Motion AFP adoptée au congrès du SNJ-CGT

Motion adoptée au congrès du SNJ-CGT le 8 mars 2017

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Motion AFP

De nouveaux accords d’entreprise viennent d’être signés à l’AFP, qui sort ainsi d’une période de 15 mois de turbulence après la dénonciation brutale par la direction de l’Agence de l’ensemble des précédents accords, fruits d’un demi-siècle de négociations paritaires.
Toutes les composantes de la CGT de l’AFP (journalistes, cadres techniques et administratifs, ouvriers et employés) ont travaillé main dans la main pour négocier pied-à-pied et arracher un nouvel accord global, qui est certes « défensif » mais préserve l’essentiel des droits sociaux pour les journalistes, voire apporte des améliorations sur certains points, ce qui n’était pas gagné d’avance avec l’entrée en vigueur de la Loi Travail.
Les plus ciblés par la direction ont été les ouvriers et les employés – censés être des nantis –, mais la solidarité entre les catégories de personnel a permis de limiter la casse.
La CGT, de loin la première force syndicale à l’AFP, a signé les nouveaux accords, aux côtés du SNJ autonome et de la CFDT (ces trois syndicats représentant 70% des voix). FO, SUD et la CFE-CGC ne les ont pas signés.

Pour les journalistes, la grille de salaire et le plan de carrière sont préservés et même un peu améliorés. L’essentiel du débat a porté sur le temps de travail. Les organisations syndicales avaient obtenu un accord très favorable aux salariés après la loi sur les 35 heures en 2001, avec jusqu’à 18 jours de RTT et 7 semaines de congés payés par an. Mais cet accord a été dévoyé dans la pratique, les 35 heures de travail hebdomadaires n’étant absolument pas respectées. Le temps de travail des journalistes de l’AFP était en réalité illimité, tant que l’actualité l’exigeait. Une situation que le SNJ-CGT dénonçait, et que ces négociations auront eu le mérite de remettre en débat.

Les nouveaux accords instituent plusieurs options pour les journalistes, soit un décompte horaire de 35 ou 39 heures, soit un forfait jour, une nouveauté à l’Agence. Ce dernier a donné lieu à un débat intense non seulement entre la direction et les syndicats, mais aussi à l’intérieur des syndicats, y compris le SNJ-CGT.

En négociant fermement, et fort de l’expérience d’autres entreprises (merci notamment aux camarades de France Télévision et de Mediapart de nous avoir tuyautés), nous avons obtenu des garanties qui nous semblent suffisantes pour tenter l’expérience : capage du temps de travail quotidien et hebdomadaire, auto-déclaration du temps de travail, mécanisme de suivi régulier de la charge de travail, et réversibilité toujours possible vers le décompte horaire.

Comme nous l’avons fait valoir aux salariés, il faudra « faire vivre » ces nouveaux accords, et il reviendra à chacun, en s’appuyant sur les syndicats, de faire respecter des horaires de travail décents, qui permettent un équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée. Ce qui contribuera également à redonner du sens à notre métier pour beaucoup de nos journalistes noyés dans l’information en continu – un gros problème à l’AFP.
Car si l’Agence n’est pas tombée sous la coupe d’un milliardaire ou d’un groupe industriel – contrairement à de nombreux médias- et que la rédaction y jouit d’une large indépendance, la question du sens de notre métier se pose pour beaucoup de journalistes, y compris des jeunes, avec le « toujours plus, toujours plus vite » réclamé par la hiérarchie sous la pression d’internet et des réseaux sociaux, avec la polyvalence texte-photo-vidéo-multimédia qui tend à devenir une obligation, et enfin le caporalisme de la hiérarchie et le manque de débat rédactionnel sur les angles et les choix de couverture.
L’AFP doit par ailleurs faire face à un lourd défi sur le plan économique et financier. La crise internationale du marché des médias entraîne la stagnation du chiffre d’affaire de l’Agence depuis 2010, et la gestion hasardeuse du PDG Emmanuel Hoog, depuis six ans, a plombé les comptes, avec une dette de 75 millions d’euros et des déficits récurrents depuis plusieurs années.

