Kirghizstan: les surprenantes disciplines des Jeux Nomades

Du 3 au 8 septembre 2016, le Kirghizstan organise la deuxième édition des Jeux Nomades, sorte de Jeux Olympiques d’Asie centrale. 40 nations s’y affrontent lors d’épreuves qui peuvent nous paraître surprenantes. La plus attendue est le kok-borou (ou buzkashi en Afghanistan): deux équipes cherchent à attraper la carcasse d’une chèvre pour l’emmener à l’autre bout du terrain.

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Des artistes lors d’une performance aux Jeux Nomades.

Ces Jeux sont l’occasion de présenter les coutumes de nombreux peuples d’Asie centrale. Le président kirghiz les justifie d’ailleurs en ce sens: «Dans le monde moderne, les gens ont tendance à oublier leur histoire. Il y a un danger pour les cultures traditionnelles.» Il est néanmoins critiqué pour le coût de cette organisation qui a nécessité 14 millions d’euros au lieu des 6,2 prévus à l’origine. © NEZIR ALIYEV / ANADOLU AGENCY / AFP

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Une performance hors du commun…

Ici, un homme se fait traîner par un cheval sur plusieurs dizaines de mètres quand, en arrière plan, un autre est enflammé. Signe de l’importance de ces Jeux pour le Kirghizstan, le pays a lancé des éditions spéciales de timbres et de pièces de monnaie. © VYACHESLAV OSELEDKO / AFP

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Des participants à l’épreuve de la chasse salburun.

La chasse fait aussi partie des épreuves. Sur cette photo, des participants à une sorte de chasse à courre d’Asie centrale, des chiens, des faucons et des aigles royaux pourchassent une proie. Autant dire qu’elle n’a que peu de chances de survivre. © TABYLDY KADYRBEKOV / SPUTNIK / AFP

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Plus de loup mais un aigle…

Il y a encore quelques années, la chasse salburun faisait combattre un loup attaché à un aigle dressé. Mais face aux protestations des défenseurs des animaux, les règles ont évolué et la pratique n’a plus lieu. © TABYLDY KADYRBEKOV / SPUTNIK / AFP

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Les archers en action.

Une épreuve qui a bien sûr sa place aux Jeux Nomades. Mais ici, tradition oblige, pas question d’utiliser des arcs modernes comme ceux utilisés lors des Jeux Olympiques.  © TABYLDY KADYRBEKOV / SPUTNIK / AFP

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Un enfant funambule.

Certains en profitent pour faire de spectaculaires représentations. Ici, un enfant marche sur une corde à plusieurs mètres de hauteur. La sécurité est présente, il est attaché. © Vladimir Voronin / AP / SIPA

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Les femmes participent également aux Jeux Nomades.

Et nombres d’épreuves se font à cheval en raison de la place qu’occupe l’animal dans cette région montagneuse, où il est utilisé depuis des siècles pour se déplacer. © TABYLDY KADYRBEKOV / SPUTNIK / AFP

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Des cavaliers jouant au kok-borou.

Le kok-borou (ou Buzkashi en Afghanistan) est un jeu très ancien. Il serait même l’ancêtre du polo. Deux équipes s’affrontent pour ramasser une carcasse de chèvre fraîchement décapitée et l’amener dans la partie opposée du terrain. © Vladimir Voronin / AP / SIPA

