4 x 11 : l’Ensad se déchaîne sur scène

"NNN" : les élèves mi humains mi robots abordent le travail de désynchronisation  avec Gildas Milin.  Photo dr

« NNN » : les élèves mi humains mi robots abordent le travail de désynchronisation avec Gildas Milin. Photo dr

Le Printemps des Comédiens ouvre largement son programme aux étudiants de  l’Ensad dont on découvre le talent au travers de  quatre création

Le festival qui porte haut l’art du théâtre, entretient de longue date un lien étroit avec l’école nationale supérieure d’art dramatique (Ensad) de Montpellier.  Avant de fouler les planches du Théâtre d’Aubervilliers en novembre, la promo du regretté Richard Mitou, l’ex directeur de l’Ensad, libère une énergie époustouflante dans les quatre pièces données au Théâtre du Hangar.

Le marathon s’organise jusqu’au 24 juin, sous la houlette de Gildas Milin, le nouveau directeur de l’Ensad qui impulse une énergie de création continue, dans une optique de professionnalisation. 4 x 11 est un projet où les  élèves se confrontent à quatre metteurs en scène de générations différentes : Alain Françon, Robert Cantarella, Jean-Pierre Baro et Gildas Milin. Une traversée de plusieurs décennies à partir de textes choisis aboutissant à quatre créations aux esthétiques et rythmes très différentes.

Robert Cantarella emprunte à Rivette, Corneille et Marivaux pour construire  Monstre, dont la trame tourne autour du jeu collectif et du complot. Jean-Pierre Baro, le benjamin, explore  l’intime et le politique avec La mort de Danton. Alain Françon, pose un montage de textes de Botho Strauss sur la table. La langue soutenue du dramaturge allemand, nourrit un regard satyrique sur le couple toujours au cœur de l’ordre social, dont il renouvelle les problématiques. La mutation physique et celle des modes de vie sont abordées par Gildas Milin avec NNN (Ni égaux, Ni frères Ni libres) inspiré de  la fiction théâtrale des années 20 de Karel Capek RUR. La pièce apparaît toujours comme l’ovni qui a pu séduire Artaud.

La fougue des onze jeunes comédiens relègue le ballon rond aux oubliettes pour investir un tout autre terrain de jeu à découvrir.

JMDH

"Triptyque" Les 7 doigts de la main photo dr

« Triptyque » Les 7 doigts de la main photo dr

Nouveau Cirque. « Tripyque »  Un défi à l’apesanteur au Printemps des comédiens

C’était en 2012. Et l’amphi d’O, plein jusqu’au faîte, avait retenu son souffle. Ce que proposaient cette année-là les danseurs-acrobates des 7 doigts de la main, était un peu la quintessence de ce nouveau cirque dont le Printemps des Comédiens a été, avant tout le monde, une constante vitrine. C’est-à-dire l’alliance de la poésie et de la performance physique, de l’humour et de la prouesse technique, de l’imaginaire et du corps. Revoici les Canadiens avec un spectacle plus ambitieux encore. Leur credo de base est le même : relever le défi permanent de la gravité. Gravité dans ses deux sens : celui de l’attraction terrestre qui contraint le corps du lever au coucher, celui de la légèreté souriante à mettre cette confrontation en scène. Pour les trois pièces dont est composé ce spectacle, la compagnie s’est, pour la première fois, alliée à trois chorégraphes et à une danseuse étoile québécoise. Est-ce à dire que la danse prend le pas sur la performance physique ? Non : Triptyque amalgame les deux plus étroitement encore, repousse un peu plus loin les frontières entre les disciplines. Et garde intacte cette capacité d’émerveillement que chacun de ses spectacles sait faire naître.

Aujourd’hui et demain  à 22h

Source La Marseillaise 14/06/2016

Voir aussi ;  Rubrique Théâtre, rubrique FestivalMontpellier,

Le jeu spectral du spectateur

spectateurs-lapins

Le théâtre est-il toujours le miroir de la vie ? Voilà une des questions qui affleure le lecteur qui parcourt le petit livre de Florence March consacré à la relation qui se tisse entre artistes et spectateurs.   Le retour du théâtre bourgeois qui caractérise l’ère de la droite décomplexée  n’est pas plus mis en cause ici que la performance contemporaine éphémère kleenex  « de gauche » à consommer sur place. Ce dont il est question, c’est du statut du spectateur.

Où en est le théâtre ? A l’heure où le traitement télévisé de la violence ou de l’amour ne procure plus aux spectateurs qu’un sentiment d’indifférence, la déliquescence générale du lien social alimente le débat sur une participation active à l’événement théâtrale.  Mais à quel point le lien entre regardé et regardant devenu totalement fictif impacte la relation acteur – spectateur ? Tout cela donne à réfléchir. Rompant avec le pacte  de la représentation classique, nombre d’artistes ont choisi de s’engager sur des voies subjectives pour restituer la notion de communauté et de liberté propre au théâtre. Le livre de Florence March ne cherche pas à clarifier leurs démarches mais à rendre compte de ces expériences individuelles et collectives.

Le spectateur à l’épreuve
En 2009, compagnies, auteurs et spectateurs se retrouvent au Centre national des écritures du spectacle de la Chartreuse pour explorer les liens entre théâtre et nouvelles technologies à travers le prisme d’un « théâtre d’information ». L’ambition affichée de Sonde était de réinterroger de façon ludique, le rapport du théâtre à l’actualité. Une proposition plutôt pertinente dans le monde d’aujourd’hui qui est, comme l’on dit, le théâtre de nombreuses crises et de tensions. Cette manifestation trouva son prolongement à Montpellier dans le cadre du Festival Hybrides.

L’idée que le spectateur doit dans une certaine mesure être mis à l’épreuve émerge. Il est venu pour se distraire, pour évaluer et c’est finalement lui que l’on évalue comme dans la pièce Naître d’Edward Bond, mis en scène par Alain Françon au Festival d’Avignon 2006 qui vida la cours de ses spectateurs. Toujours à Avignon, Le groupe Miroir qui se compose d’une trentaine de spectateurs, revendique l’inversion des rôles en s’affirmant comme le miroir de la scène et du processus de création. Avec la déconstruction du cadre de représentation, on pense à Marie-José Malis qui vient de présenter On ne sait comment de Pirandello au théâtre de La Vignette en jouant sur le partage des espaces.

Composer avec l’imprévu
A partir d’exemples concrets, Florence March interroge ce que recouvre l’espace théâtral. En tant que lieu carrefour où les forces s’affrontent en une lutte puissante, voire fatale, dans le cas de la tragédie. Mais surtout en tant que lieu d’expériences.  Le délicat passage de l’ignorance à la connaissance, qui procure des émotions aux spectateurs implique de composer avec l’imprévu. Émotions dont au final ceux-ci tireront des enseignements pour leur vie réelle. On retrouve ici l’effet cathartique du théâtre. De nos jours, la crise réelle, quelque soit son domaine, devrait aussi permettre à toutes les institutions ou partie prenante culturelle d’en tirer des enseignements. A court ou moyen termes, le théâtre demeure un lieu privilégié du devenir citoyen. Qui a dit qu’il devait remplir les salles ?

Jean-Marie Dinh

Relations théâtrales, éditions de l’Entretemps, 8 euros.

Voir aussi : Rubrique  Théâtre, Le théâtre de mensonge et de vérité, rubrique Essai, rubrique Politique culturelle, Crise et budgets culturels: l’effet domino, Mainstream la pensée unique,