La direction a procédé à de lourds investissements sans avoir les financements correspondants : si le lancement d’un nouveau système rédactionnel multimédia était incontestablement nécessaire – quoique mal géré, ce qui a entraîné des surcoûts et des problèmes techniques récurrents- la rénovation simultanée des locaux du siège de l’Agence est contestable, notamment les travaux somptuaires de 2 millions d’euros effectués à l’étage de la direction générale, où ne travaillent qu’une douzaine de personnes. A quoi s’ajoutent des dépenses inconsidérées en frais de réception, en contrats de consultants, ainsi que le coût des nombreux procès (plusieurs millions d’euros) gagnés par des salariés titulaires ou pigistes du fait de violations graves du droit du travail (notons que l’AFP a été lourdement condamnée pour discrimination syndicale à l’encontre d’un délégué du personnel SNJ-CGT), plus un autre procès coûteux financièrement (plus d’un million de dollars) et en termes d’image contre un photographe haïtien à qui l’Agence a volé des photos, ou encore les indemnités de départ à cinq zéros accordés à une demi-douzaine de directeurs.

Les nouveaux accords d’entreprise devraient générer à terme quelques économies, mais cela ne règlera pas l’équation financière difficile de l’Agence.

La question qui se pose en fait est celle de la pérennité de l’AFP comme agence mondiale d’information. Aucune des grandes agences mondiales (les deux autres étant Reuters et Associated Press) n’est rentable, pour la bonne et simple raison que l’activité même d’agence internationale d’informations générales n’est structurellement pas rentable. Les grandes agences fonctionnent comme des services mutualisés pour l’ensemble des médias, utiles aussi pour les gouvernements, les grandes institutions et entreprises.
Il est donc insensé d’exiger de l’AFP qu’elle soit rentable et finance son développement sur ses marges bénéficiaires comme une entreprise privée classique. C’est pourtant ce à quoi tendent les directives de Bercy à travers le contrat d’objectif et de moyens imposé à l’AFP et le contrôle tatillon de la Commission européenne sur les aides accordées par l’Etat au titre de la « mission d’intérêt général » de l’Agence. Que l’AFP soit dirigée depuis 20 ans par une succession d’énarques carriéristes, qui se suivent et ressemblent – dont M. Hoog est le dernier avatar – sans réelle compétence ni légitimité, et fondamentalement sans vision industrielle pour développer l’Agence, participe évidemment au problème.

Les restrictions budgétaires qui frappent l’Agence depuis plusieurs années ont déjà eu un impact sur sa mission d’information, avec la baisse conséquente des budgets de reportage dans tous les services et bureaux en France et à l’étranger, et la dégradation générale des conditions de travail.

Le service AFP-TV, dont le développement se fait façon « low cost », avec du personnel précaire et pressuré, ne doit pas devenir la norme à l’Agence. Enfin le gel des salaires de l’ensemble du personnel depuis cinq ans n’est plus tenable. L’AFP, qui a été créée par une loi votée au parlement en 1957, a besoin d’une vraie volonté politique pour continuer à vivre et à se développer.

Le SNJ-CGT appelle les pouvoirs publics, la représentation nationale, la profession et les syndicats à tout mettre en oeuvre pour pérenniser le budget de l’Agence afin qu’elle demeure une des trois grandes agences mondiales d’informations.

Voir aussi : Actualité France, Rubrique Médias,

La première dépèche AFP dans Paris Libéré

Source AFP

Voir aussi : Rubrique Médias, rubrique Histoire,

 

« N’abandonnez pas l’indépendance de l’AFP ! »

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Lettre ouverte aux parlementaires français

Mesdames et Messieurs les députés, Mesdames et Messieurs les sénateurs,

Vous êtes actuellement appellé à étudier une « Proposition de loi portant diverses dispositions tendant à la modernisation de la presse » (PPL N°2224). Ce texte comporte des dispositions visant à modifier le statut de l’Agence France-Presse, afin de le rendre compatible avec le droit européen de la concurrence.

Persuadés que les changements proposés ne constituent pas des « aménagements limités », mais au contraire des bouleversements décisifs du statut de 1957, les syndicats CGT, FO, SUD et CFE-CGC de l’AFP – représentant près de 62% des votants lors des récentes élections professionnelles – vous prient de bien vouloir prendre en compte leurs préoccupations.

Le statut de la liberté

Entreprise publique depuis la Libération, l’AFP a « cessé d’être une agence d’Etat pour devenir une agence libre »1, grâce à son statut de 1957. Les auteurs de la loi du 10 janvier 1957 ont intentionnellement transformé l’AFP en un « organisme autonome », doté d’un statut original, « sui generis ». Ni entreprise publique, ni entreprise privée, elle « ne peut en aucune circonstance tenir compte d’influences ou de considérations de nature à compromettre l’exactitude ou l’objectivité de l’information ; elle ne doit, en aucune circonstance, passer sous le contrôle de droit ou de fait d’un groupement idéologique, politique ou économique » (Article 2 du statut).

