Blocages et opérations escargot : le gouvernement contraint de revoir les zones agricoles défavorisées en Occitanie

Opération escargot et blocus des agriculteurs dans la région de Toulouse, le 7 février. Eric Cabanis AFP

Opération escargot et blocus des agriculteurs dans la région de Toulouse, le 7 février. Eric Cabanis AFP

Plus de 1 000 communes sont concernées par une réforme des zones agricoles, qui débouchera sur de nouvelles aides financières en provenance de l’Europe (75 %) et de l’Etat (25 %).

Les périphériques intérieurs et extérieurs de Toulouse fermés, l’A62 close entre Langon (Gironde) et la ville rose, la circulation des trains interrompue entre Bordeaux et Sète (Hérault), les transports scolaires suspendus dans le Tarn-et-Garonne… Le gouvernement a dû revoir sa copie sur les « zones agricoles défavorisées », mercredi 7 février, face au mouvement de protestation des agriculteurs d’Occitanie.

Dans ces zones soumises à des contraintes naturelles (sols, sécheresse…) ou économiques (rendements à l’hectare, densité..), les agriculteurs sont éligibles à des indemnités de l’Union européenne liées à ce handicap naturel (ICHN). Depuis 1976, une carte détaille sur le territoire français ces zones, calquées sur des communes. Elle permet de répartir une aide importante de la politique agricole commune (PAC), environ un milliard d’euros par an. La Commission européenne veut modifier cette carte début 2019 et a donc demandé à la France de nouvelles propositions sur deux types de zones : les zones défavorisées simples et les zones affectées de handicaps spécifiques, les zones de montagne en étant exemptées.

Une première proposition a été rejetée en 2013 par Bruxelles. Et la nouvelle étude, initiée par Stéphane Le Foll, alors ministre de l’agriculture, publiée mi-janvier, a provoqué la colère du monde agricole, uniquement en Occitanie. 1 058 communes pouvaient être exclues de ces zones, dont 181 dans le Tarn-et-Garonne, et 40 % des communes classées en Haute-Garonne.

Blocage d’un convoi de l’A380

« Il s’agit d’espaces agricoles qui ont pour contraintes d’avoir un climat ou un relief particulier, des terres pauvres ou très pentues ou bien d’accueillir un système d’élevage précis », souligne Luc Mesbah, secrétaire général de la Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles (FDSEA) de Haute-Garonne. « Cela représente une perte sèche de 5 000 à 12 000 euros par an et par agriculteur, la plupart éleveurs de bovins », explique Alain Iches, de la FDSEA 82. Dans le Tarn, 300 éleveurs seraient touchés et la perte de revenus atteindrait presque les deux millions d’euros.

Dès le 24 janvier, à Montauban (Tarn-et-Garonne), un millier d’agriculteurs ont bloqué les routes et le 29 ils ont annoncé la création d’une ZAD, en référence à Notre-Dame-des-Landes – sauf qu’il s’agit là d’une « zone agricole à défendre ». Rapidement rejoint par les Jeunes Agriculteurs (JA) et les autres départements (Tarn, Gers, Haute-Garonne, Lot ou Aude), le mouvement a grossi jusqu’au lundi 5 février avec le blocage d’autoroutes et même d’un convoi de l’A380 partant de Toulouse.

« Dans une région qui compte 170 000 emplois dans l’agriculture, contre seulement 70 000 dans l’aéronautique, on n’imagine pas que le gouvernement ne revienne pas sur ses propositions », déclarait ce jour-là Alain Iches. Les syndicats, qui avaient été reçus une première fois par le ministre Stéphane Travert le 2 février à Paris, avaient donc décidé d’une nouvelle journée d’action, plus importante.

Barrages de bottes de foin, de pneus ou de fumier, tout avait été minutieusement installé, mercredi, par des dizaines de manifestants sur leurs tracteurs, affluant de nombreux départements. Aux alentours de 17 heures, alors que Toulouse était totalement isolée, une nouvelle délégation composée de syndicalistes et d’élus était reçue au ministère à Paris.

L’ex-région Midi-Pyrénées ne perdrait plus que 182 communes au lieu de 472

A l’issue de celle-ci, une modification importante du projet de la carte a été actée, avant une nouvelle réunion du groupe de travail national qui doit proposer un nouveau projet au président de la République fin février. L’ex-région Midi-Pyrénées ne perdrait plus que 182 communes au lieu de 472, dans le Tarn-et-Garonne 30 communes seraient concernées au lieu de 180, et la Haute-Garonne ne perdra que 22 communes en zone défavorisée au lieu des 182 initialement prévues.

Au cabinet du ministre, on assure que « rien n’était figé » : « Nous allons donc opérer des ajustements, avec une nouvelle carte. En intégrant de nouvelles communes et en en faisant sortir d’autres. Mais globalement la région Occitanie conserve la même enveloppe financière. »

Yvon Parayre, président de la chambre d’agriculture de Haute-Garonne, s’est dit « satisfait à 90 % » car le nouveau plan permet « de réintégrer des communes grâce aux critères que nous avons proposés ». « Je comprends la gêne pour les citoyens mais ils ont pris conscience, je crois, que nous avons besoin des éleveurs pour fournir des produits de qualité en quantité suffisante », ajoute-t-il.

Cette spécificité de la région, très axée sur l’élevage bovin, fait dire à José Bové, député européen et ancien syndicaliste paysan : « Aujourd’hui la PAC ne protège pas, on ne fait que réguler la disparition des éleveurs. La vraie question est de savoir comment vont se négocier les futurs accords internationaux et l’importation massive de viande d’Argentine ou du Brésil. » En milieu de nuit, les barrages avaient été levés, après une dégustation de cochon grillé.

Philippe Gagnebet

Source Le Monde 08/02/2018