La Silicon Valley va-t-elle vaincre la mort ?

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Les pontes de la Silicon Valley prennent de l’âge et ils détestent ça. Sont-ils près de trouver un remède scientifique au vieillissement ?

La porte brune du bureau de Joon Yun passe facilement inaperçue, entre un teinturier et un salon de coiffure au deuxième étage d’un immeuble du centre-ville de Palo Alto, Californie. À elle seule, l’adresse en dit long : le 475 University Avenue, au cœur d’un quartier particulier dans le monde des start-up de la Silicon Valley. A quelques minutes à pied des sièges de PayPal, Facebook et Google. Étrangement, les ambitions de ces multinationales sont bien plus modestes que les idées sur lesquelles travaille Yun.

Cet élégant médecin d’une quarantaine d’années est également un important gestionnaire financier de la Silicon Valley. Ce rêve ambitieux le poursuit depuis ses études sur les bancs d’Harvard.

« Je fait le pari que le vieillissement est un code », m’explique-t-il, assis à l’autre extrémité d’une table de conférence lustrée. « Un code qu’il est possible de cracker et de pirater. L’approche actuelle de la santé repose sur un allègement de vos symptômes jusqu’à ce que la mort vous délivre. On soigne les maladies dues au vieillissement, mais on ne traite pas le processus qui en est responsable. La médecine fait du bon boulot pour que les gens vivent mieux et plus longtemps, mais le vieillissement reste pour le moment inéluctable. »

Récompense : 1 million de dollars

En 2014, Yun a créé la fondation Race Against Time (« Course contre le temps ») ainsi que le prix Palo Alto, qui prévoit une récompense d’un million de dollars pour l’équipe qui sera capable de ralentir le vieillissement et d’allonger l’espérance de vie d’un mammifère de 50 %.

« Nous avons besoin de gens qui réalisent des progrès scientifiques sur le long terme et d’autres qui font des paris plus risqués. Pour moi, il est impossible que la question du vieillissement reste indéfiniment sans réponse. »

’idée que la recherche scientifique s’emparera bientôt du phénomène est largement répandue dans la Silicon Valley. Le langage utilisé par Yun pour décrire son rêve, en particulier l’emploi du mot « guérir », hérisse le poil des chercheurs conventionnels du secteur.

Pourtant, ils sont peu à se plaindre de l’intérêt des magnats de la Silicon Valley pour la médecine.

La mort le mettait « très en colère »

Depuis plusieurs années, les organismes publics de santé tels que le National Institutes of Health (NIH) ne consacrent qu’une part symbolique de leur budget à la recherche sur le vieillissement. Ce sont clairement les financements privés, nourris par de grandes ambitions, qui galvanisent le secteur.

L’Ellison Medical Foundation a investi pas loin de 400 millions de dollars dans la recherche sur la longévité. Larry Ellison, le fondateur d’Oracle, a confié à son biographe que la mort le mettait « très en colère ».

Peter Thiel, co-fondateur de PayPal et venture capitalist renommé, a quant à lui contribué au financement de la SENS Research Foundation, une organisation qui s’intéresse à la longévité, qu’il co-préside avec Aubrey de Grey. Ce gérontologue britannique soutient qu’un jour nous serons capables de ralentir le vieillissement et d’augmenter l’espérance de vie humaine à l’infini.

C’est encore Sonia Arrison, amie de longue date de Peter Thiel, qui est à l’origine de leur rencontre.

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L’optimisme de la Silicon Valley

En 2013, les fondateurs de Google lancent Calico, la contraction de California Life Company, une entreprise consacrée à la recherche sur le vieillissement et les maladies connexes. Un an plus tard, Calico se rapproche de la société biopharmaceutique AbbVie, avec laquelle elle décide d’investir 1,5 milliards de dollars dans le développement de thérapies anti-vieillissement. Larry Page, co-fondateur de Google, a déclaré :

 En s’appuyant sur une réflexion audacieuse à long terme sur la santé et les biotechnologies, je suis convaincu que nous pouvons améliorer des millions de vies. »

Dans son bureau du Presidio, l’ancienne base militaire qui surplombe la baie de San Francisco, Lindy Fishburne explique que la quête d’éternité a tout son sens dans la Silicon Valley. C’est une des fidèles conseillères de Peter Thiel. « Notre culture de l’ingénierie nous pousse à construire petit à petit la solution. Car il doit bien y avoir une », dit-elle.

« Cette culture s’accompagne d’un optimisme qu’on ne trouve que dans la Silicon Valley »

L’objectif des titans de la Silicon Valley n’est pas de prolonger l’espérance de vie en combattant les cancers, les maladies cardiaques, Alzheimer et toutes les autres affections auxquelles la plupart d’entre nous succombent. Leur véritable ambition est d’utiliser la biologie moléculaire pour décoder les mécanismes qui se cachent derrière le vieillissement lui-même – le principal facteur de risque dans toutes les maladies citées – et ralentir sa course.

L’impact négatif du battage médiatique

Au cours des dernières années, les scientifiques ont fait d’indéniables progrès dans le décodage du métabolisme cellulaire, qui se dégrade avec l’âge.

« Google peut-il en finir avec la mort ? » – Une du Time

Les médias ont amplifié ce phénomène en faisant de leurs recherches la nouvelle fontaine de Jouvence. « Google peut-il en finir avec la mort ? », titrait le magazine Time en 2013. Les vieux briscards de la recherche scientifique sur le vieillissement se crispent à l’évocation du fameux concept d’immortalité.

À l’heure actuelle, même les études les plus avancées en matière de biologie moléculaire – y compris celles menées par les pointures recrutées par Google pour grossir les rangs de Calico – ne garantissent pas de déboucher sur un remède au vieillissement ; encore moins à la mort.

Le battage médiatique autour de l’immortalité « a un impact négatif, car il donne l’impression que nous nous concentrons sur quelque chose d’infaisable », déclare Felipe Sierra, responsable du département biologie du vieillissement au sein du NIH.

« Approche holistique »

Cette surmédiatisation occulte les études significatives des mécanismes du vieillissement.

’aspect positif de la chose, c’est que les gens commencent à comprendre que notre objectif est d’améliorer la santé de tous et pas seulement celle des patients atteints d’une maladie spécifique. Il s’agit d’une approche plus holistique.

L’implication de la Silicon Valley et des investisseurs privés a un impact plus profond. Ils ont fait virer de bord la recherche toute entière, détournant son attention du traitement des affections qui surviennent avec l’âge au profit de l’étude des mécanismes qui sous-tendent le vieillissement lui-même.

Certains scientifiques et chercheurs spécialisés voient l’entrée de ces capitaux comme une révolution, notamment d’un point de vue culturel. Selon eux, elle peut être bénéfique.

Adam Piore,

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Source Ulyces, Rue 89, 10/07/2016

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