Ce nouveau statut, « une contribution de la France à la liberté de l’Information », selon Jean Marin2 (PDG de 1957 à 1975), était le fruit d’un processus de discussion de plusieurs années, mené en toute transparence.
Au moment où vous allez vous prononcer sur l’éventuelle modification du subtil équilibre de ce statut, nous vous prions de prendre la mesure du fait que ce texte avait fait un large consensus : approuvé par 82% du personnel, lors d’un référendum interne, il a éte? adopté – fait rare – à  l’unanimité par le Parlement français.

Remise en cause de la mission d’intérêt général

« Entreprise bâtarde, qui ne devrait pas exister dans un monde d’économie de marché, mais qui fonctionne quand même » depuis plus de 50 ans (selon Claude Moisy, ancien PDG3), l’AFP fait l’objet depuis 2010 d’une enquête de la Commission européenne. Bruxelles reconnait désormais que les versements publics à l’AFP constituent une « aide existante » au sens du droit de l’Union européenne (c’est-à-dire une aide qui était en place avant l’entrée en vigueur du traité de Rome).

1 Selon Albert Bayet, à l’époque président de la Fédération nationale de la presse française
2 Communication de Jean Marin sur l’AFP et son Statut, devant l’Académie des Sciences morales et politiques, le 29 février 1960
3 Tribune libre de Claude Moisy, ancien PDG de l’AFP, publiée dans le journal Le Monde daté du 30 septembre 2009 – http://www.sos-afp.org/fr/documents/moisy

1 Cette reconnaissance a été rendue possible par le fait qu’en 2011, nous avons réussi à préserver la loi du 10 janvier 1957, alors qu’elle devait être profondément remodelée, et par la retouche du statut décidée ensuite, en 2012. Retouche qui, avec le soutien unanime des syndicats de l’AFP, inscrit a? l’Article 13 une référence explicite aux « missions d’inteérêt géneéral, telles que définies par les Articles 1er et 2 de ce même statut.

Cependant, à l’issue de son enquête, la Commission européenne a demandé au gouvernement français la mise en œuvre d’une série de « mesures utiles », d’ici le 27 mars 2015. Celles-ci, transcrites dans la PPL N°2224, sont résumeées dans une lettre du vice- président de la Commission européenne, Joaquin Almunia, datée du 28 octobre 2014.

Parmi les dispositions de cette PPL, deux inquiètent particuliérement les organisations syndicales attacheées à l’indépendance de l’AFP.

1/ La PPL introduit dans le statut l’idée que l’AFP puisse avoir des activités ne relevant pas de ses missions d’intérêt général. Cela répond à une demande expresse de la Commission européenne, qui réclamait dans une lettre datée du 28 mars 2014 que « les autorités françaises s’engagent (…) à prendre un acte normatif qui matérialiserait l’obligation par l’AFP de filialiser et développer les activités autres que celles définies aux Articles 1er et 2ème de la loi du 10 janvier 1957 dans le cadre de sociétés juridiquement distinctes. »

Cette disposition modifie la nature même de l’AFP, en bouleversant le subtil équilibre trouvé en 1957. D’une AFP qui est une mission d’intérêt générral et n’est rien d’autre qu’une mission d’intérêt général, on passerait – comme la direction de l’agence l’assume déjà à une AFP- »entreprise priveée », dont certaines de ses activités pourraient béneéficier d’aides d’Etat, car relevant de missions d’intérêt général, alors que d’autres seraient purement commerciales.

En étudiant les échanges entre Paris et Bruxelles, nous avons découvert à notre grande surprise que cette logique impose à l’AFP de considérer que son service de langue allemande ne fait pas partie de ses missions d’intérêt général. L’acceptation d’un tel principe pourrait signifier dans le futur de filialiser des pans entiers de nos activités, notamment des services en langue étrangère. La création d’une filiale technique irait dans le même sens. Selon le dernier document de la direction, elle impliquerait non seulement des financements publics, mais aussi « un financeur privé » (qui « pourrait intervenir sous forme de crédit-bail sur une partie du matériel cédé à la filiale ».) Cela veut dire que l’AFP ne serait plus propriétaire d’une partie de son outil de travail, qui appartiendrait à une banque privée.

