’est un mécanisme de pression et de chantage que l’on veut institutionnaliser. Comme le faisait le FMI pour contraindre les pays pauvres à la libéralisation. En pure perte, d’ailleurs, car les 500 milliards du MES sont une somme ridicule par rapport au poids d’un grand pays comme l’Italie, par exemple. Les gouvernements se refusent à prendre des mesures à la hauteur des enjeux, et se replient sur la doctrine archaïque de la rigueur.

Quelle alternative proposez-vous ?

Le bon sens enseigne que la seule solution est la restructuration, voire l’annulation pure et simple d’une partie de la dette. Et le recours à la banque centrale comme prêteur de dernier ressort pour racheter celle-ci. Ensuite, sur le moyen et long terme, on peut bien sûr négocier des réformes, choisies démocratiquement par le pays concerné. Sur un temps long, on peut viser l’équilibre financier et une dette raisonnable. Mais il est absurde de le faire dans l’urgence de la crise.

Dans l’état actuel des rapports de force européen, une telle solution n’est-elle pas irréaliste ?

Pour l’atteindre, il est nécessaire que, dans un pays au moins, une gauche progressiste soit majoritaire et démontre que l’on peut faire autrement. C’est cela qui peut changer le rapport de forces, en provoquant un effet d’entraînement dans les autres pays. C’est possible sans quitter l’euro ni l’Union européenne, simplement en désobéissant à quelques dispositions des traités qui empêchent de contrôler les mouvements de capitaux.

Pourquoi Jean-Luc Mélenchon dénonce-t-il une ratification «en catimini» ?

La procédure retenue permet à ce mécanisme d’échapper au débat public. Le peuple n’est pas consulté alors que l’on s’apprête à constitutionnaliser – puisque les traités sont supérieurs au droit national – un traité qui oblige à pratiquer un type particulier de politique comme condition à la solidarité financière.

Recueilli par Dominique Albertini Libération 08/02/12

 

Main basse sur la BCE ?

Joseph E. Stiglitz

2012-02-06

NEW-YORK – Rien n’illustre mieux les divergences politiques, la présence d’intérêts particuliers et les considérations économiques à court terme à l’œuvre en Europe que le débat sur la restructuration de la dette souveraine de la Grèce. L’Allemagne veut une restructuration en profondeur – une réduction d’au moins 50% de la dette pour les détenteurs d’obligations – alors que la Banque centrale européenne demande à ce que la restructuration se fasse sur la base du volontariat. Dans le temps (je pense à la crise de la dette latino-américaine des années 1980), on pouvait obtenir facilement un crédit, en général d’une grande banque, souvent avec le soutien ou grâce à la pression exercée par l’Etat et les régulateurs qui voulaient le moins d’accrocs possible. Mais avec la titrisation des dettes, il y a de plus en plus de prêteurs – en particulier des fonds spéculatifs et d’autres investisseurs qui échappent pour l’essentiel à l’influence de l’Etat et des régulateurs.

Par ailleurs, « l’innovation » dans les marchés financiers a permis aux détenteurs de titres de s’assurer, autrement dit de participer, mais sans prendre de risque. Ils ont des intérêts à défendre : ils veulent faire jouer leur assurance, et il faut pour cela que la restructuration soit considérée comme un incident de crédit équivalent à un défaut de paiement. Or la position de la BCE en faveur d’une restructuration « volontaire » – autrement dit qui ne soit pas assimilable à un incident de crédit – est contraire à leur intérêt. Il est paradoxal que les régulateurs aient autorisé la création d’un système aussi dysfonctionnel.

La position de la BCE est curieuse. On aurait pu supposer que face au risque de défaut sur leurs obligations, les banques achètent une assurance. Dans ce cas, un régulateur qui prend en compte la stabilité systémique veille en principe à ce que l’assureur paye en cas de perte. Pourtant la BCE veut que les banques perdent plus de 50% sur les obligations qu’elles détiennent, sans être dédommagées.