Par Marc Taubert

Source  Géopolis 11/09/2016

Voir aussi : Actualité Internationales, Rubrique Asie, rubrique Kirghizistan,

L’Iranienne Sakinech, l’arbre et la forêt…

sekineh-sangsar-2Les membres de Ensemble pour un Iran Démocratique, collectif montpelliérain fondé en juin 2009 pour soutenir le mouvement démocratique de la société iranienne dans son ensemble, se sont mobilisés hier matin place de La Comédie, dans le cadre de l’appel en faveur de la libération de Sakinech Ashtiani dont le sort reste incertain. Après l’avoir condamnée à mort par lapidation pour adultère et complicité du meurtre de son mari, les autorités iraniennes ont annoncé qu’elles n’exécuteraient pas la sentence. Mais la menace d’une mort par pendaison pèse toujours sur Sakinech Ashtiani alors que la mobilisation internationale en sa faveur bat son plein. En France la cause de Sakinech fait l’objet de tous les ralliements. Les associations féministes et celles des droits de l’homme, les médias, de Libé à Elle, et la sphère politique emboîtent indistinctement le pas. De Martine Aubry au Président de la République nettoyeur de Roms qui a soudainement pris conscience de la gravité de la situation : « La France a la responsabilité de la sauver » sic ! Jamais en reste dans ce genre de situation, le ministre des affaires étrangères Bernard Kouchner vient de monter aux créneaux en écrivant à la haute représentante de l’UE, Catherine Ashton. Pour que les 27 menacent l’Iran de sanctions pour l’amener à la clémence vis-à-vis de la condamnée à mort. Bernard Henri Levy himself et le mouvement Ni putes ni soumises, à l’origine de l’opération internationale 100 villes pour Sakinech  ont fait de cette affaire leur cheval de bataille.

A l’écart de toute affinité politique ou religieuse le collectif Ensemble pour un Iran Démocratique était aussi présent hier, mais il est resté attaché à son indépendance. Il n’y avait pas de grande photo de la mère de famille. Juste son image et un mur de prison taché de sang composé par les membres du collectif et d’autres citoyens se sentant concernés par la situation du peuple iranien. « On parle de Sakinech et cela empêche de parler d’autre chose, pense Massoud, la responsabilité de la France est de sauver le peuple iranien de ce régime réactionnaire. N’oublions pas que 150 femmes sont mortes lapidées depuis juin 2009. Est-ce que Monsieur Sarkozy a le même discours lorsqu’il négocie pour le pétrole ? ».Sur la Comédie, les membres du collectif invitaient les passants à ajouter leur nom à la pétition pour la libération de Sakinech déjà signée par 40 000 personnes.

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Pourtant, si tout le monde, ou presque, connaît désormais le visage de Sakinech Ashtiani, peut de monde s’intéresse à la menace actuelle d’une grève générale qui rend la situation sociale iranienne explosive. Sur ce sujet l’autisme des médias occidentaux est général, ce qui laisse penser à certains opposants iraniens comme Kaveh Mohseni* que la médiatisation de cette affaire a été mise en scène par le régime pour faire diversion avec la complicité des occidentaux qui appuient leur stratégie en Asie centrale sur le régime des Mollahs. « Tout est possible, je ne peux pas infirmer ni dire le contraire, indique Massoud du collectif montpelliérain. Nous préservons notre énergie pour être ensemble. Nous n’intervenons pas dans la politique franco-française et nous nous gardons de regarder les arrières pensées des uns et des autres. Dès que nous en avons la possibilité nous protestons contre ce régime iranien qui est inhumain ! »

Jean-Marie Dinh

*Kaveh Mohseni est le représentant en France de l’opposition iranienne laïque. Il anime le site Iran Resist.

Voir aussi : Rubrique Iran  Rubrique Livre L’Iran, pays des métamorphoses , Clair obscure à Théhéran , La femme qui lisait trop, Rubrique Cinéma  Les chats PersansTéhéran , On line Histoire des frontières de  l’Iran ,Rubrique Politique internationale Les trois grands fournisseurs de pétrole de la Chine, Arsenal américain autour de l’Iran,

« l’UE est une machine kafkaïenne qui n’a aucune vision européenne »

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Mine G. Kirikkanat : " L'Europe a oublié l'histoire"

Mine G. Kirikkanat. Invitée dans le cadre du Festival International du Roman noir de Frontignan, l’auteur turque rappelle la place de sa culture dans l’identité européenne.