2/ L’autre disposition de la PPL à laquelle nous nous opposons concerne la modification de l’article 14 qui protége l’AFP contre une éventuelle faillite. La modification proposée dans la PPL consacre le désengagement de l’Etat et revient, elle aussi,à considérer l’AFP comme une entreprise privée, régie selon des critères purement mercantiles.

Un problème de démocratie

Vous êtes donc appelé(e) à vous prononcer sur une PPL qui vise à mettre l’AFP en conformité avec les règles de Bruxelles. Mais avez-vous pu prendre connaissance des demandes précises de la Commission européenne et de leurs implications pour l’AFP ? Nous avons pu lire rapidement l’échange de lettres entre Paris et Bruxelles, découvrant de nombreux points que nous jugeons contraires aux principes fondateurs de l’agence.

4 Cf. http://ec.europa.eu/competition/state_aid/cases/244911/244911_1600950_159_4.pdf 2

Pour faire la transparence, nous avons demandé à la direction de l’AFP et au gouvernement de publier ces échanges, notamment la « lettre de mesures utiles » datée du 28 mars 2014, dans laquelle M. Joaquin Almunia développe sur plus de 40 pages les demandes de Bruxelles, alors que celle envoyée six mois plus tard se limite à lister ces mesures. Nous constatons que les deux rapports du députe? Michel Françaix sur l’AFP n’ont pas pu tenir compte de ces développements : son rapport d’étape date de janvier 2014, son rapport final de mars 2014.

La PPL N°2224 transpose les mesures demandées par Bruxelles, mais ce pas a éte? franchi dans la précipitation, puisqu’il n’existe à notre connaissance aucune expertise détaillée des conséquences que leur application entrainerait pour l’AFP, et notamment pour son indépendance.

Quel contraste avec l’adoption du statut de 1957 ! Quelle précipitation, quel manque de transparence, quelle absence de consensus !

Ne serait-il pas souhaitable de charger une commission parlementaire d’étudier toutes les implications de ces « mesures utiles », avant d’envisager de modifier de fond en comble les principes fondateurs de l’AFP ? Et pourquoi ne pas explorer d’autres pistes, qui permettraient d’envisager le futur de l’AFP en développant sa mission d’intérêt général, plutôt que de choisir des activiteés réalisées pour satisfaire des intérêts particuliers ?

Mesdames et Messieurs les députés, Mesdames et Messieurs les sénateurs,

– Ne prenez pas le risque d’imposer à l’AFP un nouveau modèle qui met en danger son indépendance et auquel la majorité du personnel n’adhère pas !

? L’AFP est née d’une volonté politique ; faites preuve de votre volonté politique de défendre son indépendance !

Paris, le 9 décembre 2014

Les syndicats CGT, FO, SUD et CFE-CGC de l’AFP

Nous nous permettons d’attirer votre attention sur les textes suivants :

  • –  Communiqué des syndicats CGT, FO, SUD et CFE-CGC de l’AFP appelant à une grève de 24 heures à partir du 10 décembre 2014 à 16h – http://www.sos- afp.org/fr/appel_dec2014
  • –   »Le Statut de la Liberté » : comment la loi sur le statut de l’AFP fut adoptée en 1956. Extrait du livre « AFP, une histoire de l’agence France-Presse, 1944-1990? de Jean Huteau et Bernard Ullmann. Editions Robert Laffont, 1992 – http://www.sos- afp.org/fr/documents/huteau_ullmann
  • –  Jean Waline: étude du statut de l’AFP, publiée dans « La Revue du droit public et de la

science politique » en 1964 – http://www.sos-afp.org/sites/default/files/1964- AFP_etude_Waline.pdf

Voir aussi : Rubrique Médias,

Lettre ouverte au Président de la République des syndicats de journalistes

SNJ et SNJ-CGT

Monsieur le Président,

Les journalistes et leurs organisations syndicales sont mécontents; ils sont en attente depuis des mois de la nouvelle loi sur la protection des sources des journalistes, une des promesses du candidat François Hollande lors de sa campagne électorale.

Un projet, élaboré après plusieurs mois de travail avec les professionnels afin de compléter les dispositions de la loi votée sous le quinquennat précédent, demeure enfoui sur une étagère de l’Assemblée nationale.

La proposition de loi a été gelée peu avant le vote au Palais Bourbon sous pression du ministre de l’Intérieur de l’époque, Manuel Valls.