On peut avancer trois explications à la position de la BCE, mais aucune n’est en faveur de cette institution ou de sa politique de régulation et de supervision. La première est que les banques ne se sont pas assurées et que certaines ont adopté des positions spéculatives. La seconde est que la BCE sait que le système financier manque de transparence et que les investisseurs ne peuvent évaluer les conséquences d’un défaut involontaire – ce qui pourrait entraîner un gel des marchés du crédit, ainsi que cela s’est passé après l’effondrement de Lehman Brothers en septembre 2008. Enfin, la BCE essaye peut-être de protéger les quelques banques qui ont émis les contrats d’assurance.

Aucune de ces explications ne justifie son opposition à une restructuration en profondeur qui soit imposée à la dette de la Grèce. Elle aurait pu exiger plus de transparence – l’une des grandes leçons de 2008. Les régulateurs n’auraient pas dû laisser les banques spéculer et exiger au minimum qu’elles achètent une assurance et par la suite imposer une restructuration qui leurs aurait permis de toucher les indemnités liées à l’assurance.

Il n’y a guère d’éléments qui laissent à penser qu’une restructuration en profondeur soit plus traumatique si elle est imposée. En voulant à tout prix qu’elle soit volontaire, la BCE essaye peut-être de limiter la part de la dette qui va être restructurée ; mais dans ce cas elle fait passer les intérêts des banques avant ceux de la Grèce pour laquelle une restructuration en profondeur est nécessaire pour sortir de la crise. En réalité la BCE fait probablement passer l’intérêt des quelques banques qui ont émis des CDS (assurance contre le risque de défaillance d’un crédit) avant celui de la Grèce, des contribuables européens et des prêteurs qui ont agi prudemment en s’assurant.

Enfin, dernière étrangeté, l’opposition de la BCE à une gouvernance démocratique. C’est un comité secret de l’Association internationale des swaps et dérivés, une organisation professionnelle, qui décide si un incident de crédit a bien eu lieu. Or les membres de cette association ont un intérêt personnel dans ce type de décision. Selon la presse, certains d’entre eux utiliseraient leur position pour défendre une attitude plus accommodante au cours des négociations. Il paraît inconcevable que la BCE délègue à un comité secret d’acteurs du marché en situation de conflit d’intérêts le droit de décider ce qu’est une restructuration acceptable.

Seul un argument parait – au moins à première vue – privilégier l’intérêt général : une restructuration imposée pourrait aboutir à une contagion financière, avec comme conséquence une hausse importante et peut-être prohibitive du coût du crédit pour les grandes économies de la zone euro comme l’Italie, l’Espagne et même la France. Cela conduit à la question suivante : si elles sont réalisées dans les mêmes proportions, pourquoi une restructuration imposée produirait-elle une contagion pire que si elle était volontaire ? Si le système bancaire était bien régulé, les banques détentrices de dettes souveraines étant assurées, une restructuration imposée serait moins perturbatrice pour les marchés financiers.

On pourrait dire que si la Grèce s’en tire avec une restructuration imposée, d’autres pourraient être tentés de suivre son exemple. Mais craignant cela, les marchés financiers augmenteraient instantanément les taux d’intérêt sur les autres pays – petits et grands – de la zone euro.

Les pays à risque n’ayant déjà plus accès aux marchés financiers, une réaction de panique aurait des conséquences limitées. Il est vrai que d’autres pourraient imiter la Grèce si cette dernière s’en tirait mieux avec une restructuration que sans, mais c’est quelque chose dont tout le monde a conscience.

Le comportement de la BCE n’est pas surprenant. Ainsi qu’on le voit ailleurs, les institutions qui n’ont pas à rendre des comptes de manière démocratique peuvent être la proie d’intérêts particuliers. C’était vrai avant 2008. Malheureusement pour l’Europe et pour l’économie mondiale, le problème n’a pas été résolu depuis.


Joseph Stiglitz : Traduit de l’anglais par Patrice Horovitz

Joseph Stiglitz est prix Nobel d’économie et professeur à l’université de Colombia à New-York. Il a écrit Le triomphe de la cupidité.

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