Mine G. Kirikkanat est née à Istanbul. Journaliste, sociologue et écrivain c’est une intellectuelle laïque qui a décidé de rester dans son pays pour défendre ses idées. Dans La Malédiction de Constantin (Métailié, 2006) et Le sang des rêves (1) qui vient de paraître, elle soutient une vision historique de la culture ottomane constitutive de l’identité européenne.

Le sang des rêves est un roman politique d’anticipation dont l’action principale se situe à Chypre. Istanbul est passé sous le contrôle des Nations Unies. La ville rebaptisée Nova Roma est devenue l’enjeu d’une nouvelle guerre froide. La Russie orthodoxe rivalise avec le Vatican et une hétéroclite union chrétienne occidentale. Trois agents européens d’origine turque sont chargés de retrouver des descendants d’un chef historiquement indiscutable afin de légitimer le pouvoir en place. La quête passe notamment par l’exploration des rêves de l’héritier supposé de Constantin le Grand qui porte la mémoire génétique du meurtre de son ancêtre.

Pourquoi réinstaurer la vision d’un affrontement entre deux blocs, alors que nous sommes sortis si péniblement de la guerre froide. L’idée d’une gouvernance mondiale multipolaire n’a-t-elle pas d’avenir à vos yeux ?

C’est mon côté métaphysique. Ying-Yang ou blanc noir si vous préférez, un jeu de forces contraires qui s’équilibrent. Cela vient aussi d’une analyse sociologique ; je pense que le bipolaire est une étape pour aller vers le multipolaire. Aujourd’hui, ce type de gouvernance nous conduirait objectivement vers beaucoup plus de guerres. Je considère la gouvernance bipolaire comme une période transitoire en attendant que les races soient suffisamment mélangées pour accéder aux multipolaires. Mais pour l’heure, l’histoire se répète. Le conflit génocidaire serbo-croate qui a secoué l’Europe dans les années 90, s’était déjà produit il y a un millénaire entre l’église d’Anatolie et l’église orthodoxe de Constantinople. Les Bosniaques (appelés Bogomiles) ont un lien de filiation avec les Cathares. Dans les Balkans, à l’époque de la première croisade, ils ont demandé la protection du sultan ottoman. Celui-ci les a laissés libres de choisir leur religion assurant qu’ils les protégeraient s’ils devenaient musulmans.

En ce début de XXIe siècle, la religion vous paraît-elle l’instrument du pouvoir politique ou directement à l’origine des conflits de pouvoir auxquels elle donne lieu ?

Je me suis beaucoup intéressée à la sociologie des religions et notamment à l’apparition de la religion. Au commencement, la religion est liée à la peur de la mort. S’étant forgé une conscience, il fallait que l’homme invente quelque chose face à ce vide, une vie dans l’au-delà, un espace magique, une religion… Les choses se sont gâtées avec l’apparition des religions monothéistes. C’est à partir de là que la religion est devenue une arme politique. C’est pour cette raison que la laïcité est si importante.

On constate en France un recul de la laïcité alors qu’elle est au cœur même du principe républicain…

C’est vrai que cet axe est mis à mal en France qui est le seul pays laïque de l’UE. De la même façon que les valeurs universelles qui n’occupent plus la même place. Tous les Etats ont mué pour devenir des structures économiques. De ce fait, les gens ont perdu le sens des choses. Aujourd’hui, l’UE est une machine kafkaïenne qui n’a aucune vision européenne.

Sur quoi se fonde, selon vous, l’identité européenne ?