Les syndicats français avaient protesté à l’époque contre ce mauvais coup porté à la liberté de la presse.

Pour autant, ni le gouvernement Ayrault, ni ceux de Valls, ni le président de la République n’ont jugé utile de remettre sur le bureau de la représentation nationale le texte sur cette disposition essentielle pour le droit des journalistes.

Cette logique refléte-t-elle la volonté de ne pas remettre en cause les coups portés aux journalistes et au pluralisme des medias par Nicolas Sarkozy, l’ « ami » de tous les patrons des grands groupes privés de médias ?

Cette même logique « d’Etat » cacherait-elle d’autres objectifs moins avouables ?

La question vaut d’être posée car aujourd’hui rien n’a été fait pour sérieusement réformer le système des aides à la presse afin de garantir et préserver le pluralisme.

Pire on met en cause le devenir de l’AFP en sacrifiant volontairement la seule agence non anglo-saxonne aux règles du libéralisme (concurrence libre et non faussée), en amputant le budget de France Télévision, mettant ainsi en cause l’emploi de ses personnels et, en conséquence, la qualité de l’information.

Dans ce contexte, les syndicats français SNJ et SNJ-CGT dénoncent l’attaque récente de l’hebdomadaire Valeurs Actuelles contre nos deux confrères du quotidien Le Monde, Gérard Davet et Fabrice Lhomme, en publiant leurs sources supposées.

Cette situation est extrêmement préoccupante. C’est pourquoi à l’occasion de la journée européenne des syndicats de journalistes (DEBOUT POUR LE JOURNALISME) organisée à l’initiative de la Fédération européenne des journalistes (FEJ, 300.000 adhérents), les syndicats français SNJ et SNJ-CGT appellent le gouvernement et les parlementaires  à inscrire le projet de loi à leur agenda, pour qu’enfin notre pays soit doté d’une loi véritablement protectrice des sources, sans laquelle, les journalistes sont en danger et les medias mis dans l’incapacité d’informer complètement les citoyens.

La loi sur la protection des sources des journalistes doit être votée sans plus tergiverser.

Paris le 10/11/2014

Voir aussi : Rubrique Médias, rubrique Débat,

Offensive sarkozyste contre l’indépendance de l’AFP

Si la proposition de loi «relative à la gouvernance de l’AFP» déposée au Sénat est adoptée, «l’agence est morte», affirment Dominique Ferrandini et Patrick Filleux, membres fondateurs du Syndicat autonome des journalistes (SAJ-UNSA). A onze mois de l’élection présidentielle, le pouvoir sarkozyste s’attaque, dans la précipitation, à l’indépendance de la principale entreprise de presse française et troisième agence mondiale d’information, l’Agence France-Presse (AFP). Par le biais du dépôt, au Sénat, d’une proposition de loi «relative à la gouvernance de l’AFP», signée par le sénateur UMP Jacques Legendre et qui doit être examinée dans l’urgence avant la clôture de la session parlementaire, fin juin, c’est bien le statut «constitution» de l’Agence, voté par le Parlement en 1957 et qui lui a permis d’assurer jusqu’à ce jour son indépendance, qui est menacé.

L’indépendance de l’AFP vis-à-vis de l’Etat, donc de son exécutif, fut au cœur de la réflexion du législateur en 1957. L’accouchement fut long et difficile. 15 ans de gestation. Le bébé fut conçu dans la Résistance, dans un élan démocratique et progressiste combattant, tout entier dicté par deux intangibles paradigmes: le droit à informer et le droit à être informé.

Couper le cordon ombilical avec l’Etat, donc garantir la diffusion à l’ensemble de la presse française et internationale, d’une information mondiale honnête, vérifiée, recoupée, exempte de toute pression politique, économique ou idéologique, fut le gage de la crédibilité de l’AFP, donc de son existence et de son développement.

Quelque 3.000 journalistes et personnels techniques travaillent aujourd’hui pour l’Agence dans 165 pays. Leur mission, selon l’article 1er du statut de 1957, est «de rechercher, tant en France (…) qu’à l’étranger, les éléments d’une information complète et objective».

Mais c’est l’article 2 qui définit et fixe le cadre éthique dans lequel l’Agence œuvre en toute indépendance: «L’Agence France-Presse ne peut en aucune circonstance tenir compte d’influences ou de considérations de nature à compromettre l’éxactitude ou l’objectivité de l’information; elle ne doit, en aucune circonstance, passer sous le contrôle de droit ou de fait d’un groupement idéologique, politique ou économique». Tout est là !