L’identité européenne ne doit pas se construire sur les valeurs judéo-chrétiennes mais sur une vision séculaire laïque. La charte des droits fondamentaux dirigée par Guy Braibant et soutenue à l’époque d’une seule voix par Chirac et Jospin allait dans ce sens. L’Allemagne souhaitait faire figurer l’héritage judéo-chrétien. En définitive, pour faire adopter la constitution, on a déformé cette charte en faisant des concessions à tous les courants et en entamant l’identité même de l’Europe. En substance, la charte conditionnait l’entrée dans l’UE au fait de se déshabiller de ses relents fascistes et religieux. On connaît la suite. Avec l’élargissement aux pays de l’Est sous l’influence des Etats-Unis on a, au détriment de toute raison, obligé l’UE à devenir une machine à sous. L’OMC a imposé sa logique globale et glauque. D’ailleurs, cela a surtout servi la Chine et l’Inde, tant mieux pour eux. Les Etats-Unis qui croyaient sortir leaders de cette manœuvre mangent leur chapeau. C’est comme la ligne Maginot, on attend avec obstination les choses d’un côté et elles arrivent d’ailleurs.

Que pense le peuple turc de tout ça ?

La population turque n’est pas un bloc monolithique. Sur 75 millions d’habitants, nous avons 30% d’islamiques, 30% d’Alévis, un courant proche des traditions soufies et favorables à la laïcité, et 40% de laïques qui ne sont pas près de démordre des valeurs républicaines. Pour se faire élire le président Gül* a pris l’engagement de respecter les valeurs laïques mais il ne s’y tient pas vraiment. Une poignée d’intellectuels a tout de suite décelé la posture du président et dénoncé l’hypocrisie. Mais en Europe tout le monde a applaudi. Dès 2003, il fallait dire à la Turquie qu’elle serait intégrée à l’UE après le bannissement de l’enseignement coranique obligatoire et le respect intégral des règles démocratiques. Mais l’UE a temporisé. Avec la crise de Gaza, elle commence à prendre conscience de la situation. En feignant d’oublier que les Ottomans ont fait l’histoire de l’Europe avec les judéo-chrétiens, elle a joué avec le feu et aujourd’hui il y a le feu.

Que voulez-vous dire ?

Si les Turcs deviennent hostiles à l’UE qui pourra arrêter l’influence de l’Iran, de l’Afghanistan, et du Pakistan ? Les Turcs font aujourd’hui les cerbères aux portes de l’Europe, ils filtrent le flux migratoire en provenance de toute l’Asie centrale. L’UE est complètement dépendante de la Turquie. La population turque est jeune. La Turquie est un  pays plein d’avenir et il constitue la seconde force armée de l’Otan.

La Turquie semble amenée à jouer un rôle de plus plus important dans le conflit israélo-palestinien ?

Je me considère personnellement comme une amie d’Israël, qui voulait être un exemple d’humanité et de démocratie au Moyen-Orient. Mais à la place de cela, les Israéliens ont mis leur existence en danger parce qu’ils sont entourés de haine dont ils sont en grande partie responsables. Et cela les rend fous. Aujourd’hui la stupidité de leur politique leur a fait perdre la notion de l’espace et du temps. La Turquie demeure un interlocuteur privilégié dans la région. Sur les tee-shirts des jeunes de Gaza, on voit plus l’effigie du Premier ministre turc Erdogan que celle des membres du Hamas. Là encore, l’UE ne mesure pas les enjeux qui concernent aussi ses relations avec le Maghreb. A travers l’intégration de la Turquie au sein de l’UE se joue aussi la reconnaissance identitaire des pays d’Afrique du nord. L’Europe a oublié l’Histoire.

Receuilli par Jean-Marie Dinh

* Abdullah Gül est membre du parti musulman de centre droit AKP il a été élu pour 4 ans en août 2007.

(1) Le sang des rêves, éditions Métailié 2010, 18 euros.

Voir aussi : rubrique politique internationale Gaza: l’attitude turque une leçon pour l’occident, les relations turco-israéliennes dans la tourmente, L a Turquie provoque les Kurdes, rubrique politique France discours de Latran, rubrique politique Allemagne Rubrique Allemagne Merkel : notre modèle multiculturel  a « totalement échoué » rubrique rencontre Elias Sambar, rubrique cinéma, Les réalisateurs turcs exportent leurs richesses,

Les Kirghizes votent pour la démocratie

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Le Kirghizistan sera la première démocratie parlementaire d’Asie centrale. Deux semaines après les émeutes sanglantes dans le sud du pays, environ 90 pour cent des Kirghizes ont voté dimanche en faveur d’une nouvelle constitution sur le modèle allemand. Pour la presse européenne, cela représente une lueur d’espoir en Asie centrale, bien que la situation dans la région soit globalement alarmante.

Berliner Zeitung – Allemagne

La nouvelle république kirghize doit instaurer la confiance

Les Kirghizes ont décidé dimanche par référendum le passage à une république parlementaire. Mais tout n’est pas encore gagné, estime le journal de centre-gauche Berliner Zeitung : « Il faut désormais instaurer la confiance dans le futur Etat, notamment au sein des Ouzbeks qui ont été victimes voici deux semaines d’un pogrom qui a coûté la vie à environ 2.000 personnes. … Cela présuppose trois choses : le gouvernement doit faire en sorte que les maisons détruites soient reconstruites rapidement et que les personnes revenant chez elles puissent vivre et travailler dans un environnement sûr. Deuxièmement, pour empêcher que des légendes ne surgissent, il doit demander à une Commission internationale d’enquêter sur le pogrom et sur le rôle de l’armée dans celle-ci, et faire comparaître les coupables devant la justice. C’est la condition de toute réconciliation. Mais pour que celle-ci soit durable, il faut troisièmement que les Ouzbeks soient représentés de manière raisonnable dans les institutions publiques, notamment au sein de l’armée, qui est pour l’instant essentiellement composée de troupes kirghizes. » (29.06.2010)

Le Temps – Suisse

Des doutes sur l’avenir de l’Asie centrale

Le vote des Kirghizes en faveur d’une démocratie parlementaire ne fait pas encore de l’Asie centrale une région modèle, estime Alain Délétroz, vice-président de l’organisation non-gouvernementale International Crisis Group en Europe, qui effectue des analyses sur les conflits : « Le bilan des 20 ans d’indépendance des ex-républiques soviétiques d’Asie centrale est très mitigé: trafic d’opium provenant d’Afghanistan, régimes kleptocrates, jeux d’influence entre les grandes puissances. … L’explosion de violence dans le sud du Kirghizistan a ramené sous les projecteurs une région encore mal connue, alors que les cinq républiques ex-soviétiques d’Asie centrale s’apprêtent à fêter l’an prochain leur vingtième année d’indépendance. Pour les populations de la région, cet anniversaire aura un goût amer. En effet, malgré la pompe que ne manqueront pas d’introduire dans ces festivités les cinq gouvernements, tous les indices de développement humains sont au rouge. » (29.06.2010)

Keskisuomalainen – Finlande

La véritable démocratie est un processus

Environ 70 pour cent des électeurs autorisés à voter ont participé au référendum sur la nouvelle constitution du Kirghizistan, un état de fait que le quotidien Keskisuomalainen approuve avec confiance : « Après que le référendum de dimanche s’est déroulé dans de bonnes conditions qui ont dépassé toutes les espérances, l’espoir que le Kirghizistan, en proie aux troubles, retrouve un avenir politique apaisé renaît. … Il est clair qu’il n’est pas possible d’instaurer une ‘véritable démocratie’ avec un référendum, mais qu’il s’agit d’un long processus. Mais il est tout aussi clair que les Kirghizes ont ainsi clairement exprimé leur volonté de voir leur pays retrouver un avenir politique. C’est leur droit, même si le résultat ne correspond pas tout à fait aux projets stratégiques proclamés par la Russie et les Etats-Unis pour cette région. » (29.06.2010)

Voir aussi : Rubrique Asie centrale, Bichkek promet une enquête sur le déclenchement des violences , Kirghizistan l’armée mobilisée, Bakiev : aucun pouvoir ne peut m’arrêter,

Bichkek promet une enquête sur le déclenchement des violences au Kirghizistan

Femmes refugiées Ouzbeck

Au Kirghizistan, le calme revient progressivement à Och dans le sud du pays. L’armée a commencé à lever les barricades qui bloquent l’accès aux quartiers ouzbeks dévastés, là où les violences entre Kirghizes et Ouzbeks auraient fait plus de deux mille morts, selon la présidente par intérim, et quatre cent mille déplacés. Le gouvernement a promis une enquête sur ces émeutes. Comment peut-on expliquer ce déferlement de violence entre les deux communautés ?