Qu’en est-il dans la proposition de loi sénatoriale, appuyée et endossée sans réserve par l’actuel PDG Emmanuel Hoog, parachuté en 2010 avec la bénédiction -sinon l’intervention- de l’actuel pouvoir, dont il serait lassant de rappeler les attaques auquel il s’est livré contre la liberté et l’indépendance de la presse en général et de l’AFP en particulier depuis 2007

L’article 2 est conservé en l’état, mais vidé de sa substance

La nouvelle «gouvernance» envisagée -tant dans la composition du conseil d’administration, qu’en ce qui concerne les ressources et moyens financiers de fonctionnement et développement- sous prétexte d’harmoniser le statut de 1957 avec les lois et directives européennes, place de facto et officiellement l’AFP sous la sujétion de l’Etat.

De plus, l’AFP, qui a été dotée en 1957 d’un statut «d’organisme autonome bénéficiant de la personnalité civile», sans capital ni propriétaire, et dont les ressources proviennent des abonnements de ses usagers, serait assimilée à un organisme «privé». Mais, lourde contradiction hypothèquant son développement, tout en étant soumise aux règles commerciales classiques, elle se verrait interdire d’entrer en concurrence avec ses clients (la presse de détail écrite et audiovisuelle), pour rester cantonnée au rôle de grossiste de l’information.

L’AFP serait donc à l’avenir, et dans le cadre de la révolution du Net, dans l’impossibilité de commercialiser sur la Toile et à l’usage des potentiels clients privés que nous sommes, vous et moi, la masse de ses informations françaises et internationales. Cette formule commerciale à l’étude, a pour nom anglo-saxon B2C (Business to Consummer), mais est fermement combattue depuis l’éclosion de l’Internet par les patrons de presse français, pour la plupart amis ou idéologiquement proches de l’actuel pouvoir politique.

Ils y voient, en ce qui concerne l’Agence, une «intolérable concurrence déloyale», mais avant tout une grave menace pour leurs intérêts vitaux, incapables qu’ils sont de diversifier leurs productions, tant sur le fond que sur la forme, pour aller à la rencontre de «nouveaux gisements de clientèle», ou pour faire tout simplement leur métier de diffuseurs d’informations sous toutes ses formes.

Voici donc l’AFP de demain, imaginée par le couple Hoog-Legendre: une agence «d’informations» assujétie au pouvoir de l’Etat et bridée dans son développement par le pouvoir de l’argent des grands groupes de presse.

Autant dire que l’AFP, agence mondiale de presse indépendante, vecteur essentiel de diffusion de la culture française dans le monde, est morte. Sa singularité, son regard, sa lecture des évènements du monde, face à ses deux concurrentes anglo-saxonnes uni-tonales, l’étatsunienne Associated Press et la britannique Reuter’s, sont réduits à néant.

Avant l’actuel statut de 1957, ces deux là ne manquaient jamais en citant l’AFP, de préciser à leurs lecteurs «agence gouvernementale française». Nul doute qu’elles entonneront le même refrain décrédibilisant, si le bouleversement de statut proposé était adopté par la représentation nationale.

Reste que l’Agence France-Presse est un bien commun des citoyens français d’où ils puisent l’immense majorité des informations honnêtes et vérifiées lues dans leurs journaux, écoutées sur leurs radios et diffusées sur leurs écrans.

Cette tentative aussi grossière que malhabile d’encadrement politique, idéologique et économique de la principale source d’information française (dont Sarkozy s’est plaint à maintes reprises pour ne pas être suffisamment à sa bottine), entreprise dans la précipitation avant une échéance qui se présente pour le moins en la défaveur du Président sortant (et presque sorti), illustre -s’il en était besoin- sa lecture des mots Démocratie et République.

Les journalistes et personnel technique et ouvrier de l’AFP ont fait une première grève de 24 heures, jeudi et vendredi, pour y faire échec. Mais leur combat ne doit pas, ne peut pas rester solitaire. Tous les citoyens français, démocrates et républicains sont concernés.

Par Les invités de Mediapart

 

Voir aussi :  Rubrique Médias, On line  http://blogs.mediapart.fr/edition/les-invites-de-mediapart/article/270511/offensive-sarkozyste-contre-lindependance-de-la