Asel Dolotkeldeiva était à Och, la grande ville du sud Kirghizistan lorsque les émeutes ont éclaté. Selon cette jeune kirghize, chercheuse au Centre des relations internationales (CERI), à Paris, tout a démarré par une bagarre entre jeunes dans un casino de la ville. Puis les rumeurs ont commencé à circuler : « Des rumeurs ont circulé disant qu’il y avait des femmes kirghizes violées. Les affrontements ont commencé et ce qui a aggravé le feu c’est que d’après la police la population ouzbeke détenait des armes très modernes ».

Rumeurs et vieilles rivalités. En mai dernier, suite au discours d’un leader ouzbek à l‘université de Djalalabad, les incidents ont éclaté renforçant les craintes des Kirghizes. La communauté ouzbeke, majoritaire dans le sud se dit, elle, défavorisée dans son accès à la terre et à la justice.

Mais les antagonismes ethniques ne peuvent tout expliquer, le rôle des politiques et des groupes criminels locaux est aussi à éclaircir, ainsi que la désorganisation des forces de l’ordre. Asel Dolotkeldeiva : « Pendant plus d’une journée les troupes sont restées sans aucun ordre. Les autorités ne savaient pas quelle tactique employer face aux citoyens armés ou face à des criminels ».

Pendant cinq jours Asel Dolotkieldeva est restée barricadée dans un village kirghiz entouré par quatre villages ouzbeks, en banlieue de Och, avant d’être évacuée sur la capitale. Pour elle, les affrontements de ces derniers jours ne pourront être oubliés que si le gouvernement provisoire autorise la tenue d’une enquête pleine et transparente.

RFI

Rosa Otounbaïeva, présidente par intérim du Kirghizistan

Rosa Otounbaïeva, présidente par intérim du Kirghizistan

La présidente par intérim, Rosa Otounbaïeva, s’est rendue le 18 juin 2010 à Och où elle a rencontré des responsables locaux et des victimes des violences interethniques qui ont agité le sud du  Kirghizistan. Autre visiteur dans la région, le secrétaire d’Etat adjoint américain Robert Blake qui a qualifié de « crise humanitaire » la situation dans le sud de la République d’Asie centrale, et appelé à une enquête internationale sur les violences qui s’y poursuivent depuis une semaine.

A Och, ce matin 18 juin, Rosa Otounbaïeva a été plusieurs fois prise à partie par les habitants de la ville, réunis dans les locaux de l’administration régionale. Elle, qui était venue délivrer un message de réconciliation entre Ouzbeks et Kirghiz, a dû faire face à beaucoup de paroles très vindicatives des uns contre les autres.

Rosa Otounbaïeva a pu mesurer l’ampleur de la défiance et de l’incompréhension qui règnent entre les deux ethnies après une semaine de violences et de catastrophes humanitaires. La présidence par intérim est très contestée ici, jugée trop faible et illégitime, elle qui est arrivée au pouvoir il y a seulement deux mois après le renversement de l’ancien président Kourmanbek Bakiev.

La présidente par intérim, prostrée sur son fauteuil face à une foule très véhémente, à grande majorité kirghize, a conclu cette rencontre tendue en reconnaissant que le travail de réconciliation était énorme et prendrait beaucoup de temps.

Rosa Otounbaïeva a appelé tout le monde à la modération et à la patience. Elle a reconnu que le nombre de morts dans ces violences qui ont opposé Khirghiz et Ouzbeks, était certainement beaucoup plus élevé que les deux cents victimes recensées pour le moment. « Afin d’obtenir le véritable bilan, je pense qu’il faudrait multiplier les chiffres officiels par 10 », a-t-elle dit.

Quant au référendum constitutionnel qu’elle voulait organiser dans une semaine pour légitimer son gouvernement provisoire, Rosa Otounbaïeva a refusé de confirmer qu’il aurait bien lieu : « Nous y réfléchissons toujours », a-t-elle simplement indiqué.

A Och, la population estime avoir été abandonnée par le pouvoir central dès les premiers jours des violences, quand aucune force de l’ordre ne pouvait enrayer l’escalade des affrontements. Aujourd’hui les habitants, disent : « Ne plus accorder aucune crédibilité, aucune légitimité » à ce gouvernement provisoire.

Beaucoup de Kirghiz jugent d’ailleurs que ce gouvernement provisoire est en partie responsable de la situation actuelle qu’il n’a pas pu juguler. On lui reproche aussi d’être trop faible et d’avoir montré son incapacité à gérer une région prompte à s’enflammer très rapidement.

L’autre raison de cette visite de Rosa Otounbaïeva est de s’assurer que l’aide acheminée par le gouvernement parvienne à ce qui en ont besoin dans la région de Och. Les distributions ont commencé depuis deux jours, un peu partout en ville. Il reste toutefois de gros problèmes, notamment l’accès des convois humanitaires qui amènent de la nourriture, des médicaments et de l’eau aux quartiers et populations ouzbeks.

Dans ces zones les gens sont toujours retranchés derrière des barricades et la présence khirghize n’est pas vraiment appréciée. Tous les policiers et militaires qui organisent cette distribution humanitaire ne sont pas les bienvenus et n’arrivent pas à entrer dans ces quartiers.

La présidente Rosa Otounbaïeva a d’ailleurs indiqué en posant le pied à Och qu’elle était venue rassurer la population sur le travail du gouvernement et aussi apporter un message de réconciliation entre toutes les ethnies. C’est là, le gros du travail qui reste à faire ici : arriver à ce que les gens puissent vivre encore ensemble comme ils le faisaient il y a une semaine avant l’explosion des violences.

Camille Magnard RFI 18/06/10

Situation humanitaire dramatique dans le sud kirghize

La situation humanitaire est difficile et il est urgent d’agir dans ces régions. Combien sont-ils dans tout le sud kirghize à être ainsi en mouvement ? A Och, la capitale du sud du pays, l’aide humanitaire arrive peu à peu. Il y a eu depuis deux jours des distributions d’eau, de farine, de sucre, ce qui n’est pas le cas à l’extérieur de la ville.

Les tirs se sont interrompus mais la tension est extrême et les gens ne veulent pas retourner dans leur quartier. Selon certains témoignages, des personnes auraient reçu des SMS leur promettant : « le 22 juin vous aurez une surprise », de quoi terrifier cette population.

Des affrontements qui ne sont pas intervenus par hasard

On ne sait pas à quoi correspond cette date. Toutefois, le 27 juin doit se tenir un référendum crucial. Pour le gouvernement provisoire, c’est un peu sa légitimité qui en dépend. En cas d’échec, et on ne voit pas comment cela n’en serait pas un, c’est la porte ouverte à la guerre civile.

Les affrontements entre communautés ethniques n’interviennent pas par hasard. Cette violence est organisée. Il y a des forces politiques, peut-être criminelles, une somme d’intérêts autour du sud kirghize qui est le fief de l’ancien président Bakiev, renversé le 7 avril dernier.

Ces forces ne veulent clairement pas de ce référendum. Elles ne veulent pas que le gouvernement provisoire ait cette légitimité. Sans doute, toutes les occasions sont bonnes pour déstabiliser la situation et saper l’organisation de ce référendum.

Voir aussi : Rubrique Asie centrale, Les Kirghizes votent pour la démocratie, Kirghizistan l’armée mobilisée, Bakiev : aucun pouvoir ne peut m’arrêter,